6.25.2018

Perdre le fil du silence. "Phantom thread" Paul Thomas Anderson

 "Phantom thread" Paul Thomas Anderson



Il existe une sorte de classement des réalisateurs avec des penchants plus prononcés pour certains que pour d'autres et Anderson a toujours été de ceux-là. On aime tous ses films, avec une légère faveur pour " The master" parce que Phoenix est un comédien exceptionnel mais avec pour tous une même sensibilité qui faisait attendre Phantom thread avec excitation.
 L'effet a été si désagréable, oui désagréable qu'il a fallu deux soirées pour venir à bout de l'affaire.
En cause d'abord, en cause avec une sorte de colère à peine retenue pour la sottise esthétique qu'il révèle et surtout l'incompréhension de l'usage obsessionel, vain, abrutissant de la musique  de Jonny Greenwood, d'un bout à l'autre, sans répit, sans pause, sans raison non plus, et donc montrant une sorte de pli, de faux pli pris dans les us et coutumes audiovisuels de ne plus questionner les fondements de ces couches de bruits, toujours médiocres, là pour.. pourquoi ?
Prouver que l'action et ses formes sont à la hauteur des sauteries émotionnelles du spectateur ?
L'aider à se tenir éveillé ?
Bien lui faire comprendre que tout cela est une fiction ?
Aider les comédiens à créer un impact ?
Non, pas même ça.
Juste parce que " ça " se fait et que si "ça" se fait, si ces musiques au mètre utilisées dans toute vidéo balancée sur les médias sociaux, militant pour la sauvegarde des espèces en danger ou témoignant de la joie indiscible de la dernière randonnée dans le Val d'Oise , c'est parce que le public aime ça et que si il aime ça, on le lui donne.
Sans même se demander si il a l'oreille ou l'espace critique suffisamment aiguisés pour prêter attention à ce sempiternel plaisir de l'ouïe, imposé, infligé, utilisé comme une évidence acoustique et si communément répandu à la surface de la terre que plus personne à part quelques névrosés du silence ne se pose la question de son utilité et de ses fonctions.
Bien que nous soyons condamnés à cette musique en poussant nos caddies, en nous promenant sur FB, à l'hôpital, sur la plage, en fait partout ou presque, allons-y, n'est-on pas là dans l'excellence des trucs de marketing dont la première qualité est de faire croire que le désir que vous assouvissez bon an mal an est le vôtre, dans les politiques  médatiques d'auto-absorbtion des foules ?
Mais qu'un réalisateur comme Anderson ne prenne pas la peine de se poser la question de la toxicité de cette couverture sonore qui ampute son propos de toute force autonome, c'est plus fâcheux.
La bande son est affreuse en plus, ampoulée, manièrée, attendue, entendue.
Greenwood a pourtant accompagné Anderson dans plusieurs de ses films et avait réussi à se faire oublier, car c'est ce qu'on demande à une BS, de se faire oublier, et tout se passe comme si,  soudain, il se soit senti libéré de son rôle d'animateur et n'ait pas su ou pu se donner de limites.
On nous inflige toutes les caractéristiques de la "musique d'ambiance" , c'est à dire de la musique qui est faite pour que personne ne l'écoute. Il y a là, palpable, toute la frustration de devoir simplement "illustrer" l'action et les vibrations émotionnelles des personnages, et dans cette autonomie laissée au compositeur, sa volonté d'en faire. Et d'en faire trop sans pouvoir pour autant créer une oeuvre.
Manque de corps, de tenue, de caractéristiques mais tentative de créer autre chose qu'une BS. 
Et comme tout bruit imposé, n'oublions pas que la musique est utilisée comme torture à Guantanamo, elle devient si prégnante que le film lui-même est relégué au rang des lavements qu'on souhaite voir s'achever le plus vite possible pour qu'enfin, ça se taise.
Le message de toute façon n'est pas assez décent pour nous faire oublier ce pensum acoustique, l'histoire est pâle, artificielle et Lewis ne réussit pas à la rendre plus crédible et plus attractive.EG












Ce qui ne nous tue pas ... N°2