Comme pour tant d'autres nids à terreur, tant d'autres sources de suffocation, de consternation, de commentaires anxieux ou outrés inondant la voûte céleste de leurs avis péremptoires, le "virus" va nous exciter de par le globe, nous permettre de donner nos avis, de nous coller à ceux qui vont les partager, bien à l'abri de toute ouverture sur ce qui pourrait, sait-on jamais cacher seulement du vide.
Il va y avoir ceux qui savent, ceux qui savent plus vite, ceux qui savent plus près, ceux qui ont lu les premiers, ceux qui y ont passé la nuit, et tous les autres, les suiveurs, les aliénés béats, les sphincters un peu relâchés sous l'effet délétère de l'angoisse et l'absence dramatique de réponse adéquate des gouvernements.
Tout ça va tremper dans son jus, dans tous les coins de la sphère médiatique, sembler être les prémices d'une forme de fin du monde inattendue. On va aimer ça, tout de même, sous nos airs offusqués, on va une fois de plus faire appel à nos enfants pour nous cacher de nos appétits pas bien clairs, implorer la bouche serrée leur protection contre le mal, ils sont là pour ça. On va regarder nos voisins d'un drôle d’œil puis rentrer chez nous afin de nous faire un peu mieux porter par le flux de l'information, gonflée, tuméfiée, turgescente.
Un virus, inlocalisable, c'est mieux qu'un tremblement de terre ailleurs, quand il s'agit de se soumettre à la terreur qui nous fait tant frémir quand elle est seulement fantasmée. Et puis, sans y prendre garde, après quelques soubresauts sur les antennes de réception, ça va s'éteindre, ça va regagner le ventre infiniment béant des gaz médiatiques, et nous, qui avons eu si peur, qui nous sommes tant excités sur ça comme sur tout, on ne va plus même se rappeler dans quelques mois ce dont il s'agissait ni le nom de ce dont il s'agissait. Il y aura eu quelques décès répertoriés, moins que sur les routes mais plus que sur les pistes, on aura dû reporter notre prochain voyage en Chine, plié l'affaire sous les dernières découvertes scientifiques, qui, comme chaque fois auront eu le dernier mot sur notre angoisse mais on aura enfin bien compris, preuves à l'appui, les limites des pouvoirs totalitaires face aux crises, et puis un jour, ça aura complètement disparu de tout, de nos mémoires , de nos écrans, des écrans de nos mémoires car autre chose aura pointé son taux d'horreur, et que au fond, tout ça c'est loin, quelque chose de tout neuf dans le scandale qui n 'aura pas encore été mangé au râtelier du tout nouveau et de l'amnésie structurelle.
Mais comme tout s'oublie à la vitesse de ce qui le remplace, on aura aussi oublié notre passion soudaine, et peu aperçu comme nous sommes devenus inconsistants dans l'inconstance. EG
