Au royaume des aveugles
Pour analyser une situation aussi complexe et fondamentale que celle de la censure et du respect du droit d'expression, se cantonner aux registres du bien ( scientifiquement prouvé ) vs le mal (tout le reste) peut sembler la seule façon de procéder. On se place donc strictement du côté du pourvoyeur d'information et on évalue sa rigueur, sa bonne foi, son intention de manipulation, sa dépendance à une force étrangère etc. etc.
On part donc d'une forme de postulat de destinataire qui serait uniformément " vierge" de point de vue, de connaissance, de préjugé, de représentation et qu'il s'agirait de protéger, sans lui demander son avis, contre les démons de la manipulation et de la propagande révisionniste. Qu'il s'agisse du climat, du candidat à la présidentielle, ou de n'importe quel autre " sujet de société" autrement dit questions cruciales pour les temps à venir, le postulat est qu'il faudrait éliminer les éléments de pensée "toxiques" pour arriver à créer une pensée de masse critique et circonstanciée.
Mais il apparaît qu'un élément d'analyse des phénomènes de croyance, de suggestion et de mimétisme fait cruellement défaut à cette approche. Parce que PERSONNE n'est vierge de point de vue, personne ne fréquente les médias sociaux pour mettre à l'épreuve des récits de faits son ignorance et son besoin de connaissance.
Penser naïvement qu'il suffirait d'ôter les propos "conspirationnistes" de toutes obédiences pour amener les masses à une plus grande conscience politique est une façon de montrer la place exacte attribuée par l'esprit du temps à l'homo-consuméris : celle d'une surface plane sur laquelle imprimer des "avis" , à orienter, à modeler. Qu'il s'agisse de ses goûts, de ses moeurs, de ses références ou de ses partis-pris politiques.
Ce que cette approche nie, voire dénie, c'est que les médias sociaux supposés si influents sur les états d'âmes de la conscience de masse ne fonctionnent, au prix d'une binarisation cruellement despotique de toute la pensée, que par et sur la mêmeté. Ce que chacun va y chercher n'est pas une lueur qui lui permettrait d'orienter ses opinions d'une façon rationnelle et documentée, ou lui permettrait de faire le bon choix d'un candidat en CONNAISSANCE de cause, ce que chacun va chercher c'est la possibilité de conforter ce qu'il sait ou croit savoir déjà, ce qui vient lui donner le sentiment réconfortant d'être compris au sein de ses pairs de même tendances. Le choix des fils, des amis s'effectue non sur la possibilité de trouver les occasions de débats, c'est à dire de dialectique et d'élaboration critique, mais sur une symbiose autour d'un avis, d'une reconnaissance à travers un partage "communautaire" de préjugés. "Le fondement de l'existence d'une communauté est d'être subjectivement éprouvée comme une caractéristique commune" * .
Si quelqu'un s'enquiert ou commente ce qui se dit sur une page, fût-elle de militants anti-réchauffement climatique, c'est pour y trouver un écho à ses propres positions, un renforcement de ses "thèses" pas pour mettre ses convictions à l'épreuve ni pour bouleverser la délimitation claire des groupes qui ont "raison" et de ceux qui ont, bien sûr ," tort".
Peu importe les arguments, la validation par des recherches, qui de toutes façons dans cet empire de la mystification globale instituée en loi sont elles aussi soumises au relatif de leur bien-fondé.
L'avis qui est fait, ancré comme repère personnel dans les tourments cognitifs de ces temps sombres est trop lié à la structure psychique, à ce qu'on nomme "l'identité" sans vraiment savoir de quoi on parle, et à ses rapports avec la vérité toujours évanescente de soi et du monde de celui qui vient balancer son insulte ou lever son pouce pour pouvoir naïvement espérer que quelques groupes censurés, quelques pages effacées pourront guider les agneaux vers la vraie foi.
On part donc d'une forme de postulat de destinataire qui serait uniformément " vierge" de point de vue, de connaissance, de préjugé, de représentation et qu'il s'agirait de protéger, sans lui demander son avis, contre les démons de la manipulation et de la propagande révisionniste. Qu'il s'agisse du climat, du candidat à la présidentielle, ou de n'importe quel autre " sujet de société" autrement dit questions cruciales pour les temps à venir, le postulat est qu'il faudrait éliminer les éléments de pensée "toxiques" pour arriver à créer une pensée de masse critique et circonstanciée.
