Pas une journée où,
lisant les nouvelles du monde et des gens visibles qui le gouvernent, que
filtrent les agences de presse et qui sont ensuite copiées-collées et lessivées
par les organes de presse des divers services de la propagande, où l'on ne se
disent que ça va bien un jour redevenir "normal ", que dans quelques
temps la "raison" , la "common decency" d'Orwell, va reprendre
ses droits et que nous allons enfin ne plus avoir à nous éclater régulièrement
le front sur le mur, pour décompresser la sensation de rage et de perplexité
face à la Dinguerie universalisée.
Mais ça ne marchera
pas comme ça, ça ne reviendra pas vers les rives de l'entendement non
prescripteur, ni vers celles de l'ouverture d'esprit et de la fragilité
frétillante des hypothèses. La façon de se poser au regard de quelque chose
d'évanescent et d'exigeant comme la "vérité" a complètement glissé
vers un nivellement travaillé au corps des valeurs à la fois individuelles et
collectives, les secondes étant de plus en plus des mots d'ordre imposés dans
un esprit de réforme des âmes et des comportements pour le bien du progrès
général de la modernité.
Chacun est, à des
degrés divers, adhérant ou luttant, embarqué dans ce mode de pensée,
cette mode de pensée qui aspire, comme le délire organisé et la vision
du monde d'un psychotique vous inclut et vous modèle sans que vous puissiez
mettre entre lui et vous les distances du symbolique comme terre commune
partageable.
Ce qui aggrave
cette sensation d'étrangeté et d'inéluctabilité et rend ce glissement
vertigineux, c'est son équipement de multiples nouveaux champs lexicaux, tous
auréolés des validations scientistes de concepts que des experts auraient enfin
"découverts" et qui nous rapprocheraient de cette même vérité mais
qui lui confèrent la sensation si pénible de n'être plus qu'une enveloppe
extensible à merci mais sans contenu.
La mainmise sur les
seuls outils dont nous disposions qui puissent nous permettre de nous
positionner, de nous opposer a progressivement stérilisé et normé tout rapport
à l'autre, à soi, au monde, en l'encadrant de formules standards auxquelles
chacun ne peut plus que se coller pour se définir, choisissant dans cette sorte
de buffet imposé ce qui semble le dire au mieux mais incapable de sentir que
sous cette enveloppe identitaire réduite à une ou quelques épithètes ne reste
plus qu'un grand vide.
C'est là que
l'espoir de voir revenir l'entendement et sa logique dialectique n'a plus lieu
d'être.
Les processus de
pensée de chacun devenu créature en suspens permanent étant préétablis à
travers un champ sémantique extrêmement réduit, mais incontournable parce que
seul à être validé par l'esprit du temps, leurs finalités et leurs modes
contingentés d'une façon normalisée déterminent son appartenance au courant,
mettant en lumière ses compétences intégrative ou le rejetant sans espoir de
salut dans les limbes du démodé.
Il ne reste tout
simplement plus aucun espace psychique exprimable autrement que dans le
pathos, lui aussi entièrement encadré par le discours scientiste, pour se
construire et être à soi ailleurs que dans les catégories du Discours unique.
C'est une forme
d’absorption complète de l'individu par l'esprit de son temps, bordée
seulement, comme par des garde-fous, au sens propre, par les jugements
péremptoires permanents de ses pairs devenus procureurs sur tous les dires et
les comportements qui ne soient pas acceptables.
Supervisant cette
folie collective incurable, les vieilles valeurs de l'exercice du Pouvoir
peuvent continuer à exhiber leur absence de limites, leur inconséquence, les
paradoxes actifs à longueur de temps dans leurs choix ruinant les reliquats de
rationalité collective dans une impunité totale.
Les exigences de la
Raison ont fait place au laxisme des narcissismes, égarés sous le joug de
l'obligation d'accès à une même liberté prédéfinie pour tous. La logique a
déserté la morale. EG