7.27.2018

La révolution néo-conservatrice et la psychanalyse

Merci Patrick Pouyaud.
Il pourrait être particulièrement éclairant de vérifier en détail si et comment les campagnes d'anéantissement de l'approche analytique et la mise au ban des cadres théoriques et conceptuels qu'elle propose correspondent à la montée du radicalisme néolibéral et de la révolution conservatrice des années 80. Ce mouvement peut se dire comme porteur d'une vision rationnelle et scientifique de données socioéconomiques universelles, s'arroger une espèce d'impunité sous couvert d'être détenteur d'une vérité scientifique incarnant et incarnée dans la démarche et la quête inlassable du progrès elle-même et pour lui-même, il est comme tout mouvement avant tout basé sur une idéologie qui assigne à l'homme une fonction, à la socièté dans laquelle il vit un but à atteindre et traite donc à sa façon des aléas des différences, de la valeur d'une existence et du succès, du rapport à la mort et aux amours, de ce qui, en bref, catégorise les "axiomes" d'une culture à un moment de son histoire. Son présupposé d'un choix ultime, venant clore toute représentation d'une possible alternative est le talon d'achille, comme la main, invisible, de ce système de pensée, fut-il protégé par la légitimation scientiste. La psychanalyse ne partage pas ces valeurs, ce qui ne signifie pas qu'elle n'en défende aucune mais qui la met, dans son postulat de forces inmaîtrisables régnant sur la conscience, en porte à faux voire en contradiction avec les valeurs néo-libérales et leur base, pour faire simple, de vouloir-pouvoir. Il est aussi particulièrement troublant de constater que ce qui est aussi condamné comme ascientifique au-delà des élaborations théoriques de la psychanalyse, à savoir l'accès à une parole libérée dans le contexte de la cure et qui serait postulée comme porteuse de vérité sur l'être, s'exprime en toute impunité et "librement", c'est à dire sans rapport à la loi, sous couvert de dérégulation, posée en formule quasi incantatoire et d'une façon totalitaire dans un contexte historique où l'outil propagandique et ses multiples applications dans le travail de normalisation et de quantification du Sujet au profit d'un système n'ont jamais, sauf en des temps de politique de conversion religieuse massive, été aussi actifs, maîtrisés, eux aussi scientifiques et où cette même parole-outil, là entièrement détournée et dédiée au pouvoir de manipulation des masses n'a été aussi intensément soumise à la négation de sa fonction de révélation. Ne jamais négliger dans ce contexte, le poids de l'inconscient et le travail sur le leurre du désir qui servit à l'élaboration de sa théorie de la propagande par Edward Bernays. On peut également se pencher sur une autre coincidence surprenante du même ordre, un des tenants indéboulonnables de cette idéologie qui vient lui aussi se choquer au miroir de la psychanalyse est avant tout le postulat d'une auto-organisation toute-puissante, là encore d'une sorte de capacité cultivée avec ferveur de ce qu'on pourrait qualifier de système libre d'association, ici commerciales et d'échanges et seulement soumis à l'auto-régulation indépendante des marchés, l'individu et sa liberté érigés en nouvelle déité à toujours redéfinir dans le laisser-passer laisser-faire, celui d'une libre circulation qui impliquerait comme le dit Michéa sa propre destruction par une absence complète de limite. D'autre part, à un autre niveau, thérapeutique celui-ci, aussi bien ici qu'outre-Atlantique, nul ne peut nier le recours, au-delà de la catégorisation dans une sorte de furie diagnostique et de causalité biologico-génétique directe érigée en clause diagnostique logique, à des pratiques de parole considérées comme incontournables, psychologiques, aides au médicament en somme, mais qui seraient redevenues enfin "simples", faisant l'économie du cadre conceptuel et thérapeutique de la psychanalyse elle-même, c'est à dire privés de son essence et du travail d'élaboration théorique incessant accompli depuis sa découverte sur l'intelligence de la réalité que représente l'analyse de chaque cas, et ayant tout bonnement enfin noyé l'inconscient dans l'océan du progrès en lui faisant traverser l'Atlantique. EG

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