12.20.2020

En sortant de l'école

En sortant de l'école.

 

Quelques remarques pour donner suite à l'article de  Jean-Paul Brighelli

ll faudrait trouver un nouveau mot-parapluie pour remplacer le classique mais un peu obsolète "démagogie" afin de conceptualiser plus précisément ce qu'il advient depuis plus de vingt ans, lorsque tout ce qui induit le rapport complexe au savoir de chacun, son lien avec l'inévitable frustration, son temps nécessaire impliqué dans la création de la force de travail sans gratification immédiate, son investissement non seulement dans une histoire de "réussite" personnelle mais aussi dans une vision d'une société en devenir à laquelle on appartient et qui vous étaye, sont passés, tous, au mixeur des sciences cognitives au mètre et à l'idéologie larvée de l'offense face aux réalités complexes des différences.

Les effets du travail de minage des données de ce rapport au savoir effectué sans interruption depuis la déclenchement du mémorable "mettre l'enfant au centre du système éducatif" des années 80 commencent à être perçus sur un plan collectif. Il s'agit sans aucune réserve d'un nivellement par le bas recouvrant tout ce qui touche aux savoirs, au sens élargi des connaissances et non seulement d'extensibles "compétences" , et qui génère maintenant au grand jour des écroulements logiques et symboliques sensibles sur des pans entiers de la population.

Ce que cette vague abondamment portée par les sciences cognitives et leur vision techniciste et comportementaliste de l'humain a généré, c'est un rétrécissement de l'angle d'approche sur un individu-enfant présupposé entièrement connaissable, gérable par l'institution grâce à cette connaissance et existant comme une sorte de masse phénoménologique quantifiable dans un a priori décontextualisé dont la seule qualification livrerait toutes les clefs des processus de l'apprentissage. Le champ d'application de cette maîtrise supposée est passé de la transmission des contenus, autrement dit de la dimension patrimoniale de l'institution scolaire à la volonté de pouvoir identifier scientifiquement tout élément comportemental venant se manifester dans le cadre scolaire étendu. Cet intérêt pour "l'enfant", créature mythique soudainement propulsée matière première des préoccupations et des intérêts des adultes a été accompagné d'une vague exponentielle de pathologisations validées par l'expertise qui s'est imposée comme distributrice de diagnostics plus ou moins bien délimités par le travail de prosélytisme de l'EBM d'outre-Atlantique et fondée à s'imposer comme ce qui devait résoudre, car nommer, toute manifestation s'extrayant des attentes institutionnelles. Ce centrage de plus en plus massif, intégré comme seul outil d'analyse de toute la diversité des situations et niant absolument tous paramètres périphériques endo ou exogène à ce qui est postulé comme un rapport "en soi" à l'apprentissage a progressivement substitué dans les représentations des professionnels tous les champs du handicap au sens large, troubles, dysfonctionnements multiples étiquetés comme des entités nosographiques évidentes à la matière première de leur mission, celle qui les institue comme rouages d'une transmission et moyens d'accès au long cours historique, seul lieu au regard duquel chacun est tenu de se situer et d'être situé.EG

A suivre

En sortant de l'école.

 

 

Décapités nous sommes.