16 juillet 2016
Que faut-il
mieux faire pour rester sinon certain de sa position face au monde, comment
le serait-on ? Mais au mieux, au moins pire certain de sa position face à
soi-même. Dans cette position, ce qu’il faut, peut-être en premier lieu, c’est
être prêt à affronter le rejet, les insultes et l’apostasie de ceux qui
savent. Qui savent avant tout une chose, la chose, la place,
partout et toujours du “bien”. Le bien pour les autres surtout, pour leur
bien-être et leur pensée, pour leur avenir et celui de leurs enfants, qui
savent que tout ce qui entoure la “différence” et sa massue idéologique contenant
en elle le pouvoir de tous les concepts creux où tout peut faire office,
peut se légitimer et légitimer à quelques minutes près, son contraire,
bénir tout et son contraire et faire dormir sur leurs deux oreilles l’élite de
la clairvoyance et les hérauts de l’esprit révolutionnaire. Les mêmes qui, il y
a quelques temps pensaient bien en suivant Sartre dans sa soumission aveugle au
Stalinisme, contre les faits un peu trop criants et leur insupportable poids de
réaction, qui suivaient Sartre encore quand, après en avoir convenu, tard, il
décidait que le Stalinisme pouvait montrer quelques failles, des millions de
morts, mais pour leur bien, et pour maintenir le cap de l’esprit de la justice
et du pouvoir du peuple et des masses laborieuses, s’adonnait en toute rigueur
aux merveilles du Maoïsme. Les mêmes qui, un peu plus tard, donnent dans
l’esprit écologiste, jusqu’à en faire une idéologie aussi fermée qu’elles le
sont toutes, par essence, et qui transforme un terrain de recherche,
d'expérimentations et de choix personnels et sociaux en critères de mode de vie
agrémentés d’une mention d’adéquation et de pureté, nouveau puritanisme vert,
où la “nature” se voit parée d’un bel habit mystique, tout aussi toxique pour
la liberté de pensée que les cultes religieux les plus conservateurs.
Le bien, quand
on est persuadé de le détenir, il a quelques difficultés à ressembler au bien
détenu par son voisin. Le bien il a, quoi qu’on en pense, la part belle dans le
cadre de la bienfaisance et de toute sa démarche d’exercice d’un pouvoir qui se
cache derrière le contrôle social et le partage des biens.
La politique n'est
pas un oeuvre caritative, elle doit être prudente avec le bien, il amène dans
son sillage les fantasmes d’épuration, de nettoyage moral et on sait où, chaque
fois, cela mène. Si ce n’est que chaque fois, après quelques excès, ayant remis
la légitimité des éléments de l’altérité contaminés en place, le bien en change
et que sa recherche ouvre des horizons de purifications nouveaux. Et dans ce
cumul de causes qui sont toutes légitimes à la surface du globe qui pourtant
ne chôme pas, les causes de ce bien, défendues dans les médias sociaux avec un
sérieux et une conviction sans borne, tant de causes, tant de souffrance et si
peu de liberté, si peu d’égalité etc., il y a aussi cette nouvelle vague de
bienpensance autour de la lutte contre " l’islamophobie ",
nouvel emblème, honte de la réaction, ignorance et bêtise
d’extrême-droite, brandi comme la plus ordurière des marques de l’égocentrisme,
de l’ethnocentrisme, de tous les .ismes coupables de laisser moisir dans
l’obscurantisme les authentiques mouvements progressistes de la conscience
collective.
Alors on plie
la nuque, on hésite, on parle sans témoin pour dire que malgré les millions
d’adeptes de cette religion, le nombre est-il en soi un argument de validité,
malgré la force de son histoire, et les différentes faces de ses théories à
travers le temps, on n’est pas convaincus qu’il s’agisse tout à fait d'une
seule et unique forme d’"islamophobie", que le terme de " phobie
" demande à être soigneusement utilisé pour continuer à signifier ce qu'il
veut dire et que les mots, là encore ont toute leur importance quand on en
vient d’abord à vouloir constater les faits de ses pratiques d’exercice du
pouvoir contemporaines. Et dans ces faits, on n’a pas besoin de tourner autour
du monstre, de risquer des amalgames fâcheux pour s’alarmer des modes
d’exercices conjoints du pouvoir religieux et politique par les manifestations
d’un Islam figé, se référant à des théories et des modes d’application de la
loi coranique parmi les plus rétrogrades de son histoire. Comment observer sans
les refuser dans le principe au titre des valeurs qui sont les nôtres, au titre
également d'une certaine idée de la raison, qui demeure l'élément le plus
essentiel de toute gouvernance, les cumuls d’organisation et de contrôle du
social que cette religion pratique et autorise comme responsable de
l'application d'une règle collective morale et religieuse et qui amène des pays
entiers à rester en hibernation, au prix faramineux de la disparition et de la
persécution de leurs élites intellectuelles et artistiques, au prix faramineux
de la créativité de leur jeunesse, au prix du maintien de la moitié de sa
population dans l’ombre pour la protéger comme une faible d’esprit contre la
souillure du désir, quelque forme puisse-t-il prendre, au prix de l’enfermement
pour apostasie de toute marque de rébellion, puisque toute prise de position
opposée au régime en place est condamnable comme trahison de la parole de dieu
même.
