8.14.2018

POUR UN NOUVEAU CONSERVATISME

Les traits majeurs de la pensée collective, appelons ça ainsi faute d'autre chose pour le moment, résident en courts brévières, rédigés sur le mode injonctif, et donnant les clefs du bonheur et du "développement de soi". Mis à part l'évident nivellement de toute la logistique psychologisante aux principes du néo-libéralisme et la capacité des foules à absorber tout ce qui peut, de près ou de loin définir ses membres, il est intéressant de constater comment des items comme "vivre au présent", "ne pas se retourner", "négliger le passé", sont présents dans toutes ses évangiles pour lobotomisés. On se questionne alors sur cette incapacité si criante de l'humain, et ce dans toutes les cultures semble-t-il, ou du moins d'une façon plus générale dans celle du consumérisme contemporain, à refuser, d'une façon obstinée, radicale, de "voir" et de voir en même temps le passé, source des causes et le présent comme allant généner un avenir plus que confus. Il y a dans cet ajournement de la révélation, et des mesures inévitables et drastiques qu'elle entrainerait, une forme de régression vers de l'infantile, quelque chose d'un apprentissage du danger et des risques qui ne s'est pas opéré. Pas encore brûlés, nous ne pouvons pas retirer la main du feu. Un déni aussi, cultivé, entretenu du côté de la jouissance, qui se marquerait parmi des quantités d'autres signes, par cette vague de corps tatoués disant, entre autres, leur immobilisation dans un moment,  leur éternité et sa présence sur leurs choix d'apparence, quelque chose à travers ces choix, au-delà du mimétisme plus actif que jamais de la transformation et de la condamnation de faits socioculturels à ne plus être que des phénomènes de mode.
Impossibilité à se représenter l'impensable, le hors d'expérience de ces évènements biophysiques qui se précisent et entraîneront des situations encore jamais envisagées à cette échelle ? Invalidité des possibles acteurs, pensons à Amazon et à son ultra-milliardaire qui ne songe pas même à réparer, à soigner, à remettre sous son souci ce qu'il a contribué à détruire pour ne voir dans l'usage de sa fortune, si impensable elle aussi, qu'un seul usage, sa main mise sur l'espace ?
Le progrés et son mythe nous pousse vers ce précipice parce que nous ne pouvons plus imaginer que chaque pas franchi vers son hypothétique accomplissement est un pas de plus vers nos tombes, ou nos absences de tombes en l'occurence. Le martelage idéologique de ce qui va venir, être créé, vendu, pensé comme forcément, par nature, mieux que ce qui l'a précédé, l'obsolescence de nos choix comme régle, notre incapacité à choyer nos objets et nos techniques en en épuisant les fonctions, sont autant d'éléments si ancrés dans la mentalité du modernisme que rien ne peut les contrecarrer quant au bien fondé de la notion de progrès elle-même. Ce dans tous les secteurs, de la médecine aux produits d'entretien. Il est probable que ce que Bezos ne peut pas même penser, c'est que ce progrès est une fiction, la fiction prémisse de ce capitalisme en voie de décomposition. Que la première des choses à tenter est de s'arrêter et de prendre le temps de le questionner au regard de nos BESOINS. Et donc, de commencer par chercher un accès à ces mêmes besoins qui sont engloutis dans le flux tendu des nouveautés sans cesse reconduites, comme nous le serons, dans quelque temps, dans autre chose. Il faut se revendiquer comme CONSERVATEURS, redonner à ce terme son plein pouvoir en le déplaçant et en le regénérant, lui redonner sa puissance de soin, de "care", de conservation et d'attention due et travaillée à notre égard comme à celui de ce qui nous porte. EG






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A view of Badswat village submerged by floodwaters after a glacial lake outburst in Gilgit-Baltistan province in Pakistan, 27 July 2018. Thomson Reuters Foundation/Peer Muhammad

Ce qui ne nous tue pas ... N°2