3.30.2023

Dialectique de la fusillade.

Une des questions quasiment obsédante en ces temps de houle est : "Comment s'en sortir ?". On cherche un truc, un terrain de négociations possible qui puisse offrir au moins l'idée d'une issue.
Après tout, n'est-ce pas ce dont la politique est uniquement faite ? Ou devrait être faite ? D'un modus vivendi, d'un à-peu-près légalisant non pas les points de vue symétriquement opposés mais leur cohabitation. 
Évidemment dans la déliquescence de la notion même d'intérêt commun, dans celle pire encore de la nature de l'engagement politique pour ceux qui cherchent à en endosser les mirages carriéristes ou les feux de la rampe médiatiques, la cruelle absence de ce tiers distant et régulateur, de ce tiers de la synthèse  autour duquel peuvent tourner des paradoxes, des exclusions, des haines tenaces et les rémanences d'idéologies contradictoires et antinomiques pour lesquelles il ne prendra pas parti de par sa nature même, se fait sentir quotidiennement dans la défense, physique, destructrice d'intérêts absolument incompatibles en apparence.
L'inclusion du concept de " haine" elle-même, évidemment comme condamnable a priori est une des nombreuses preuves de ce glissement radicalisant de la fonction première du politique.   
La "haine", ou ce qui est supposé être son discours,  ne sera jamais un concept politique, mais la manifestation de cette hémorragie de prémisses post-chrétiennes, post- messianiques mal digérées  qui posent comme acquis que pour que la cohabitation s'effectue il est nécessaire de lui postuler une demande d'amour et sa satisfaction. 
Or le politique n'est que ce qui nous prémunit contre le champ des passions, le politique dans son acceptation démocratique s'entend, d'autres versions de sa fonction ayant montré abondamment que le duo "haine, amour" qui fonctionne toujours de pair, avait des résultats fâcheux.
Ce "terrain" tendant vers la neutralité, incluant autant que faire se peut les désidératas des diverses minorités sans devoir leur donner une sorte de préséance a priori du fait de leur désignation comme telle, ne peut être celui des clivages partisans où le "Bien" se revendique de chaque côté de la barrière et où cette même barrière est en voie de putréfaction malgré les couches de teintes plus ou moins affriolantes dont on la repeint à chaque échéance électorale. 
Au fond, c'est peut-être ce en quoi consisterait la mythique "liberté d'expression" : la possibilité de faire valoir son point de vue, quel qu'il soit, comme partie constitutive d'une sorte de "tout" de l'esprit du temps que serait l'entité collective, ici donc, par choix personnel, l'entité nationale, sans que celui-ci soit a priori rayé car émis par le "clan du mal" ou tout ce qui lui est affilié imaginairement, reçu donc comme audible et envisagé dans sa valeur rationnelle, en phase autant que faire se peut avec la réalité, c'est à dire  en permettant que les arguments développés puissent être soumis sans censure dans leur spécificité et leur logique propre. 
Il va de soi que tous les face à face, amputés de ce tiers neutre ne peuvent générer que du "moi je" " toi tu", accompagnés par la fièvre des relégations dans nos passés obscurs. Ce qu'on peut qualifier de  "totalitaire" est ce sur quoi débouche le "partisanat" lorsque ne reste que le "moi je" ayant fait passer le  "toi tu" de vie à trépas généralement et administré la bonne parole aux hésitants et aux perplexes à coup de gourdin.
De cette opposition binaire dans tous les cas ne peuvent naître que des mises en scènes de divers credo psalmodiés par les appartenances, action, réaction, progrès, conservatisme par ...disons.. principe, c'est à dire dont les modalités du discours sont toutes ingérées, acceptées ou revendiquées et surtout déjà-là par les membres de ces mêmes partis non pas en tant qu'élaboration de choix personnel mais en tant que marque de son adhésion. 
Adhérer, c'est bien ce qui est demandé lorsque la démarche est faite par un individu de faire partie de tel ou tel groupe représenté dans les diverses institutions. Et ce à quoi il "adhère", sans place laissée pour une approche critique qui le repousserait immédiatement de l'autre côté de la bienséance groupusculaire,ce sont tous les diktats et toutes les lignes idéologiques dictées par son parti comme élaboration du réel considéré comme étant à modifier.
L'appartenance à un parti, à un groupe de militance quel qu'il soit également, entraine donc de facto un risque de trahison de sa propre posture critique,  de la dynamique intellectuelle qu'elle suppose et sur la pente de décrépitude que toute constitution ne manque pas de suivre au bout d'un certain temps, génère une rigidification des positions absolument impropre à l'oxygénation politique nécessaire à l'élaboration démocratique toujours à reconduire.
Les réponses dans ce contexte, sont toujours données avant les questions, avant qu'elles ne soient posées même et la réalité politique ou sociale qu'elles visent est une fiction nécessaire à l'application univoque d' options dogmatiques et non le fruit d'un temps nécessaire à la prise en compte des données statistiques mais surtout humaines impliquées.
L'expert en ces temps est celui qui donne à ce face à face politique sans issue autre que la violence une sorte de distance compétente de par le supposé-savoir dont il a été investi et qui a pour fonction de trancher ou de guider. Ses obédiences aliénées à l'une des parties  rendent par contre complètement biaisé le moindre de ses rapports, exhibant une nouvelle fois à quel point la mort du Tiers est un gouffre à la fois logique et structurel insondable.
Un des exemples les plus frappant, pour ne pas dire caricatural de cette situation de face à face binaire et de l'impasse à la fois morale, logique et politique qu'elle entraine est ce qui entoure les passages à l'acte des tueries de masse aux USA. 
Le système, totalement paralysé, de réactions montre s'il en est besoin à quel point le fait de NE PAS trouver de solution, ou du moins de façon de faire BOUGER cette problématique du massacre est vécu comme une sorte de fatalité et, monstrueusement, tend à même se banaliser. 
Chaque fois les réponses déjà-là tournent autour des mêmes thèmes en miroir ; port d'armes, quelles armes légaliser, quelle procédure de vérification de la santé mentale nécessaire pour acheter une arme etc. Face à face des "pour" et des "contre"  pris dans une telle carence dialectique qu'en tout état de cause il n'a pas su du tout révéler et modifier la dimension symptomatique de ces agissements car ne pouvant, encore une fois, poser les questions qui peuvent s'y lier, questions évidemment non formulables en l'état et ressortissant à la volonté d'une connaissance des enjeux de la pensée collective états-unienne dans son histoire et sa façon de la métaboliser.