Il ne s’agit
pas de douter de la fonction cathartique de ce cadre religieux ni de ne pas lui
reconnaître sa place, seulement à travers les extrémismes et les immobilismes
insupportables qu’il affiche, dérives, peut-être, forme ultime d’un rapport
immuable et mortifère avec une prétendue loi divine applicable à merci comme
unique référence à la réalité humaine. Il s’agit de dire que les mythes d’un
paradis dont l’accès légitime toute mesure de répression et toute légitimité
des actions sur terre sont une absurdité manipulatrice et mensongère. Il s’agit
de dire que la libération du mélange des exercices entre les pouvoirs
politiques et religieux est une des conquêtes de l’Occident et que c’est un des
premiers pas vers la force de la liberté individuelle de penser et de croire,
le politique et le religieux ne font qu'un dans l'Islam et le privé comme le
public sont entièrement sous le contrôle de la loi divine que dans l'idéal le
Calife fait respecter, de dire que la lutte pour la libération des femmes et
leur prise en compte au titre d’égales indiscutables des hommes est une des
conquêtes de l’Occident et qu’elle peut et doit être considérée comme une
conquête de l’humain vers sa propre humanité, que le message des Lumières en
est une aussi et qu’il a en lui les caractéristiques d’une dimension
universelle du droit de chacun, que, au-delà des mythes du progrès comme
nature de la civilisation, une structure religieuse ou sociale qui immole tout
mouvement de pensée dans des rituels et des discours stéréotypés et
inamovibles, rendant impossible parce que blasphématoires les recherches de soi
sur soi, les hypothèses existentielles, qui sont, l’accepte-t-on ou non, les
codes subjectifs de la modernité même dans laquelle le monde entier est entré depuis
quelques siècles, même si la forme de réactions au nom de l'inchangé, de
l'inchangeable transféré dans l’unique référence à des écrits sacralisés tend à
vouloir s’en détacher, comme elle tend à créer ses propres droits islamiques de
l’humain dans une volonté de se séparer du mouvement de l’histoire et de
surtout pouvoir rêver de l’abolir.
Il n’est en jeu
ici aucune "phobie" mais des convictions ou mieux des valeurs. Cette
position serait la même à l’égard de n’importe quel cadre religieux ou
idéologique qui s’autoriserait, pour des causes qu’il générerait lui-même, des
droits de légiférer toutes les existences au prix de leur mise au silence et de
la culture de leurs peurs de la mort, de la répression sauvage ou du
changement. Elle serait la même à l’égard de tout mouvement se prévalant du
culte d’un quelconque "Être suprême" qui, à nos yeux, est justement
ce dont il faut à tout prix se débarrasser pour advenir dans nos contradictions
et nos faiblesses, dans nos forces d’entendement et dans les voies vers
nous-mêmes.
Alors, pourquoi
devrait-on, sous peine d’être défini comme perdu dans une forme de
conservatisme frileux et d’errance intellectuelle, sacrifier au rituel d’une
idéologie du bien qui s’abreuve sans pondération ni auto-critique à toutes les
causes de l’altérité quand on est construits jusque dans sa substance même, de
valeurs et que les luttes pour ces valeurs sont, tout simplement,
insacrifiables ? Alors pourquoi devrait-on souscrire au silence quand on pense
en particulier aux statut des femmes dans l’Islam comme il est défini
aujourd’hui majoritairement, sachant que le fait qu’elles l’acceptent ou non
comme une marque d'excellence de leur foi n’est pas la question, mais que la
question est leur impossibilité à pouvoir dire non à cette foi et à ce statut
si elles le désirent, sans risquer la mort, quand on pense aux règles quasi
omniprésentes du patriarcat les plus rétrogrades, considérant la fille comme
devant être vendue, comme ne pouvant suivre des études, dans certains pays,
comme devant être excisée, la présence de la légitimité religieuse ayant
récupéré tout ce qui semblait convenir aux systèmes de pouvoir en place des
pratiques antérieures en permettant absolument tout ce qui peut et doit
s’opérer en son nom, quand on pense aux conditions faites à l’opposition
politique dans la plupart des pays à gouvernements islamistes, à celles faites
aux homosexuels, on n'a pas l'envie de brandir une nouvelle cause du bien
parmi celles défendues par la gaucherie occidentale, parce que ce rapport
infantile à un pouvoir divin imaginaire tout-puissant mis en oeuvre par des
élites religieuses elles aussi toutes-puissantes et tout aussi corrompues que
leur équivalents séculiers occidentaux, il est aussi ce contre quoi on lutte.
La différence et le respect pourquoi pas, mais comment la tolérance se
peut-elle souscrire à ce qui est tout bonnement du simple point de vue des
droits humains, inadmissible ? EG