7.26.2020

Minoritarisme victimaire : une erreur de cible ?

 



Minoritarisme victimaire : une erreur de cible ?
 
Questionnement des mouvements égalitariens noirs (ou tout autre minoritarisme) au regard de la décadence morale et de l'impuissance judiciaire et politique à reconstituer un cadre éthique aux choix ultralibéraux du capitalisme financier.
Le besoin, qui peut sembler lancinant, même si il n'est pas formulé comme tel, de pouvoir s'appuyer sur des références morales collectives partagées et des valeurs communes prend corps dans les poussées minoritaristes et plus récemment dans l'expression de solidarité  autour du mouvement BLM.
L'attaque ostensible contre le pouvoir, supposé ou acquis, blanc est une manifestation détournée de ce profond dégoût des libertés univoques et de l'orgie visible, revendiquée, voulue signe de réussite universel manifesté par l'élite néolibérale. L'impunité acquise face à la justice, le cynisme affiché comme état d'esprit convoitable, la rapacité sans borne, la sacralisation de l'argent,  devenu seule manifestation de force, seule preuve valide de la valeur  humaine et les icônes amuseuses publiques de masse aussi superficielles que promues au rang de divinités sont les véritables sources d'un sentiment profond de faute morale à corriger et de changements vitalement nécessaires face à l'équité et aux références éthiques d'un système politique  se disant "démocratique". 
Mais ce sentiment  d'injustice, qui a en partie pu se manifester à travers l'élection de Trump, qui a représenté l'idée, assez baroque, d'une sortie possible de la binarité partisane si décevante et du sentiment profond de trahison que Obama a généré en montrant à travers ses choix ou absence de choix qui menait réellement le pays, s'est trompé de cible. 
Il y a bien dans les mouvements violents et légitimes qui bouleversent le pays la présence d'un besoin de remise au pas des attitudes avant tout MORALES, du rapport au bien et au mal et la recherche d'un retour au respect d'une forme de rationalité républicaine face à la prévarication, à la corruption érigée en règle du jeu collectif et à l'arbitraire des conduites des garants de la loi. 
Cependant, ce centrement quasi obsessionnel sur  les radicalisations des divers  "ismes" et plus récemment sur la négritude comme victime fétiche  de cette décadence morale, présentée non comme structurelle au système politique lui-même mais comme s'originant dans une sorte de naturalisme historique propre aux USA peut être envisagé comme une forme d' "acte manqué" au sens psychanalytique du terme, c'est à dire comme la manifestation d'un besoin présent, réel et légitime mais qui ne pourrait pas prendre appui sur la véritable cible à qui il s'adresse. L'impunité face aux exactions  de tout ordre affichées depuis des décennies, le recours par exemple à des cautions aux montants gigantesques et donc foncièrement inégalitaires pour se débarrasser du processus des poursuites pénales, les razzias  internationales des privatisations émiettant complètement tout esprit de bien commun, justice ou institution,  et surtout peut-être la dimension de toute-puissance quasi religieuse donnée par l'absence de limite aux fortunes  cyclopéennes et à ceux qui les détiennent, donnent au besoin de moralisation ressenti par la base le sentiment amer d'un monde au pouvoir impossible à réguler, ni à sanctionner, ni soumis aux mêmes règles qu'elle. Situation historiquement bien connue, vécue pendant de nombreux siècles  dans d'autres régimes mais avec le garde-fou de la destinée, du sang et celui de la volonté divine qui pouvait faire envisager la place de chacun comme légitime et donc moralement non questionnable.
Or une des caractéristiques du systéme politique démocratique est sa profonde référence à des critères moraux, dont il est porteur en soi, droits de l'homme, liberté égalité fraternité,  sont avant tout des étalonnages moraux de la distribution des biens, de l'égalité face à la justice et du postulat d'un même traitement des besoins pour tous.
Il peut être envisagé le fait que le caractère étonnement puritain, autoritarien et réductionniste de certaines revendications, l'aspect donc de "nettoyage éthique"  par condamnation d'un "mal"  localisé dans un autre accessible ne doive sa force et sa pratique de la censure qu'à la possibilité matérialisée d'être enfin efficiant sur le terrain de la lutte pour l'égalité et d'autant plus radical voire irrationnel qu'il ait, dans le mouvement, à dénier l'erreur de cible.  A travers les manifestations extrêmes sur une population délimitée accessible  et aisément localisable (hommes, blancs etc.) supposée avoir des comptes à rendre  au regard de cette égalité si maltraitée, jusqu'à parfois toucher le fantasme d'une punition purificatrice qui l'éradiquerait et la rejeterait dans son essence du côté du Mal,  on peut voir un accès détourné à ce besoin pressant d'hygiène morale détenue plus ou moins consciemment dans ces impulsions rénovatrices mais dans la mesure où les barons au pouvoir demeurent  à la fois concrétement et imaginairement hors de portée, impossible à adresser aux véritables "coupables". EG

















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