Avertissement : attendons-nous dans les semaines à venir à devoir ingérer le nouveau concept d'"intersectionalité ". Venu bien sûr d'outre -Atlantique et qui permettra de fermer un nouveau couvercle sur la complexité inhérente à toute altérité. Dans la poursuite incessante d'une définition de plus en plus indolore et scientifique de l'être, l'approche par segments et par caractéristiques, apanage de la psychologie, continue de lamelliser. labelliser le Sujet en le nommant selon ses traits, et en espérant que cela donne un accés à son mystère. Il va de soi également que ne pas prendre en compte l'"intersectionalité" de quelqu'un ne sera pas considéré comme un défaut dans la construction épistémologique du savoir sur l'autre mais comme une faute morale, liée au '"judgmental" de votre approche personnelle, et qui n'a, on le sait, pas très bonne presse.
Ce qui n'est pas évoqué, c'est que désigner dans son rapport à l'autre, une de ses caractéristiques, une de ses " sections" comme éclairant ce qui échappe, ce qui diverge, est une façon supplémentaire de le borner sur des critères supposés rationnels mais tout aussi dénuée de fondements que n'importe quel jugement a priori. D'autre part, ces "caractéristiques " elles-mêmes ne peuvent pas être dissociées les unes des autres dans la mesure où elles interagissent comme processus constant de construction de l'identité, pour la plupart inconsciemment ou culturellement et que à aucun moment il ne peut être envisagé de toucher l'une de ces intersections, sans devoir toucher toutes les voies qui y conduisent.
Le développement d'images, ou de "buzzwords", tous venus des USA et qui inondent jour après jour notre capacité à nous penser en l'immobilisant et la faisant sauter d'une représentation à l'autre, imposée de l'extérieur comme détenteur d'une vérité non discutable au titre de la "découverte" qu'elle implique par le flux médiatique et venant prendre tout l'espace psychique de signifiance en en sectionnant le fil, c'est à dire la processus d'élaboration propre à toute pensée est soumis en amont à une redéfinition des catégories aléatoires du bien et du mal mais ne les intègre pas dans un mouvement dialectique. L'imposition de mode d'appréhension de l'altérité, le mythe sous-jacent d'un lien d'amour de l'autre qui pourrait se créer en "sachant" ce qui le concerne de lui-même et donc en opérant par une approche lucide car scientifique son étiquetage afin de mettre en oeuvre les atténuations de sa différence, est sous-tendu par les reliquats de la doctrine binaire et religieuse du bien et du mal, comme des champs définitivement séparés dont il suffirait de soulever l'enveloppe pour enfin se situer du côté de la rédemption, c'est à dire du côté de l'égalitarisme et de la disparition de tous les stigmates minoritaires. EG
