3.15.2019

Pour quoi sommes-nous fait ?

Une des failles les plus dangereuses dans ce qu'on pourrait qualifier de fonctionnement intellectuel global, ou collectif, de ces temps, au sens où dans cette uniformisation de la culture et des représentations mondiales et dans leur uniformisation et leur appauvrissement subséquents, il n'est pas de culture autre qui soit suffisamment extérieure au système et suffisamment résistante pour offrir une alternative à la gabegie néolibérale, est le progressif engouffrement dans des revendications d'appartenance de plus en plus restreintes et spécifiques dans lesquelles chaque individu, est poussé jusqu'au gouffre de la question de son identité et de sa spécificité en tant que membre de l'espèce à laquelle plus aucun message humaniste ne répond. Cette époque de décadence où le renouveau attendu faisant suite aux effondrement n'est pas possible à entrevoir autrement que dans une apocalypse dont les manifestations peuvent être fantasmées mais ne seront que les évidences de notre incurie à comprendre, est caractérisée par la rigidité de toute pensée émise non comme une spéculation, la quête d'un modèle momentané à appliquer au Réel pour tenter de le lire, mais comme manifestation d'une appartenance et d'une fidèlité au dogme qui la ratifie. Comme dans toutes les idéologies, le modèle fait loi d'organisation de la pensée sur l'interprétation du Réel et tente de caser tout débordement spéculatif ou analytique en le châtrant. Chacun est plus ou moins poussé, tenu de s'accorder au discours d'une unité groupale afin de se protéger contre les milliers de craquelures qui menacent l'idée même de sa "nature", et plus encore qui a fermé la question de notre spécificité en l'éclairant de la donne religieuse ou en cessant de se la poser sous des couverts d'égalité des espèces, d'identité des genres ou des chimères d'une vie éternelle.



Ce qui ne nous tue pas ... N°2