10.28.2018

Faits et méfaits de la Holy psychologie



Faits et méfaits de la Holy psychologie
Au coeur de la multitude de faces que se donne le courant du nouvel ordre moral on trouve chaque fois la dynamique victimaire.Le postulat, décrit récemment par Jean Claude Milner dans "Sexualités en travaux", place les revendications comme intrinsèquement soumises à l'abus d'une position de domination source de violence et octroie donc a priori la dimension active au "persécuteur", s'attribuant par "nature" dirons-nous, la part soumise et donc passive sans plus d'analyse des liens toujours interagissant dans toute relation, réelle ou imaginaire, entre deux pôles, quels qu'ils soient.
Le vice de forme de cette posture, plus que jamais visible à travers tous les mouvements de " libération" qui pullulent et se désignent tous un ennemi mythique parce qu'an-historique, et chaque fois décontextualisé, condamne à l'impasse binariste du bien vs mal et son cortège de traques, de chasse à l'homme, d'élimination des éléments tyranniques qui ne sont envisagés que dans l'exercice de leur pouvoir arbitraire supposé et qui chosifient les éléments soumis en leur ôtant toute implication dynamique et donc active dans la construction et la description de la situation.
Les blocs de pensée se créent ainsi sur un clivage, avec d'une part une partie muette mais aveuglement oppressive et de l'autre un groupe supposé uniforme et en souffrance dépositaire de la capacité de s'exprimer "au nom" d'une force de libération univoque et toute-puissante. Face à ce tableau binaire l'observateur, qui pourrait faire office de tiers et apporter une sorte de respiration dialectique à la situation bloquée, est tenu, pour s'exprimer de "prendre parti" et dans ce cadre, ce parti est celui du Bien comme monolitique, c'est à dire pourfendeur de dissidence.
Il est déroutant de constater à longueur de publications comme la "holy psychologie" contemporaine s'est engouffrée dans ce shéma et abonde dans une description uniquement victimaire des individus, quels qu'ils soient, qu'elle s'est donné la mission de "défendre" contre une oppression mal sériée mais lourde de fantasmes, dans la quête, dont elle ne précisera jamais qu'elle est, comme le Graal, incertaine et infinie d'un "vrai soi" que les mauvais éléments de l'histoire du sujet, les conservateurs de tout poil, le système, la longue liste de tous les "ismes" empêchent de trouver. Le poids de cette dicothomie silencieusement religieuse, aux fondements calvinistes à peine cachés, pèse sur toutes les descriptions de "conduites" à adopter dans le cadre éducatif, thérapeutique, psychosocial et semble, lorsqu'on est aux prises avec ce qui se nomme "le terrain" étrangement forcé, voire caricatural et condamné à chasser des chimères plutôt que de se pencher sur des situations de crises qui mériteraient des approches autrement plus fines et plus analytiques.

La fusion, dogmatique et radicale, du savoir et de la vérité n'a jamais auguré rien de bon quant à l'appréhension de ce qui les sépare et qui est le berceau de notre machine à penser
et la source d'alimentation de ce qui nous permet de nous penser grâce à elle. 

Les "minorités", toutes victimes et tenues de s'identifier et de construire leur discours sur cette posture et uniquement sur elle se condamnent à l'impasse de ce qui les ferait disparaître en tant que telles si cet élément persécuteur contre lequel elles s'échinent à lutter venait à disparaître. On assiste donc à une auto-alimentation des griefs, des plaintes, des revendications qui ne peuvent se maintenir visibles qu'en prolongeant indéfiniment la recherche et la mise en avant de situations univoques de violences, qu'elles prennent différents noms : harcèlement, traumatismes, haine etc. mais aussi, dans le versant éclairé ; bienveillance, empathie et évidemment on l'attendait...amour.
Il s'agit d'une vision psychologisante sentimentaliste, à l'accès facile pour ses observateurs et qui peut nourrir les besoins de tout un chacun pour tout ce qui le sort sans ambivalence de la complexité des interelations humaines et de leur facture historique.
En terme moraux à peine voilés, il est impossible d'ouvrir un champ dialectique et d'y insérer le nécessaire "oui mais", qui seul peut remettre en route une dynamique réflexive quand le faire provoquerait un étiquetage du côté du "mauvais" et que s'identifier aux victimes est toujours moins coûteux que de chercher la part obscure du tortionnaire en soi. Cette Holy psychologie qui envahit les réseaux, simple et accessible, populaire et injonctive se revendique sous couvert d'une approche devenue "scientifique" d'une posture judéo-chrétienne qui après le raz-de-marée de l'hypothése de l'inconscient ramène avec sa tête de file anglo-saxonne et son passé puritain, les maux humains dans le champ bien connu et confortable de la culpabilisation, de la punition et de la lutte contre le mal, présent bien sûr, en l'Autre. EG






Ce qui ne nous tue pas ... N°2