2.16.2019

La pensée scoop

La pensée médiatique
Le rapport aux spécificités de l'écrit sur les médias sociaux est entrain de modifier celui, fondamental, à la logique et aux nécessités de l'élaboration discursive. Il s'agit toujours de mettre au jour pour l'usager une position, une vision de la réalité, celle-ci ayant comme qualité inhérente sa complexité et celui ou celle qui souhaite la relater, sa posture originairement fragile et nécessairement simplificatrice pour la dire avec son passif de préjugés, d'interprétation, de représentations etc.
Poster une image permet de placer face à l'autre potentiel une partie fantasmée de cette même vision, une sorte de miroir laissant au spectateur ou commentateur le loisir de faire correspondre cette sorte d'information sur soi-même avec ce qu'il ou elle a adopté lui-même comme postures. Ce moyen de communication est une activation constante du mimétisme, chaque image pouvant se prêter à des interprétations immédiates en chaîne dans la mesure où son contexte et la complexité indéchiffrable qui le caractérise est, par principe, éradiqué. Or cette même "réalité" pour se donner a minima nécessite de la pensée qui s'élabore, c'est à dire une instance dynamique de création d'un rapport avec l'évènement, avec le "fait", qui pose celui-ci dans un contexte, temps, espace, éléments sous-jacents, forces en présence, qui sont tous du domaine de la création du discours.
Mais les médias sociaux traitent les publications comme des images, avec le strict minimum offert à une interprétation immédiate, qui se situera plus dans le champs du trait d'esprit avec sa capacité à condenser l'instant que de l'analyse, qui elle exigerait la durée et l'élaboration. La pensée de chacun des participants est aliénée à cette forme qui mobilise donc le cliché et la force du préjugé, l'immédiateté du recours à l'a-priori ne pouvant se poser dans le développement long de l'analyse du contexte. Non pas simple paresse intellectuelle ou culturelle mais parce qu'il n'y a ni le temps ni la place pour le recours à d'autres approches, plus lentes et plus élaborées. Ces dernières finissent par ne plus pouvoir trouver leur propre expression, réduite à l'utile des "remarques" , des "titres", des "scoops" comme diraient nos amis anglo-saxons. C'est hélas, aussi le lieu psychique propre au credo, à la litanie, à la scansion, à la prière, aux points du dogme mais aussi à certains des traits propres à la médisance, c'est à dire à tout le panel de modalités discursives qui viennent non pas éclairer l'obscur de la réalité mais lui donner instantanément une direction et créer sur elle une prise totalisante. Les médias sociaux travaillent à ce recours doctrinal de la pensée non par calcul mais par le seul modèle de leurs publications. EG

Ce qui ne nous tue pas ... N°2