Pour tenter de respirer
"Il nous paraît essentiel d'accueillir et de cultiver l'anachronisme et le sentiment de décalage plutôt que de les combattre par une adaptation systématique. Il s'agit, dans cette balance délicate de faire émerger un écart subjectivant" ***
C'est une forme de traversée, les "effets" difficiles à calibrer mais omniprésents du déluge puritano-médiatique du progressisme néo-libéral sont certainement à comparer à ceux des nourritures avec des adjuvants. Douces au goût parce que simples et sucrées sans possibilité immédiate de sentir le rance dont elles sont porteuses. Des traces peu tangibles parce qu'incorporées sans résistance mais actives en fond sur la capacité à penser. C'est à dire plutôt à ne PAS penser si penser est devenu penser avec et comme tout ce qui se dit fort, comme tout ce qui se dit bien, comme tout ce qui se dit porteur de "changement", mot glorieux des finalités absolues, donc non discutables, "changement," concept phare si peu discutable qu'il en a perdu comme tant d'autres vocables hyper-médiatusés, tout son sens.
Se nouent maintenant autour des gorges plus que jamais les fils de la posture morale personnelle, des valeurs structurant les choix politiques et éthiques, de ce qu'on peut qualifier d'"engagement" dans une "esthétique du lien social" * et dans une forme d'imprégnation qui pouvait, jusqu'à il y a peu de temps encore, permettre de se "caser " gentiment "à gauche", dans une bonne conscience relative et une tradition respectable, sauf que ce qui émerge et nécessite pour s'entendre d'abandonner ses propres repères pour aller naviguer dans des eaux plus confuses mais certainement moins aliénatrices, c'est que ce clivage gauche droite a été proprement mais presque silencieusement explosé lors des dernières trente années et lors de la révolution conservatrice néolibérale, même si plus ou moins nous continuons tous à nous y référer comme à une bible spatialo-politique.
La force, unique en son genre, de l'idéologie néolibérale c'est qu'elle ne fonctionne pas d'une façon ostensible sur des diktats ou sur les scansions de la propagande mais s'immisce dans toutes les valeurs, dans tous les habitus et modèle le cours de la pensée collective ou personnelle par un jeu subtil de légiférations et de gouvernance et le glissement de toute activité et représentation psychosociale dans le champ vicieux et captivant d'une simple mode, devenue en tant qu'incarnée par des courants "minoritaires" de pensée, la seule base de référence philosophique contemporaine.
Alors dans ce matraquage incessant d'injonctions à être et de sujets quotidiennement renouvelés d'outrages à répétition, de désignation de masse de ce qui se doit d'être pensé sous peine d'exclusion du grand manège du bon droit global par la "police de la pensée", "the thought police"** et sa toute-puissance auto-légitimée, une des seules solutions pour se survivre à soi-même et pour oser ne pas s'abandonner aux courants progressistes est de replacer les questions fondamentales coincées sous la tutelle puritaines des "minorités victimisées" sous la lumière de l'histoire du capitalisme, et sous celle de la question fondamentale des classes sociales et des rapports de pouvoir structuraux qui les mettent en jeu les unes contre les autres
Donc, il faut lire, beaucoup, et non seulement les innombrables et diverses voix médiatiques, en faisant l'impasse sur les reliquats de ses préjugés d'opinion et en considérant comme une forme de devoir critique la nécessité de regarder l'ensemble au mieux pour éviter l'engloutissement : c'est à dire de loin, ou de haut, c'est à dire, pour autant que cela soit intellectuellement possible, d'ailleurs, du point excentré qu'on appelle un "point de vue" qui ne reconnaisse aucune chapelle ni aucune doxa, ne se laisse pas engouffrer dans l'injonction à la réaction immédiate ancrée dans l'affect et le culte de l'outrage, prenne donc là aussi le temps de la distance.
Mais il faut aussi lire ceux qui écrivent "là-dessus", sous la forme d'une pensée qui se cherche et se déploie, aux antipodes donc des jets racornis du discours éphémère du harcèlement médiatique.
De ces sondeurs du réel, il y en a et de très lumineux et il faut céder le territoire de la logorrhée journalistique et des bréviaires manageriaux du savoir-vivre qui ont pris la place de tous les discours publics, au silence et au travail des chercheurs de sens.
