Questionnement des
mouvements égalitariens noirs (ou tout autre minoritarisme) au regard de la
décadence morale et de l'impuissance judiciaire et politique à reconstituer un
cadre éthique aux choix ultralibéraux du capitalisme financier.
Le besoin, qui peut
sembler lancinant, même si il n'est pas formulé comme tel, de pouvoir s'appuyer
sur des références morales collectives partagées et des valeurs communes prend
corps dans les poussées minoritaristes et plus récemment dans l'expression de
solidarité autour du mouvement BLM.
L'attaque ostensible
contre le pouvoir, supposé ou acquis, blanc est une manifestation détournée de
ce profond dégoût des libertés univoques et de l'orgie visible, revendiquée,
voulue signe de réussite universel manifesté par l'élite néolibérale.
L'impunité acquise face à la justice, le cynisme affiché comme état d'esprit convoitable,
la rapacité sans borne, la sacralisation de l'argent, devenu seule
manifestation de force, seule preuve valide de la valeur humaine et les
icônes amuseuses publiques de masse aussi superficielles que promues au rang de
divinités sont les véritables sources d'un sentiment profond de faute morale à
corriger et de changements vitalement nécessaires face à l'équité et aux
références éthiques d'un système politique se disant
"démocratique".
Mais ce
sentiment d'injustice, qui a en partie pu se manifester à travers
l'élection de Trump, qui a représenté l'idée, assez baroque, d'une sortie
possible de la binarité partisane si décevante et du sentiment profond de
trahison que Obama a généré en montrant à travers ses choix ou absence de choix
qui menait réellement le pays, s'est trompé de cible.
Il y a bien dans les
mouvements violents et légitimes qui bouleversent le pays la présence d'un
besoin de remise au pas des attitudes avant tout MORALES, du rapport au bien et
au mal et la recherche d'un retour au respect d'une forme de rationalité
républicaine face à la prévarication, à la corruption érigée en règle du jeu
collectif et à l'arbitraire des conduites des garants de la loi.
Cependant, ce
centrement quasi obsessionnel sur les radicalisations des divers
"ismes" et plus récemment sur la négritude comme victime
fétiche de cette décadence morale, présentée non comme structurelle au
système politique lui-même mais comme s'originant dans une sorte de naturalisme
historique propre aux USA peut être envisagé comme une forme d' "acte
manqué" au sens psychanalytique du terme, c'est à dire comme la
manifestation d'un besoin présent, réel et légitime mais qui ne pourrait pas
prendre appui sur la véritable cible à qui il s'adresse. L'impunité face aux
exactions de tout ordre affichées depuis des décennies, le recours par
exemple à des cautions aux montants gigantesques et donc foncièrement
inégalitaires pour se débarrasser du processus des poursuites pénales, les
razzias internationales des privatisations émiettant complètement tout
esprit de bien commun, justice ou institution, et surtout peut-être la
dimension de toute-puissance quasi religieuse donnée par l'absence de limite
aux fortunes cyclopéennes et à ceux qui les détiennent, donnent au besoin
de moralisation ressenti par la base le sentiment amer d'un monde au pouvoir
impossible à réguler, ni à sanctionner, ni soumis aux mêmes règles qu'elle.
Situation historiquement bien connue, vécue pendant de nombreux siècles
dans d'autres régimes mais avec le garde-fou de la destinée, du sang et celui
de la volonté divine qui pouvait faire envisager la place de chacun comme
légitime et donc moralement non questionnable.
Or une des
caractéristiques du systéme politique démocratique est sa profonde référence à
des critères moraux, dont il est porteur en soi, droits de l'homme,
liberté égalité fraternité, sont avant tout des étalonnages moraux de la
distribution des biens, de l'égalité face à la justice et du postulat d'un même
traitement des besoins pour tous.
Il peut être
envisagé le fait que le caractère étonnement puritain, autoritarien et
réductionniste de certaines revendications, l'aspect donc de "nettoyage
éthique" par condamnation d'un "mal" localisé dans
un autre accessible ne doive sa force et sa pratique de la censure qu'à la
possibilité matérialisée d'être enfin efficiant sur le terrain de la lutte pour
l'égalité et d'autant plus radical voire irrationnel qu'il ait, dans le
mouvement, à dénier l'erreur de cible. A travers les manifestations
extrêmes sur une population délimitée accessible et aisément localisable
(hommes, blancs etc.) supposée avoir des comptes à rendre au regard de
cette égalité si maltraitée, jusqu'à parfois toucher le fantasme d'une punition
purificatrice qui l'éradiquerait et la rejeterait dans son essence du côté du
Mal, on peut voir un accès détourné à ce besoin pressant d'hygiène morale
détenue plus ou moins consciemment dans ces impulsions rénovatrices mais dans
la mesure où les barons au pouvoir demeurent à la fois concrétement et
imaginairement hors de portée, impossible à adresser aux véritables
"coupables". EG