8.02.2022

Sous les bracelets la plage

Sous les bracelets la plage




A chaque nouvelle nouvelle, c'est une sorte d'avancée, de percée plus profonde dans ce qui a pu, il y a longtemps, s'appeler les voies de l'oppression, de l'aliénation, de l'esclavage, de la servitude, de tous ces termes qui étaient supposés mesurer les écarts à ce qu'on a coutume de nommer "la liberté" sans vraiment savoir de quoi on parle, ni de qui.
De qui, parce que " la liberté" n'a d'usage que dans une perception de ce qui qualifie la notion, elle aussi aléatoire, d'individu.
Qu'est-ce qu'un individu libre ?
Sauf à lui demander de pointer lui-même les thèmes de sa subordination, ce n'est qu'une sorte d'hypothèse, plus ou moins présente, plus ou moins argumentée en fonction des discours fluctuants sur le "bien" collectif et "l'estime de soi", deux des rames de cette barque qui tendent à avancer dans des courants différents ... quoique.
Les nuages de l'oppression ont survolé les terres des théories identitaires avec une telle constance, et dans une imposition de plus en plus répressive de leur approche révolutionnaire sur le moindre cheveu dans la soupe de l'inclusion et de la transectionnalité qu'on est encore pris dans leur ombre, jusqu'à ne pas pouvoir réévaluer, si l'on peut dire, de quelle liberté on se réclame, sauf à marcher dans les pas des grandes catégories biopolitiques à faire exploser avec constance et fermeté.
Donc, dans cette lutte si âpre pour nous libérer, menée tous azimuts depuis un dizaine d'année par la prêtrise postmoderne et ses adeptes, il est possible que nous soyions passés à côté de quelque chose de fondamental, ou qu'on l'ait négligé par paresse, par conformité, par glissement imperceptible mais régulier des valeurs qui nous soutenaient il y a quelques temps.
On va poser des bracelets aux poignets de plusieurs milliers de collégiens. Des bracelets évaluateurs de conduites : hygiéne morale, hygiéne sociale, hygiène physique, mesurées sur des critères aussi limpides et simplets que des algorithmes et ce "lancement" semble malgré quelques cris ici ou là, comme une évidence, tout comme l'a été il y a quelques heures à peine, le port des masques que ces mêmes collégiens ont fini par porter comme un étendard de leur particularité et comme un message de conscience politique adressé aux adultes hors d'usage qui questionnaient sa fonction et ses buts.
On ne peut pas ne pas lier toute cette masquarade dans une perspective de contrôle global des populations au lieu symbolique et réel de la parole libre, cette bouche à cacher en l'accusant de tous les mots.
Ni le choix des lieux de plaisir, c'est à dire de festoiement de la gente humaine autour d'elle-même, manger, se promener ensemble, écouter de la musique etc. toutes activités qui sont la matrice même du lien social et de sa dynamique, comme marque plus ou moins consciente de ce qu'il est nécessaire de réduire, de contrôler heure par heure, d'annihiler afin que ne demeure que la solitude protégée de l'individu face à ses écrans et aux échantillonnages sélectionnés du monde qui s'y déversent sur le sol s'effondrant sous ses pieds.
Les bracelets sont la suite, ou l'amplification au quotidien, c'est à dire sans la menace nécessaire à faire accepter l'inacceptable, de toutes ces circonvolutions qui ont fini par réussir à extirper toute assise invisible au Sujet pour en faire une simple projection de critères.
Dans un matraquage idéologique incessant tendant à ne faire exister que des sous-groupes minoritaires au nom de leur déviance par rapport à la norme, n'est-ce pas subjuguant de délire partagé ?
C'est que cette zone de l'intime, zone obscure, qui ne peut planifier ni aplanir les "relations sociales" ou "le rapport à l'exercice physique" ou " le bien-être psychologique" a fini par se rendre aux impératifs de la visibilité qui lui fait perdre tout de sa densité et de son mystère pour la transformer en donnée sur soi.
Il semble inévitable que ces mêmes données, dans le chassé-croisé de la construction du sujet avec et par l'autre, vont, comme toute actuelle démarche d'acquisition d'une nouvelle "identité", petit à petit se substituer à un possible sujet , unique, non maîtrisé non connaissable et poussé par l'inconscient.
C'est d'un assèchement complet de ce qui fait la fulgurance humaine dont il s'agit, où les corps dans leur absolue liberté à ne pas être uniquement des données, vont se plier, ou faire croire qu'ils se plient à une sorte de diktat à la fois surmoïque et tendance les immergeant nuit et jour dans la transparence du Bien.
On constatera avec étonnement mais comme de nouvelles données à prendre en compte et à ajouter aux algorithmes combien ces adolescents vont de plus en plus penser à la mort, incapables d'aller se chercher ailleurs que dans les chiffres qu'ils émettent et vidés par un fond commun de mots de plus en plus frelaté car uniquement validé quand ils disent la même chose que ce qu'ils en attendent. EG


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Décapités nous sommes.