Des lits d'opinion.
Les règles du jeu des mentalités et des évolutions anthropologiques sont agissantes dans l'obscurité et les répercutions de leur croisement inconnues au lambda comme aux velléités toute-puissantes des oligarches et de leur sbires. L'esprit du temps restera un mystère dans ses implications/ applications, dans ses incidences et ses conséquences mais on peut, malgré l'opacité de l'écran qu'il oppose à notre entendement, tenter l'hypothèse.
On a donc cru observer au cours de cette dizaine d'années un glissement vers une forme de radicalisme ou de resserrement de la pensée qui pourrait se résumer ainsi : une opinionation ou un opinionage ou une opinionite perceptibles chez tous et chacun dans les petits rectangles offerts par les medias sociaux.
Le phénomène s'est accéléré pour plusieurs raisons induisant en retour une radicalité des propos de plus en plus marquée et mettant en place des échanges et de la saine argumentation polémiques, le recours aux catégorisations et aux insultes comme ultime argument limitant l'espace des échanges à un " je suis d'accord" , "je ne suis pas d'accord"qui élimine les nécessaires étapes de la démonstration.
Autrement dit la disparition de l'espace du jeu nécessaire à placer les paramètres nécessaires au débat entre les interlocuteurs.
Alors on est consterné bien sûr mais on se demande aussi ce qui a pu comme en effet d'avalanche a-critique générer une telle hécatombe de la nuance, des réserves, des suspens.
Une des hypothèses est la suivante : on accordera un pouvoir de modeler les esprits dans le sens d'une minimalisation peut-être irréversible du processus de pensée, à la fascination quasi hypnotique qu'exerce ces lieux d'expression.
Tous sans exception, du plus brillant au plus inculte, peuvent en effet y déployer leur vision du monde, condensée en une phrase ou deux, quelle que soit sa source.
C'est à considérer comme un des pernicieux usages de la démocratie lorsqu'elle passe du concept de peuple à celui de masse.
Seulement toute vision du monde pour pouvoir se formuler sans tomber dans la réduction fatale d'une simple opinion doit d'une part pouvoir être développée et surtout peut-être dans ce qui nous occupe, avoir été soumise à la retraite du doute.
Le moteur initial de toute production d'analyse ou de toute tentative d'entendement est un moteur silencieux, celui du : Je ne sais pas. "Douter de tout, tout le temps" disait Karl M. certainement en sachant de quoi il parlait.
Or le carcan narcissique de la production d'avis et de la monstration de soi à travers ces avis, réitérées et sanctionnées par le chiffre et favorisées sans alternative par la nature des médias sociaux à travers les posts, ne peut pas cohabiter avec ce temps du "Je ne sais pas".
C'est un impératif quand on poste quoi que ce soit ou quand on "commente" que de matérialiser à travers quelques images ou quelques mots sa propre présence médiatique et que d'orner des traits d'une certitude à l'image de ce qu'on souhaite exhiber de soi-même et cet exhibitionnisme permanent cherchant à conquérir une audience étant le nerf de la guerre sociomediatique, aucune place n'est envisageable pour la page blanche que représente le doute ou le suspens. Pour se montrer, il est essentiel d'avoir "quelque chose" à dire, le lien de ce quelque chose avec l'objectivité, c'est à dire avec la capacité à mettre son "objet" à distance des enjeux narcissiques est simplement impossible, inconcevable.
Comment prendre place dans l'arène et s'y inscrire en affirmant : JE DOUTE. JE NE SAIS PAS sur sa page.
Ca n'aurait tout bonnement aucun sens, non comme forme de délire mais comme " vide", incommunicable dans ce contexte de monstration permanente que sont les médias sociaux.
Alors que ce temps du doute reconnu comme tel et comme partie prenante d'une forme de savoir en constante élaboration est un des facteurs de construction d'un avis, comme on le nomme "éclairé", d'une posture, renouvelables et à nourrir sans cesse, qui soient au-delà des infusions et des tranfusions de points de vue émis par l'opinion.
Pas de garde-fou donc entre le prudent retrait nécessaire à la réflexion et la pulsion aliénée à l'exhibition et àux fantasmes de la création d'une audience pour soi et pour ce qu'on affirme, ces deux traits étant complètement confondus.
D'autre part, tout comme ce qui est nommé par ces mêmes sites des "stories" mais qui ne sont jamais que des images, l'aspect péremptoire, immédiat et épuré pour ne pas dire appauvri des "opinions" a le même effet que l'image : une production et un recueil instantané sans élaboration ni délai d'appréciation.
A l'opposé donc de toute trace écrite cherchant à témoigner non d'un effet ou d'une forme de résultat mais d'un processus.
L'opinion n'est le résultat d'aucun processus, elle est la main mise sur une forme prédéfinie qui n'aura pas la capacité de définir ses origines ni ses buts et qui vient faire protection et faire visiblité de Soi
Dans cette tension entre deux lieux de construction, forteresse ou chantier permanent de la pensée, on sait qui a remporté la coupe.
