Que la crise profonde que met à
jour à tous les niveaux l'impasse catastrophique de la religion du marché se
manifeste simultanément par une déperdition de la pensée comme nécessairement
outillée pour la complexité par le langage est peut-être un autre aspect de
l'effondrement qu'elle a également généré dans tous les équilibres intra et
extra-systémiques. Il s'agirait d'une perte non du pouvoir de la parole mais,
en terme une fois de plus quantitatifs et utilitaristes, d'une disparition
progressive mais radicale de ce dont cette même parole est uniquement redevable
: les mots, leur quantité, la disponibilité qu'ils demandent pour pouvoir se
mobiliser autour du travail de la pensée et de son expression. Cette diminution
du patrimoine langagier individuel nécessite le recours à des standardisations qui demeurent les seuls points d'accès à ce qui est supposé relier
l'individu à sa capacité à se dire et à dire ses liens au monde. Pierre Arel
évoque dans son article sur Cairn le possible "déclin de la parole", phénomène ici pointé dans les faits par Morris Berman : " La
longueur des phrases des candidats à la présidentielle lors de bulletins
d'information a diminué d'une moyenne de 42, 3 secondes en 1968 à 7, 8 secondes
en 2000. Une enquête effectuée par le NYT entre 1936 et 2003 parmi les
meilleures ventes de roman montre une chute de 43% dans la longueur des phrases
et de 32% dans les signes de ponctuation dans ces phrases. La diminution de
l'attention qui accompagne ces phénomènes conduit à l'augmentation des
stéréotypes. "Sound bites from presidential candidates aired on television
newscasts shrank in length from an average of 42, 3 seconds in 1968 to 7.8
seconds in 2000. A survey at the top ten best selling novels take from the NYT
between 1936 and 2001 shows a drop of 43% in sentences length and of 32% of
number of punctuation marks per sentence. The shortening of attention span that
goes with this leads to an emphasis on stereotypes " Dark ages America"
Morris Berman