12.18.2024

Je NOUS aime N°4

 Emmuré dans la crainte que toute rencontre puisse être fatale, chacun finit par tracer  autour de lui une ligne de survie supportable. Lorsqu'il s'agit de sauver sa peau, l'ampleur des stratégies d'adaptation au pire est un miracle sans cesse renouvelé.  Puisqu'il s'agissait de situer son alter ego sur une échelle de dangerosité,  c'était bouclé.
L'alter ego, et avec lui tous les alter egos, devenaient des nuisibles a priori, comme ça, sans devoir prendre le temps de leur demander leur nom, leur âge ou leur sport favori. Tous ces détails sur eux n'avaient plus d'importance et pour dire vrai, l'économie d'énergie ainsi réalisée en éliminant toutes les procédures fastidieuses de la rencontre avait des aspects extrêmement positifs. Il n'était plus nécessaire de délimiter des seuils de tolérance entre ceux qu'on était supposé considérer comme des étrangers et les autres.
Tout le monde était devenu un dissemblable et, même si parfois une vague de légère nostalgie pour les agglomérations festives nous envahissait l'appareil  gastrique, l'avantage représenté au quotidien par le fait de ne plus avoir à accepter ou rejeter quelqu'un en fonction de critères  personnels sommes toutes assez aléatoires mais de devoir mettre, sans y penser, tout le monde dans le même panier était, disons-le, assez apaisant. D'autant plus que cette autarcie générale était quotidiennement recommandée, imposée plutôt tout à fait officiellement par les instances décisionnelles en charge de notre confort.
Chacun était exclu.
Chacun excluait. Dans un pas de danse de l'élimination qui nous épargnait la patience et l'effort et, curieusement, nous procurait la sensation d'une extrême liberté.
 

 

In memoriam