8.31.2018

L'homme neuronal La destitution de l'humain.






Model can more naturally detect depression in conversations. Neural network learns speech patterns that predict depression in clinical interview.

Journal pensif
L'entretien clinique est confié à un logiciel qui "prédit" la présence d'une dépression grâce aux intonations du discours.
Questions : la poussée ultime de cette culture est-elle donc vers la disparition complète de l'homme pour l'homme ?
La techné ayant réussi à se voir valider toutes les compétences qui ne peuvent chez l'homme que laisser place à l'écart, à l'imparfait, à l'à-peu-près. La quantité et l'ampleur des conséquences de cette posture seraient à découvrir et à développer, supposées a priori irréductibles en tant que "contexte" d'un devenir humain, "contexte" dont on reconnaitra avec Derrida, la dimension ouverte, la " non-saturation structurelle du contexte"2
On fait l'hypothèse d'un désinvestissement narcissique global de l'humain en tant que devant et pouvant être pensé par lui-même dans sa dimension de "condition humaine", c'est à dire dans sa spécificité incontournable d'être parlant pris dans l'histoire et dans la prise de conscience de l'absence de sens de cette même condition hors des champs de la mystique, de l'idéologie totalitaire, de la religion ou simplement sans les cadres socio-psychiques de la cohabitation avec le vide des finalités et des causalités de sa présence. A l'égard des justifications ou légitimations de cette présence, peut-être dans le sillage de la vérité historique révélée sur les possibilités infinies de destruction amenée dans le sillage de la colonisation et des camps d'extermination, miroirs de l'idéologie du progrès générée par la capitalisme, dans le sillage aussi de la psychanalyse et de ce qu'elle a dit et tente encore de dire de la dimension ambivalente de tout élan vers l'autre et du travail de la pulsion de mort, aussi présent que l'illusion de sa potentielle maîtrise, quelque chose s'est résorbé une fois pour toutes de la nécessité d'un savoir sur soi en tant qu'espèce qui soit un savoir idéalisable, mythifiable et menant à une vision escatologique. 
Le retour en force de la question identitaire, qui finit par se déliter en microcosmes est une des manifestations de cette idéal des Lumières joignant la science et le devenir de l'humanité comme unifiée autour du savoir qui ne pourrait s'exercer que dans le contexte d'une vision unifiée et homogénéisable de la "nature humaine", c'est à dire hors de ce qui crée les ressorts de l'identité : la présence pour sa propre existence de l'identification et de la localisation géopolitique, religieuse, sexuée etc..de l'autre, toujours extérieur et potentiellement à maîtriser ou détruire pour cette même raison, inhérente à l'identité elle-même. 
L'idéalisation humaniste a vécu, mais continue à hanter l'imaginaire, face à ce XXième siécle faisant se cotoyer l'idée d'un "progrès " pour l'humanité et de sa présence tangible dans la techné avec la vision traumatisante de ce même progrès source de massacres eux-aussi étayés par la techné et donnant à évaluer nécessairement a fortiori dans quels replis obscurs se tient ce noeud indéfaisable entre la mort de l'autre et la volonté d'un idéal de l'espèce univoque.
On peut postuler qu'entre autres mouvements dans les relations entre société, individu et techné, toujours fusionnelles et créatrices de changements pas toujours anticipables ni conscients dans les moeurs et les valeurs collectives, le fait de déléguer, au nom de ce scientisme qui est venu réassurer l'imaginaire collectif libéral sur les objectifs concevables de l'aventure humaine, à des forces postulées "rationnelles" ou "pragmatiques" , car validées par la légitimité des sciences dites dures et à la techné, la connaissance de cette aventure et de pouvoir la modéliser afin d'en extraire des données matérialisables, ait été une tentative d'effacement de ce même noeud propre à l'humain, une forme de dédouanement et de désespérance sur son potentiel évolutif, confié en ce contexte à des instances, tout ausssi imaginaires mais validées comme "neutres" , désaffectivées et donc protégées contre les aléas des subjectivités si bruyantes et malléables.
Par contre, ce qui n'est pas pris en compte est le fait que ce glissement de la techné au rang d'un savoir-sur, d'un savoir sûr, s'effectue comme une " destitution de l'humain " 1, prenant donc la place de son objet d'étude lui-même, est vraisemblablement une simple autre forme des déboires de ce pouvoir accordé à la techné de nous étayer en même temps qu'elle nous détruit.
Paradoxe structurel, ce depuis la première taille de silex vraisemblablement, mais qui se trouve en ce moment, comme toujours, relégué à l'impensable car incompatible avec la vertu du clivage entre créativité destructive et rêve humanophile.
Une des caractéristiques de ce temps est l'omniprésence de "données" supposées quantifiables sur l'Être. La religiosité qui entoure l'idée que la "science" en tant que fin en soi peut faire miroiter un possible accès à du sens définitif et dans l'impossible de rien qui puisse jamais s'atteindre, crée une forme d'hémorragie de "découvertes" : plus d'une trentaine par jour dans la très sérieuse revue "daily sciences" avec, dans leur sillage, les mises en pratiques de modèles ayant un but normatif et catégoriel, puis un objectif éventuellement thérapeutique, la marge ayant été identifiée et devant revenir au centre du Bien-être global. Pour être validée au niveau des représentations contemporaines, il faut que dans la recherche figure les termes ""neural, brain, genes" mais sur du moyen à long terme on constate aussi rapidement que des "découvertes" supposées fondamentales sur ces trois éléments sont contredites, modifiées, effacées dans le flux des recherches suivantes, et que en ce qui concerne le "cerveau" et son "fonctionnement", on n'en sait au fond, rien. Mais ce vide de savoir, de savoir concret s'entend, qui est le seul validé actuellement puisque rien de ce qui ne se matérialise pas sous une forme ou une autre n'a tout bonnement d'existence, est passé dans le domaine du forclos alors qu'il est une des fondations épistémologique de la recherche scientifique. 
Dans le contexte de cet homme-cerveau, la quête infinie de chacun pour se dire et se faire dire par l'autre trouve un écho morifère puisque tout ce qui va être identifié comme "état", diagnostiqué par une instance dépositrice du Savoir, va servir de réponse finie à la question insondable du Qui suis-je ? et lui donner un carcan rigide de définitions nosogaphiques sommaires qui sont considérées comme LA réponse dans un premier temps pour l'individu, souvent soumis à une sorte d'enthousiasme thérapeutique, pour initier douloureusement plus tard la désillusion de ce qui "ne marche pas". Bien sûr qu'un diagnostic ne "marche pas" puisqu'il ne dit que ce qui peut éventuellement se voir comme symptôme ou signe ou appel non formulable adressé à l'autre et qui en lui revenant sous forme de savoir sur lui, enferme donc le Sujet dans son propre mirage.EG
1. Etienne Tassin. Le trésor perdu, Hannah Harendt, l'intelligence de l'action politique  Paris. Payot Rivages. 1999
2.Jacques Derrida. Communication 1971, Signature, évènement, contexte







Ce qui ne nous tue pas ... N°2