Ce monde et ses outils mentaux qui à la fois nous tuent et nous font vivre ont besoin de tous les efforts disponibles pour s'en extraire comme on le peut mais avant tout pour notre salut et aller chercher dans la complexité des bribes de vérité pour ne pas céder cette complexité de la réalité et sa part de léger vertige aux penchants simplistes des moralisations totalitaires et à la javellisation du binarisme.EG
*L'arrogance du dandy " JP Bouillot p.95
** Zero edge
***"Auto-emprise et empathie opératoire expressions des métamorphoses contemporaines " Alexandre Sinanian. Marco Liguori Nouvelle revue de psychosociologie 2020/1 (N° 29), pages 195 à 209
"Il nous paraît essentiel d'accueillir et de cultiver l'anachronisme et le sentiment de décalage plutôt que de les combattre par une adaptation systématique. Il s'agit, dans cette balance délicate de faire émerger un écart subjectivant" ***
C'est une forme de traversée, les "effets" difficiles à calibrer mais omniprésents du déluge puritano-médiatique du progressisme néo-libéral sont certainement à comparer à ceux des nourritures avec des adjuvants. Douces au goût parce que simples et sucrées sans possibilité immédiate de sentir le rance dont elles sont porteuses. Des traces peu tangibles parce qu'incorporées sans résistance mais actives en fond sur la capacité à penser. C'est à dire plutôt à ne PAS penser si penser est devenu penser avec et comme tout ce qui se dit fort, comme tout ce qui se dit bien, comme tout ce qui se dit porteur de "changement", mot glorieux des finalités absolues, donc non discutables, "changement," concept phare si peu discutable qu'il en a perdu comme tant d'autres vocables hyper-médiatusés, tout son sens.
Se nouent maintenant autour des gorges plus que jamais les fils de la posture morale personnelle, des valeurs structurant les choix politiques et éthiques, de ce qu'on peut qualifier d'"engagement" dans une "esthétique du lien social" * et dans une forme d'imprégnation qui pouvait, jusqu'à il y a peu de temps encore, permettre de se "caser " gentiment "à gauche", dans une bonne conscience relative et une tradition respectable, sauf que ce qui émerge et nécessite pour s'entendre d'abandonner ses propres repères pour aller naviguer dans des eaux plus confuses mais certainement moins aliénatrices, c'est que ce clivage gauche droite a été proprement mais presque silencieusement explosé lors des dernières trente années et lors de la révolution conservatrice néolibérale, même si plus ou moins nous continuons tous à nous y référer comme à une bible spatialo-politique.
La force, unique en son genre, de l'idéologie néolibérale c'est qu'elle ne fonctionne pas d'une façon ostensible sur des diktats ou sur les scansions de la propagande mais s'immisce dans toutes les valeurs, dans tous les habitus et modèle le cours de la pensée collective ou personnelle par un jeu subtil de légiférations et de gouvernance et le glissement de toute activité et représentation psychosociale dans le champ vicieux et captivant d'une simple mode, devenue en tant qu'incarnée par des courants "minoritaires" de pensée, la seule base de référence philosophique contemporaine.
Alors dans ce matraquage incessant d'injonctions à être et de sujets quotidiennement renouvelés d'outrages à répétition, de désignation de masse de ce qui se doit d'être pensé sous peine d'exclusion du grand manège du bon droit global par la "police de la pensée", "the thought police"** et sa toute-puissance auto-légitimée, une des seules solutions pour se survivre à soi-même et pour oser ne pas s'abandonner aux courants progressistes est de replacer les questions fondamentales coincées sous la tutelle puritaines des "minorités victimisées" sous la lumière de l'histoire du capitalisme, et sous celle de la question fondamentale des classes sociales et des rapports de pouvoir structuraux qui les mettent en jeu les unes contre les autres
Donc, il faut lire, beaucoup, et non seulement les innombrables et diverses voix médiatiques, en faisant l'impasse sur les reliquats de ses préjugés d'opinion et en considérant comme une forme de devoir critique la nécessité de regarder l'ensemble au mieux pour éviter l'engloutissement : c'est à dire de loin, ou de haut, c'est à dire, pour autant que cela soit intellectuellement possible, d'ailleurs, du point excentré qu'on appelle un "point de vue" qui ne reconnaisse aucune chapelle ni aucune doxa, ne se laisse pas engouffrer dans l'injonction à la réaction immédiate ancrée dans l'affect et le culte de l'outrage, prenne donc là aussi le temps de la distance.
Mais il faut aussi lire ceux qui écrivent "là-dessus", sous la forme d'une pensée qui se cherche et se déploie, aux antipodes donc des jets racornis du discours éphémère du harcèlement médiatique.
De ces sondeurs du réel, il y en a et de très lumineux et il faut céder le territoire de la logorrhée journalistique et des bréviaires manageriaux du savoir-vivre qui ont pris la place de tous les discours publics, au silence et au travail des chercheurs de sens.
Ce monde et ses outils mentaux qui à la fois nous tuent et nous font vivre ont besoin de tous les efforts disponibles pour s'en extraire comme on le peut mais avant tout pour notre salut et aller chercher dans la complexité des bribes de vérité pour ne pas céder cette complexité de la réalité et sa part de léger vertige aux penchants simplistes des moralisations totalitaires et à la javellisation du binarisme.EG
*L'arrogance du dandy " JP Bouillot p.95
** Zero edge
***"Auto-emprise et empathie opératoire expressions des métamorphoses contemporaines " Alexandre Sinanian. Marco Liguori Nouvelle revue de psychosociologie 2020/1 (N° 29), pages 195 à 209