Comme il y a plusieurs sortes d'intelligences, il y a certainement aussi plusieurs sortes de conneries. Mais il est probable que celle qui régit toutes les autres est celle qui immobilise quelqu'un, sans qu'il en ait nécessairement conscience, dans un éventail de shémas mentaux, de discours, d'émotions ou d'attitudes figées qui résiste aux "coups du sort", c'est à dire à la faille que devrait introduire toute crise dans le système de représentation et d'intégration de la réalité et de l'altérité qu'elle sous-tend. Les drames, mort, perte, maladie, séparations, sont des temps où la position narcissique est sensée s'effondrer puis se reconstruire sur des bases modifiées, se re-connaître, se réécrire, où les atouts du narcissisme en renaissance se redistribuent, donnent aux imagos une place différente et peuvent se mouvoir vers plus d'entente et d'entendement, c'est à dire plus de capacité à percevoir les enjeux de l'existence comme communs à tous dans ces épreuves, à, autrement dit, développer une intelligence de soi qui se définit par sa capacité d'évolution et à tirer des leçons de ces remaniements comme source motrice de connaissance. Mais ce travail des équilibres inter et intrapsychiques qu'impose toute crise peut se réduire à la subir sans pouvoir courir le risque de la phase d'effondrement préalable et donc à mobiliser pour répondre aux bouleversements traversés un ordonnancement psychique déjà là, qui pour tenir se doit de se renforcer à la mesure de l'ampleur de la détresse possible, entraînant une consolidation et une rigidification narcissique, et accompagnant cet épaississement des défenses par la construction d'un mythe héroïque, la crise devenant une marque spécifique donnée par le destin et qui serait unique, comme une fatalité qu'on aurait à traverser seul mais pour s'y retrouver inchangé et dont on n'aura donc rien à tirer pour soi, sinon le renforcement du carcan de scènes rejouables à l'infini.EG