L'Âge en cage.
Il
semble que les ségrégations, avant d'être hissées au jour de la
conscience collective sont des affaires intimes, la capacité à enterrer
quelqu'un sur une caractéristique déjà-là qui ne cible qu'un trait
majeur, physique, autrement dit un domaine sur lequel l'exclu n'a rien à
faire et qui obéit à un cadrage unique qui sert d'écran et légitime la
violence sans justification : peau, corps, sexe, et...âge. Un grand
nettoyage a été effectué pas terminé mais en cours qui au moins du côté
des discours a censuré ces recours à la possibilité de rejeter ou
d'insulter quelqu'un à partir des fondamentaux de sa "nature". ou de ses
"origines". On ne va pas rentrer dans le débat de la récupération de
ces attaques sexistes ou racistes par les victimes elles-mêmes et sur ce
qu'elles en font, comme d'une sorte de nourriture dont on ne pourrait
se passer pour se définir soi-même par rapport à l'autre. On a donc,
disons, "réglé" son compte au propos fétichisant la couleur et
l'appartenance sexuelle, condamné les injures touchant les naissances ou
la religion, on leur a même donné un cadre pénal, c'est répréhensible
et pas seulement moralement mais devant la société toute entière, par
contre une zone entière de ce travail de la stigmatisation et de la
violence qu'elle sous-tend reste comme ancrée dans le registre des
évidences, des propos " pour rire", du badinage. C'est L'AGE.
C'est possible d'appeler quelqu'un "mémé" sans avoir le sentiment de l'insulter. Mais "mémé", c'est aussi violent que "négro", que "tafiole", que "pisseuse", que "bougnoule", c'est aussi agressif et stigmatisant, sauf que c'est encore toléré comme allant de soi, à la fois par celui ou celle qui le profère que par leurs auditeurs, comme une évidence, on peut repousser, tenter de faire taire quelqu'un en mentionnant son âge uniquement. Comme un énorme a priori qui permettrait quel que soit le débat, de s'en sortir vainqueur en ôtant simplement le droit à la parole sous la relégation de l'autre dans sa catégorie inamovible d'inférieur, avec la dose de familiarité qui trahit l'inégalité sous-jacente présumée et qui évite d'avoir à identifier le sujet présent derrière la caricature. Les Américains ont des activistes, des femmes de plus de cinquante surtout, exaspérées par ces définitions de la vieillesse élaborées sans elles, et qui ont mis en avant le phénomène de l'agisme, cette silencieuse plaie synonyme de sénescence de principe qui est faite de condescendance, d'agressivité, de discours de masse légitimés, d'infantilisation, le M. l'a utilisé sans même se rendre compte de l'ampleur de ses préjugés, et de la présence dans ce discours de toutes les caractéristiques des "ismes" devenus eux avec le temps plus visibles. Il va de soi que, surtout pour les femmes, les tyrannies cosmétiques, avec tant d'irrationalité voire de ridicule, mais imposant un discours devenu plausible dans les représentations collectives, affublées du néologisme béton d' "anti-âge" ont été elles aussi, à travers la condamnation des rides comme une épreuve honteuse et évitable, de grosses contributrices au terreau de cet liberté à ségréguer. Le rapport au changement en soi et à la jeunesse comme valeurs de l'idéologie néolibérale aussi, mais ça, c'est une autre histoire. EG
C'est possible d'appeler quelqu'un "mémé" sans avoir le sentiment de l'insulter. Mais "mémé", c'est aussi violent que "négro", que "tafiole", que "pisseuse", que "bougnoule", c'est aussi agressif et stigmatisant, sauf que c'est encore toléré comme allant de soi, à la fois par celui ou celle qui le profère que par leurs auditeurs, comme une évidence, on peut repousser, tenter de faire taire quelqu'un en mentionnant son âge uniquement. Comme un énorme a priori qui permettrait quel que soit le débat, de s'en sortir vainqueur en ôtant simplement le droit à la parole sous la relégation de l'autre dans sa catégorie inamovible d'inférieur, avec la dose de familiarité qui trahit l'inégalité sous-jacente présumée et qui évite d'avoir à identifier le sujet présent derrière la caricature. Les Américains ont des activistes, des femmes de plus de cinquante surtout, exaspérées par ces définitions de la vieillesse élaborées sans elles, et qui ont mis en avant le phénomène de l'agisme, cette silencieuse plaie synonyme de sénescence de principe qui est faite de condescendance, d'agressivité, de discours de masse légitimés, d'infantilisation, le M. l'a utilisé sans même se rendre compte de l'ampleur de ses préjugés, et de la présence dans ce discours de toutes les caractéristiques des "ismes" devenus eux avec le temps plus visibles. Il va de soi que, surtout pour les femmes, les tyrannies cosmétiques, avec tant d'irrationalité voire de ridicule, mais imposant un discours devenu plausible dans les représentations collectives, affublées du néologisme béton d' "anti-âge" ont été elles aussi, à travers la condamnation des rides comme une épreuve honteuse et évitable, de grosses contributrices au terreau de cet liberté à ségréguer. Le rapport au changement en soi et à la jeunesse comme valeurs de l'idéologie néolibérale aussi, mais ça, c'est une autre histoire. EG