12.15.2024
Je NOUS aime N°3
Je NOUS aime N°3
In memoriam
Avec plus ou moins de conviction, plus ou moins de fatalisme, plus ou moins de résignation chacun croyait percevoir une issue fatidique. Pas nécessairement sous les formes travaillées, impérieuses, menaçantes données dans les descriptions réitérées de l'apocalypse virale ni dans les exaltations de notre unique salvation concentrée au bout d'une aiguille, non.
Ce qui semblait avoir brusquement interrompu le flux habituel de nos existences comme par magie, ou par erreur, ce qu'on guettait et qui nous guettait en retenant jour après jour notre souffle, c'était l'abdication ultime face à la force inouïe de l'intrusion, jusqu'au plus caché, au plus secret, au plus intime de nos vies.
Un regard paralysant sur une surface maintenant entièrement éclairée, une mise en ordre définitive allaient jusqu'à nous immobiliser, comme pris au piège dans nos propres coins sombres, dans nos angles et nos renfoncements, dans tous ces lieux où chacun avait cru jusqu'à présent pouvoir divaguer sans surveillance et qu'il considérait en toute naïveté comme des refuges inaccessibles.
Quelque chose comme sa propre peau et l'usage qu'il croyait pouvoir en faire lorsqu'il souhaitait se pelotonner dans sa solitude première et qui se trouvait depuis de semaines effleuré, observé, griffé, ausculté, menacé, puni, condamné nuit et jour avec l'insécurité grandissante et la pression de la certitude de ne plus pouvoir en retrouver le pouvoir protecteur qu'au prix du prochain anéantissement de tout ce qui l'entourait.
Tout de l'intimité avait été retourné puis exhibé puis effacé avec une telle brutalité que n'en restait audible qu'une sorte de plainte à laquelle se mêlaient parfois de profonds soupirs d'épuisement. "On ne va pas pouvoir tenir !"
" Du courage ! De la rigueur ! De la compassion !"
" Vous êtes poursuivis, vous êtes surveillés, vous êtes controlés, vous êtes vulnérables, vous êtes libres !"
" Faites-le pour tous les autres !"
" Sauvez-les, sauvez-nous, sauvez-vous !"
Les bains quotidiens dans la même mélasse incriminatrice nous avaient rendu obsédés par ces comptes à rendre en permanence à des vapeurs, à des ombres, à des mortifiés potentiels impossibles à identifier mais dont le salut nous incombait entièrement.
Et petit à petit ne restait plus, de la fine toile des échanges imbriqués, des croisements et des nœuds qui enveloppent et dessinent à la fois l'inépuisable complexité des va-et-vient entre les créatures, que cette injonction : " Sauvez-les, sauvez-nous, sauvez-vous !" infiltrée dans toute notre fibre, figée de plus en plus dans une surprenante inertie.
Tout de la réalité habituellement si confuse s'était réduit, aplati, et ne donnait plus de signaux de sa survie que dans les diatribes et les menaces proférées partout, tout le temps, nous aspirant dans leur dépouillement, nous délimitant sans plus aucun lieu de fuite possible.
A suivre
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