2.18.2023

Cochon mon frère N°2

 

" Mes opinions" est l'autel de toutes les cérémonies spécistes, le lieu de passage de toutes les condamnations de la gente humaine pour la "violence, la duplicité, l'insensibilité" dont elle s'obstine à faire preuve. On a une nouvelle fois les rapprochements avec l'holocauste, l'éternel recours à la catégorisation de "sentients" et, on cite : " Il est vain d’appeler à la paix parmi les humains tant que les humains massacreront et dévoreront des personnes qui ne diffèrent d’eux que par l’espèce. Les cochons sont des êtres vivants doués de sentience, et possèdent par là même des droits fondamentaux que nous leur nions arbitrairement.
Ouvrons nos yeux, nos oreilles, notre esprit et notre cœur à toutes les victimes des abattoirs : n’ignorons plus leurs souffrances, entendons leurs cris, ne les mangeons plus."
 

On a glissé inexorablement de la condamnation, plus que légitime, de certaines conditions d'élevage, condamnation ressortissant à la simple raison face à l'immonde, à la condamnation systématique et morale de la consommation de viande, s'appuyant sur les diverses grandes plaintes de l'air du temps et l'amalgame de la consommation de viande avec les grandes peurs du 21 ième siècle décadent.

Le lexique d'usage est toujours celui de la sensiblerie, ici cataloguée de sensibilité, qui fait si aisément glisser vers la larme à l'œil, même si celle-ci empêche la plupart du temps d'y voir clair.
Il y a hélas dans le contenu de ce message, même en négligeant le fait que le Père du spécisme, Peter Singer est le prototype du faux intellectuel pur produit de la misère conceptuelle d'Outre-Atlantique et qu'il est avant tout un fervent défenseur de l'euthanasie et un théoricien des bonnes œuvres occidentales de charité à l'égard des "pays pauvres" , ce qui demeure un des horizons de la pensée politique les plus colonialistes, voire racistes que l'on puisse entrevoir dans le cadre de l'autonomisation des pays du tiers monde.
Dans ce catéchisme de l'écrasement de ce qui qualifie l'humain, le pont semble-t-il qui est toujours tu mais qui harcèle toute posture logique de son déni est le fait que dans ce grand nettoyage moralo-religieux de nos appétits, ce qui pleure sur l'extinction des espèces n'envisage pas que les animaux domestiques n'ont de réalité, de présence, qu'à n'exister pour cette même domesticité, et que leur disparition comme espèces sous le prétexte de la "mort horrible" du cochon sentient, notre frère, notre semblable sur la grande route de l'inhumanisation ambiante, est l'inévitable conséquence de ce qui ne peut exister qu'à être mangé.
C'est dur, mais vrai.
Et évidemment, sur du long terme, une fois l'omnivore interdit de séjour dans le paradis végétarien, on imagine mal poursuivre les élevages, quels qu'ils soient, simplement pour que quelques dames patronnesses puissent s'extasier sur les traits qu'elles partagent avec la truie qui les regarde dans les yeux, au milieu de ses congénères.
Extinction donc de toutes ces espèces qui nous côtoient depuis des millénaires, dont nous dépendons et qui dépendent de nous.
Un grand vide, un massacre de diversités dans les races magnifiques que l'homme a lentement sélectionnées.

Ensuite, on se doit dans ces levées de bouclier contre la mort, parce que c'est uniquement de cela dont il s'agit au fond, et donc de la capacité hautement prédatrice de l'espèce humaine, on se doit d'interroger les niveaux de l'intolérable : la mort est la mort.
On en est encore tous là.
Y-a-t-il plus de violence dans celle qui est infligée à un cochon qui était destiné à être mangé que dans celle provoquée par une longue agonie, ou par un accident ?
A la condition évidemment qu'elle soit administrée sans douleur inutile, peut-on même imaginer que la mort puisse "bien se passer" pour quiconque ?
On est face à des militant(e)s, la proportion de femmes et le lien de cette tendance néo-puritaine avec la montée du matriarcat y sont à interroger également, pour qui la mort est un concept vague, uniquement porté par les écrans et par les fictions où elle est donnée comme une évidence, proprement, dirons-nous parce que ce qu'elle a, toujours, d'obscène, ce qu'elle dit de la force du corps à nous réduire à lui-même et de la douleur comme fin de partie de ce qui était actif jour et nuit à notre insu et qui soudain se rappelle à nous comme réalité incontournable de nos limites.
Il s'agit de donner la mort, certes, et la question sans réponse du goût de l'espèce humaine pour la destruction peut se poser bien sûr aussi dans ce contexte de recherche de nourriture mais dans l'atrophie logique insensée des hauts cris du véganisme, ce qui peut s'entendre, c'est l'extrême du choix de pureté collective à l'égard des espèces animales qui viendrait en quelque sorte nous laver de nos péchés, nous réduisant à l'innocence des mangeurs d'herbe, éloignés du sang et des viscères, ne sentant pas la merde qui se lâche sous la pression de la peur ni les miasmes des cycles ou des éjaculats.
Manger en étant le plus éloignés possible de nos destins d'anthropophages, manger en ôtant de nos bouches nos capacités à créer dans l'holocauste, partout, tout le temps et à en jouir, manger en éliminant la dimension du mammifère, sang, lait, chair, pour la purifier, l'aseptiser de la mort et de la décomposition qui inévitablement l'accompagnent.
Dans ces ovations du végétal, on trouve aussi la difficile cohabitation avec notre sexualité et l'association de la masculinité à "la viande", chassée, tuée mais aussi pénétrée, utilisée, transpercée, que le néo-féminisme se fait un devoir de châtrer pour permettre à l'espèce humaine d'enfin marcher vers la lumière.
Dans le cochon qui sommeille ce qui le rachète c'est ce regard de créature "sentiente" ( terme supposé nouveau mais évidemment absurde d'évidence quant à la sensibilité animale et directement transféré d'Outre-Atlantique dans nos assiettes), qui le rend proche des stéréotypes de la sensibilité dite "féminine" qui est à sauver dans la bête , l'idée qu'il ne se réveille plus parce qu'il aura complètement disparu de l'horizon alimentaire est une belle montée de fantasme inconscient d'omnipotence, une étape à peine cachée dans l'éradication du mâle et de ses penchants prédateurs malsains.
On peut même peut-être aller jusqu'à faire l'hypothèse, qui ne mange pas de pain, que ce sont les mêmes "profils" qui hurlent au mâle à réduire et ne peuvent pour ce faire qu'user de la victimisation comme prémices absolues qui, faute de pouvoir trouver encore suffisamment de grain à moudre pour combler leur requête sans fin, ont eu la nécessité du glissement des outrages en se faisant les voix immaculées du monde animal. EG 

Petit conte amiénois Dixième partie