Mais il apparaît qu'un élément d'analyse des phénomènes de croyance, de suggestion et de mimétisme fait cruellement défaut à cette approche. Parce que PERSONNE n'est vierge de point de vue, personne ne fréquente les médias sociaux pour mettre à l'épreuve des récits de faits son ignorance et son besoin de connaissance.
Penser naïvement qu'il suffirait d'ôter les propos "conspirationnistes" de toutes obédiences pour amener les masses à une plus grande conscience politique est une façon de montrer la place exacte attribuée par l'esprit du temps à l'homo-consuméris : celle d'une surface plane sur laquelle imprimer des "avis" , à orienter, à modeler. Qu'il s'agisse de ses goûts, de ses moeurs, de ses références ou de ses partis-pris politiques.
Ce que cette approche nie, voire dénie, c'est que les médias sociaux supposés si influents sur les états d'âmes de la conscience de masse ne fonctionnent, au prix d'une binarisation cruellement despotique de toute la pensée, que par et sur la mêmeté. Ce que chacun va y chercher n'est pas une lueur qui lui permettrait d'orienter ses opinions d'une façon rationnelle et documentée, ou lui permettrait de faire le bon choix d'un candidat en CONNAISSANCE de cause, ce que chacun va chercher c'est la possibilité de conforter ce qu'il sait ou croit savoir déjà, ce qui vient lui donner le sentiment réconfortant d'être compris au sein de ses pairs de même tendances. Le choix des fils, des amis s'effectue non sur la possibilité de trouver les occasions de débats, c'est à dire de dialectique et d'élaboration critique, mais sur une symbiose autour d'un avis, d'une reconnaissance à travers un partage "communautaire" de préjugés. "Le fondement de l'existence d'une communauté est d'être subjectivement éprouvée comme une caractéristique commune" * .
Si quelqu'un s'enquiert ou commente ce qui se dit sur une page, fût-elle de militants anti-réchauffement climatique, c'est pour y trouver un écho à ses propres positions, un renforcement de ses "thèses" pas pour mettre ses convictions à l'épreuve ni pour bouleverser la délimitation claire des groupes qui ont "raison" et de ceux qui ont, bien sûr ," tort".
Peu importe les arguments, la validation par des recherches, qui de toutes façons dans cet empire de la mystification globale instituée en loi sont elles aussi soumises au relatif de leur bien-fondé.
L'avis qui est fait, ancré comme repère personnel dans les tourments cognitifs de ces temps sombres est trop lié à la structure psychique, à ce qu'on nomme "l'identité" sans vraiment savoir de quoi on parle, et à ses rapports avec la vérité toujours évanescente de soi et du monde de celui qui vient balancer son insulte ou lever son pouce pour pouvoir naïvement espérer que quelques groupes censurés, quelques pages effacées pourront guider les agneaux vers la vraie foi.
La vérité est passée de mode. Trop épuisante à poursuivre, trop bancale. Ce qui importe c'est mon avis. Et mon avis, quel que soit le sujet sur lequel il porte, est construit bien avant qu'il soit documenté, il est " fait ", déjà, sur des critères obscurs et peu visibles, des "impressions", des certitudes anciennes, des postures, c'est à dire sur tout sauf de la connaissance.
C'est la tendre coalition subjective de l'avis avec l'Ego, sans faille, sans espace, sans doute. Je suis ce que je crois, je crois ce que je sais. Et mon droit le plus incontestable est de ne pas vouloir modifier une opinion qui me soutient comme sujet. EG
* Weber Economie et société " les relations communautaires ethniques" p.124
C'est la tendre coalition subjective de l'avis avec l'Ego, sans faille, sans espace, sans doute. Je suis ce que je crois, je crois ce que je sais. Et mon droit le plus incontestable est de ne pas vouloir modifier une opinion qui me soutient comme sujet. EG
* Weber Economie et société " les relations communautaires ethniques" p.124