3.27.2020

Plus tard l'avenir

Le fil maintenant ininterrompu jour et nuit des productions socio-médiatiques et des médias nous condamne à garder le nez dans les déjections du présent, ,"déjection" car matière juste digérée par la "machine" sans temps d'incubation ni perlaboration et faisant suite sans aucun répit à une autre déjection, produite dans les mêmes circonstances et condamnée au même destin," digeste" comme le rappelle Pierre Legendre, de "digesta" signifie mettre en ordre, classer. L'info, sous quelque forme qu'elle soit mise "en ligne" est toujours  venue d'un lieu mal défini mais supposé savoir, elle est supposée auto-suffisante, et soumise néanmoins à l' "avis", à la dimension active du récpeteur dans tout processus de commniction de celui qui la reçoit, sujette à l'émotion, réponse immédiate, incontrôlable du récepteur qui s'ancre dans ses constructions imaginaires. L'appel sans cesse réitéré aux "faits", sans que ceux-ci soient jamais mis en avant, sauf sur le mode incantatoire, la revendication permanente de s'appuyer sur ces mêmes supposés "faits" comme garantie du bien fondé de la réaction émotionnelle du récepteur, de même que la complainte récente sur un monde de post-vérité, contaminé par le "fake", est une façon de convenir que ce mode d'accès au savoir-supposé ne peut donner de garantie, ne peut ressortir à l'analyse, seul outil, avec le temps et les outils qu'elle nécessite, d'un peu d'objectivité et de la capacité avec cette objectivité de faire un choix pour soi, pour sa position au sein du chaos.
Le chaos justement, c'est le Présent, c'est à dire ce temps abstrait où ne se sont pas opérés le filtrage et la hiérarchisation des "faits" et surtout leur mise en relation. "Réalité " supposée visible mais soumise à des jonctions permanentes pas toujours perceptibles, à des effets rebonds, à des réveils de l'histoire collective cachée profondément dans le déni ou l'effacement des mémoires collectives, matière dense qui pèse plus ou moins sur chaque conscience et en induit les choix.
Mais ça n'existe pas "le présent" sans inducteurs, sans facilitateurs, sans déclencheurs, sans retour du refoulé, sans ...contexte.
Condamné à se placer en ligne sur un présent informe, chaque "événement" prend ses racines autant dans l'insondable du Réel que dans l'Imaginaire, devenu seul à pouvoir lui donner sens et tenue, à le "tenir" donc, dans un peu de conséquent, fusse au prix du deuil de toute rationalité, mais qui se charge de créer des liens avec l'expérience individuelle en attribuant à chaque nouvelle donnée événementielle ses charges émotionnelles, ses tabous, ses rancœurs, lui faisant jouer un rôle, toujours mal défini, toujours gratifié de quelques bénéfices secondaires mal perçus mais actifs, emporté par le mouvement des batteries des représentations collectives et leur pouvoir ordonnateur.
Paradoxalement, c'est sur ce substrat si difficile à ordonner ou même à percevoir que doivent se prendre les décisions, elles-mêmes toujours soumises à l'arbitraire dû au manque de perspective inhérent au présent.
Il est probable que ce qui est attendu de la capacité politique, décisionnelle donc, serait de pouvoir avoir une "sensation" des mailles de ces filets et de ces liens cachés mais seuls actifs, qui déterminent la cohésion impossible à appréhender de la réalité insondable, de pouvoir ainsi lui donner une forme en en mesurant, d'une façon quasi intuitive, les détours et les zones obscures. C'est ceci qu'on pourrait attendre des individus élus, c'est à dire des représentants d'un peuple, une sorte de dialogue engagé avec le Réel comme jamais donné.
Si leur mission consiste par contre à vouloir à n'importe quel prix imposer à ce Réel leur propre part d'imaginaire afin de lui faire adopter une forme fantasmée ou connue exhibant non leur connaissance des caractéristiques insondables de ce Réel mais uniquement leur maîtrise, les temps sont alors aux formes déjà expérimentées des tyrannies.
Ah, être projeté dans le futur suffisamment lointain pour pouvoir accéder aux données, aux témoignages, à tout le matériel nécessaire au travail de l'historien et commencer à débroussailler les facteurs si complexes qui servent de carburant à cette aventure ! EG


Ce qui ne nous tue pas ... N°2