Le 9 août 2022
A la mémoire des poursuites covidiennes
Tant que l'on s'obstine à considérer l'appréhension scientifique du monde comme une puissance détachable de soi, dont il s'agit de déterminer et d'encadrer l'usage, on se condamne à un discours sans cesse sur la défensive et sans cesse débordé, parce que manquant toujours ce qui, en nous, nourrit ce que l'on prétend contrôler. Olivier Rey Itinéraire de l'égarement p.32 Seuil
Un peu de partout jaillissent des positions de plus en plus visibles sur l' "affaire covid" et la manifestation de désirs de mettre les divers acteurs et leurs décisions sous la lecture du droit et des comptes à rendre.
Évidemment, on ne peut que souscrire et apprécier que la recherche de la vérité, ou du moins la réaction au pouvoir du mensonge, soit plus active et publique.
Mais on doit aussi faire avec la place de l'effacement dans la mémoire collective actuelle et son peu de résistance aux divers flux de priorités auxquels elle est soumise.
Ce qui se montrera vraisemblablement dans les démarches pour amener ce montage de manipulation historique, non au titre d' évènement exceptionnel dans la dissémination de pensée propagandique mais dans son ampleur évidemment globalisée et lui donner une lecture au rang du droit, c'est à dire le temps nécessaire, le travail de fond et la collecte de données, c'est à quel point la manufacture des consentements divers opère aussi sur l'oubli, et surtout s'appuie sur lui.
On peut citer de nombreuses vagues d’offuscation, de bienséantes colères lancées avec l'énergie cybernétique à l'égard de tel ou tel scandale ou telle ou telle choquante accusation, qui se sont arrêtées dans leur seule dénonciation et ont ensuite, avec le concept de responsabilité et l'évaluation des conséquences qui leur aurait été liées en d'autres temps, plongé dans l'oubli : Tchernobyl, les "gazages" de Al Assad, Fukushima etc.
Tous ces faits catastrophiques notoires, certains faisant l'objet d'un engouement de masse toujours attiré par les monstruosités dont elle se nourrit avec avidité, n'ont jamais, ou d'une façon très discrète et uniquement à la portée d'individus qui les cherchent avec obstination, fait l'objet d'une évaluation médiatisée publique des CONSÉQUENCES : une suite qui entraîne un fait, une action.*
Notre président qui "assume", sans nécessairement être conscient des sens divers de ce mots-clef de sa notion du pouvoir, entre avec perfection dans ce contexte assez alarmant, où quels que soit la décision, le choix, ou l'évènement imprévu faute d'être imprévisible, il suffit de l'assumer, c'est à dire de s'en porter garant au moment où il est fait sans avoir à s'en déclarer responsable.
Seule la responsabilité peut éclairer le poids et la prise en compte des conséquences, mesure qui elle aussi demande du temps et une volonté de se situer dans le fil d'un passé qui continue d'agir, qu'on le veuille ou non.
Mais le parti-pris, la direction donnée aux modes de pensée post-modernes se manifestent par l'effacement systématique, voulu certainement, de tout ce qui est du ressort des conséquences.
Que ce soit au niveau médico-psychiatrique, au niveau des évolutions des critères de la santé et de la morphologie du corps qui va avec, au niveau des impositions éducatives, on trouve sans cesse le même modèle qui ne travaille qu'avec ce qui pouvait se nommer le "symptôme", c'est à dire une résultante de décisions, de faits, de promotions diverses effectués en amont sur un plan temporel et pouvant être qualifiés de racine, de cause, de maladie etc.
Le travail de sape de la notion de responsabilité, sorte d'étiologie éthique va de pair avec l'accollement d'un "diagnostic" comme savoir sur les divers réactions ou conséquences observées. Il s'accompagne d'une "désinhibition" de la part normative qui devrait ou pourrait présider aux catégorisations et à leur rapport avec "la santé" ou 'l'équilibre". On a ainsi l'apologie reconduite à longueur de fil de diverses formes d'obésité qui sont poussées dans le champ de l'acceptation, de la tolérance de la différence, et occultent ainsi toute approche de recherche causale. Même démarche pour tous les symptômes du mal enfantin contemporain, qui sont sous la forme de leur médicalisation omniprésente, ramenés à une capacité diagnostique sans jamais en faire une anamnése.
Ce qui donne à tous ces évènements, à tous ces choix une complète impunité et une totale absence de possibles enseignements à tirer de leurs "impacts" comme on dit, pour tout sauf pour ce qu'il serait nécessaire de transformer en témoin des conséquences des pratiques ou des décisions prises en amont.
Avec cet effacement de la notion même de conséquence, vient celle d'impunité, la force sur laquelle s'appuie cette aisance à l'immunité étant la certitude que de vague en vague, de choc en choc, ce qui aurait pu sembler évident et nécessiter des recours ne fait plus écume dans le bruit incessant des priorités médiatiques et l'addiction à l’amnésie de ses consommateurs.
Peu surprenant donc qu'il suffise de se rétracter, de faire un bref commentaire d'excuse quand on a encore un peu de sens moral ou d'adaptabilité au contexte mouvant, ou simplement de continuer comme si de rien n'était puisque cette amnésie de masse garantit cette immunité à la mémoire collective et l’impunité qui l'accompagne bien mieux que toutes les lois qui demandent le temps des procédures pour être respectées avant d'être efficaces.
Or ce qui ne sécrète pas de cris et d'injures, c'est à dire ce qui mettrait en branle une dimension temporelle et la capacité à y inclure la dimension de l'expérience, le travail du temps nécessaire pour mesurer les actions et la responsabilité qui s'attache à leurs conséquences n'a plus de pouvoir, n'étant pas source d'hystérie collective ni de croisade express bienpensante.
On sait pourtant à quel point cette volonté d'oubli, d'effacement est une constante, qui nous oblige à hisser des stèles, à lister des noms de morts par millions, à programmer des commémorations afin de nous donner l'illusion que tout cela n'aura pas été complètement vain.
Imaginer que une fois les derniers reliquats de masques sentant le poisson tombés des visages de vieillards effrayés et les injonctions à l'effroi de la WHO passées à d'autres fléaux, la masse continuera ou simplement voudra "suivre" la suite historique, autrement dit mesurer l'ampleur de sa manipulation est faire fi de la logique promotionnelle qui régit la réalité.
Il faut pourtant le faire, même si aucune institution internationale n'a plus le pouvoir de jouer le rôle du tiers et si elles sont toutes corrompues et donc incapables de pouvoir faire office de régulatrices, il faut tenter de coincer les acteurs véreux de cette "masquarade" et leur faire rendre des comptes faute de leur faire rendre l'âme.
Mais ce que le consommateur massifié cherche, veut c'est un renouvellement incessant de ses plaisirs et de la jouissance qu'il tire de ces émois reconduits. Ce qui serait du ressort d'une "perlaboration" informationnelle, de la distance donc nécessaire à la mesure des conséquences ne peut pas s'appliquer à ces modes de relations à la réalité médiatique qui le plonge dans une sorte de bain où il s'oublie lui même, oublie ses choix et les engagements qu'ils impliquent, où il passe son existence insensée et sans arrimage à se désister pour suivre le mouvement de l'esprit de mode, il flotte au gré des courants, se fait happer par les tendances dans un monde fluide dans lequel la température est maintenue constante et où tout fait promu est destiné à émerger à la surface comme thème de centration éphémère pour s'enfoncer jusqu'à devenir invisible et donc sans intérêt.EG
* Dictionnaire historique de la langue française Alain Rey