Hommage à Jeanne
Un court moment pour se dire que si la "vieillesse" est subie comme une sorte de tare ou d'impuissance par tant de personnes, jusque dans le dessin de leur corps qu'elles abandonnent à ce qui s'en dit, jusque dans la fixité des goûts, dans le rapport de plus en plus passionné à la maladie, jusque dans les propos qu'elles tiennent imprimés déjà-là sous le poids étouffant des représentations collectives contemporaines, rigides, lapidaires et simplettes, c'est parce qu'à n'être jamais interrogée comme part absolue de la vie et expérience à créer de soi pour soi comme le sont toutes les expériences et passages fondamentaux de l'existence, l'âge a perdu sa substance même et sa capacité unique à être le devenir en soi. Se dire, sous la pensée de masse et ses limites, validée comme seule référence et seule forme de savoir sur ce qu'il en est de vieillir, que ce pillage de l'expérience personnelle et l'abandon de ce qu'elle implique de travail et de découverte sur l'être toujours à conquérir, sur son rapport au temps, à l'espace et à la finitude, jamais atteint, chemin jamais parcouru à débroussailler vaille que vaille jusqu'à la mort, prive, sous couvert d'une norme d'ostracisme bien-pensant et d'exclusion balisée, chaque individu, femme ou homme de ce qu'il se doit à lui-même dès qu' il est conscient d'être seul et vivant. Face à lui-même et en gestation jusqu'à son dernier souffle.EG