8.01.2018

Troubles de l'attention. maladie d'enfance. Hypothèses.

Les diagnostics transatlantiques des diverses pathologies qui touchent une population enfantine  croissante en Occident aident certainement les parents et les enseignants à comme on dit "s'y retrouver", c'est à dire à aussi se défaire, se démettre de ce qu'ils sont tenus de subir lorsque l'enfant rend visible par son corps un message indécodable avec leurs outils habituels.
Par contre, jamais ils n'ouvriront ces mêmes messages à de l'entendement, ni pour ces mêmes enfants ni pour les adultes autour et avec eux. Un diagnostic, ce n'est pas de l'entendement, et d'une certaine façon, c'est même tout l'inverse de l'entendement parce que inévitablement ça enferme, à la fois celui ou celle qui se met en position de savoir et qui nomme le "trouble" en le séquestrant dans un champ de représentation strictement contemporain et aléatoire et donc avec lui à une vision pas nécessairement explicitée de la pression sociale et de ses normes, celui ou celle qui conduit son enfant auprès de cette instance afin qu'elle le nomme à sa place et évidemment, celui ou celle (celui ici majoritairement) qui subit l'appelation qui vient, ourlée du supposé savoir,  à le définir "en entier".

Déjà, dans le contexte des "troubles de l'attention etc." le diagnostic, avec le vague qui le porte sans jamais être clairement dénoncé de mélange de champs de symptomatologie et de nosographie et de nosologie et de tout ce qui permet de croire penser qu'on sait ce dont on parle, ce n'est pas un bon départ.
On pourra y revenir mais, même sans prendre en compte ce que le diagnostic produit c'est à dire une ordonnance, un ordre de soin, dans un contexte de développement et de devenir qui caractérise l'enfance, c'est à dire de recherche constamment remise en jeu de soi avec les mouvements biochimiques et neurologiques qui l'accompagnent, c'est même la pire des geôles possibles, impliquant de coincer celui ou celle qui le subit dans un seul mode à la fois relationnel et subjectif, c'est à dire en lui coupant d'une façon quasi définitive la possibilité d'un espace de jeu avec lui-même, d'aller et retour, de constructions et en attribuant à une instance toute-puissante la voix, qu'elle a déjà de toute façon, mais pour en faire une voix qui s'amalgame à la lutte incontournable du Sujet pour advenir à lui-même.

Et c'est donc une ouverture vers ce même terrain de jeu qu'on voudrait permettre.
Pas de références pour l'heure, nous les joindrons au fur et à mesure plus tard. 
Une seule approche qui se nourrira elle aussi au fur et à mesure et se développera grâce aux lectures et aux observations.
En partant du postulat que toute interaction, fût-elle produite sous forme d'échange entre le dehors ou le dedans ou entre les diverses matérialisations, scènes, psychiques qui échangent uniquement dans le dedans, toute interaction est nécessairement "neurologique", c'est à dire productrice de réponses biochimiques et ou neurologiques qui elles-mêmes induisent une réponse ou une forme de route dans le "comportement" au sens le plus large et que donc, l'approche causale en vogue, mise à part sa pauvreté descriptive, est une forme d'impasse.

Nous allons postuler. Observer. Et postuler.
Postuler sur la formation dans la toute-petite enfance de la pensée, d'une part, et de ce qui semble faire défaut à cette nouvelle catégorie d'enfants, l'attention.
On mettra de côté le sens double de ce terme, pourtant révélateur de l'ambiguïté entre ce qui se prête et ce qui se donne, simultanément.

Dans le territoire psychique de la séparation, c'est à dire justement là où se crée la pensée, sur une coupure et une absence et la nécessité de se représenter  l'objet qui l'occupe et qui a fui, se crée la capacité à la rêverie, c'est à dire à une transformation des angoisses de destruction et d'anéantissement en une possibilité de négociation où se dessine progressivement  l'unité du Sujet. C'est un travail qu'il ne peut accomplir que seul. C'est le lieu de la solitude ontogénétique. Le seul en présence de la mère de Winnicott, qui nécessite que cette présence octroie l'espace nécessaire pour la capacité à occuper d'une façon réversible et dynamique cette solitude sans elle.
Il n'existe pas de pensée qui ne mette en jeu d'une façon ou d'une autre, cette malléabilité faite de va et vient entre les dehors-dedans utilisant les dons offerts par les instances extérieures, bonnes, et se les appropriant comme siennes et puis soi mais sans la présence réelle de ces instances, leur capacité à s'effacer sans générer d'effondrement, étant un élément fondateur structurant.

On peut postuler que les mères contemporaines sont en quelque sorte "trop bonnes", c'est à dire que pour des raisons multiples sur lesquelles nous reviendrons plus tard, elles ne peuvent pas se permettre d'autoriser à cet espace psychique à la fois interne et externe, sa légitimité transitionnelle, marqué qu'il est par un potentiel engloutissement.
Il est donc et avec lui l'enfant et sa pensée, avec la capacité de rêverie qui la génère, soumis à une présence sans alternative, une impossibilité de replis, une prise de possession de tout territoire privé absolument où puisse se construire le mouvement d'une introduction-intronisation de la pensée comme  inaccessible.
Un enfant qui donc ne peut pas se poser, poser sa pensée, poser avant et avec elle sa capacité de rêverie dans sa fonction de création d'un lien fondateur entre les mondes externes et internes, ne peut que passer d'un lieu réel à l'autre et d'une pensée à l'autre soumis qu'il est à la prégnance sur cet espace de jeu de sa mère qui occupe alors tout le terrain de ce qui est investissable et à l'urgence de devoir quitter toute potentielle attache et de la retenter sans répit ailleurs, ne pouvant que rencontrer un territoire déjà occupé et surtout visible.

Il est impossible que l'enfant puisse construire quoi que ce soit d'une forme de stabilité entre le monde et lui parce que le temps et avec lui l'espace nécessaires pour créer cette stabilité, qui donnera plus tard les éléments de toutes les élaborations théoriques, esthétiques, conceptuelles etc. est sous contrôle d'une autre instance qui ne peut pas se retirer. Les tentatives sans cesse réitérées de se poser avec les "choses" sont vouées à l'échec car elles se trouvent immédiatement occupées par la pensée d'un autre, donc impossibles à intégrer à un espace psychique libéré et solitaire.
On peut postuler ces instabilités comme des solutions, des réponses, comme n'importe quel symptôme, c'est à dire comme un aménagement de survie psychique.EG


A propos de l'article de Laurent et Christian Demoulin, « L’enfant dieu selon Savitzkaya », in La Clinique lacanienne, n° 10, Érès, 2006. Dans
Cette relation dans une éternelle présence à l’autre peut être génératrice chez l’enfant d’une dépression, d’une apathie, et de son corollaire défensif : l’hyperkinésie qui est la prise dans cette demande illimitée, dans ce prosaïsme de la relation médiée par des objets tout aussi présents et réels, sans que rien ne s’offre à la symbolisation, à l’idéalisation, à l’anticipation.







Ce qui ne nous tue pas ... N°2