Il est envisageable que en ces quelques années d'exercice se soit modelée une manière de penser et de se placer au regard de sa propre pensée et d'un interlocuteur-récepteur principalement imaginaire qui aient laissé place uniquement au radicalisme de l'opinion et que celle-ci ait supplanté définitivement d'autres modes de pensée et de représentation de la pensée. EG
Les règles du jeu des mentalités et des évolutions anthropologiques sont agissantes dans l'obscurité et les répercutions de leur croisement inconnues au lambda comme aux velléités toute-puissantes des oligarches et de leur sbires. L'esprit du temps restera un mystère dans ses implications/ applications, dans ses incidences et ses conséquences mais on peut, malgré l'opacité de l'écran qu'il oppose à notre entendement, tenter l'hypothèse.
On a donc cru observer au cours de cette dizaine d'années un glissement vers une forme de radicalisme ou de resserrement de la pensée qui pourrait se résumer ainsi : une opinionation ou un opinionage ou une opinionite perceptibles chez tous et chacun dans les petits rectangles offerts par les medias sociaux.
Le phénomène s'est accéléré pour plusieurs raisons induisant en retour une radicalité des propos de plus en plus marquée et mettant en place des échanges et de la saine argumentation polémiques, le recours aux catégorisations et aux insultes comme ultime argument limitant l'espace des échanges à un " je suis d'accord" , "je ne suis pas d'accord"qui élimine les nécessaires étapes de la démonstration.
Autrement dit la disparition de l'espace du jeu nécessaire à placer les paramètres nécessaires au débat entre les interlocuteurs.
Alors on est consterné bien sûr mais on se demande aussi ce qui a pu comme en effet d'avalanche a-critique générer une telle hécatombe de la nuance, des réserves, des suspens.
Une des hypothèses est la suivante : on accordera un pouvoir de modeler les esprits dans le sens d'une minimalisation peut-être irréversible du processus de pensée, à la fascination quasi hypnotique qu'exerce ces lieux d'expression.
Tous sans exception, du plus brillant au plus inculte, peuvent en effet y déployer leur vision du monde, condensée en une phrase ou deux, quelle que soit sa source.
C'est à considérer comme un des pernicieux usages de la démocratie lorsqu'elle passe du concept de peuple à celui de masse.
Seulement toute vision du monde pour pouvoir se formuler sans tomber dans la réduction fatale d'une simple opinion doit d'une part pouvoir être développée et surtout peut-être dans ce qui nous occupe, avoir été soumise à la retraite du doute.
Le moteur initial de toute production d'analyse ou de toute tentative d'entendement est un moteur silencieux, celui du : Je ne sais pas. "Douter de tout, tout le temps" disait Karl M. certainement en sachant de quoi il parlait.
Or le carcan narcissique de la production d'avis et de la monstration de soi à travers ces avis, réitérées et sanctionnées par le chiffre et favorisées sans alternative par la nature des médias sociaux à travers les posts, ne peut pas cohabiter avec ce temps du "Je ne sais pas".
C'est un impératif quand on poste quoi que ce soit ou quand on "commente" que de matérialiser à travers quelques images ou quelques mots sa propre présence médiatique et que d'orner des traits d'une certitude à l'image de ce qu'on souhaite exhiber de soi-même et cet exhibitionnisme permanent cherchant à conquérir une audience étant le nerf de la guerre sociomediatique, aucune place n'est envisageable pour la page blanche que représente le doute ou le suspens. Pour se montrer, il est essentiel d'avoir "quelque chose" à dire, le lien de ce quelque chose avec l'objectivité, c'est à dire avec la capacité à mettre son "objet" à distance des enjeux narcissiques est simplement impossible, inconcevable.
Comment prendre place dans l'arène et s'y inscrire en affirmant : JE DOUTE. JE NE SAIS PAS sur sa page.
Ca n'aurait tout bonnement aucun sens, non comme forme de délire mais comme " vide", incommunicable dans ce contexte de monstration permanente que sont les médias sociaux.
Alors que ce temps du doute reconnu comme tel et comme partie prenante d'une forme de savoir en constante élaboration est un des facteurs de construction d'un avis, comme on le nomme "éclairé", d'une posture, renouvelables et à nourrir sans cesse, qui soient au-delà des infusions et des tranfusions de points de vue émis par l'opinion.
Pas de garde-fou donc entre le prudent retrait nécessaire à la réflexion et la pulsion aliénée à l'exhibition et àux fantasmes de la création d'une audience pour soi et pour ce qu'on affirme, ces deux traits étant complètement confondus.
D'autre part, tout comme ce qui est nommé par ces mêmes sites des "stories" mais qui ne sont jamais que des images, l'aspect péremptoire, immédiat et épuré pour ne pas dire appauvri des "opinions" a le même effet que l'image : une production et un recueil instantané sans élaboration ni délai d'appréciation.
A l'opposé donc de toute trace écrite cherchant à témoigner non d'un effet ou d'une forme de résultat mais d'un processus.
L'opinion n'est le résultat d'aucun processus, elle est la main mise sur une forme prédéfinie qui n'aura pas la capacité de définir ses origines ni ses buts et qui vient faire protection et faire visiblité de Soi
Dans cette tension entre deux lieux de construction, forteresse ou chantier permanent de la pensée, on sait qui a remporté la coupe.
Il est envisageable que en ces quelques années d'exercice se soit modelée une manière de penser et de se placer au regard de sa propre pensée et d'un interlocuteur-récepteur principalement imaginaire qui aient laissé place uniquement au radicalisme de l'opinion et que celle-ci ait supplanté définitivement d'autres modes de pensée et de représentation de la pensée. EG