Sacrifier le Gaulois réfractaire.
Dans
une sorte de descente aux enfers se bousculent tous les signes des
ostracismes, des bannissements, des relégations. On connait la chanson.
On pensait qu'on la connaissait suffisamment pour pouvoir freiner son
tempo et remettre ses pendules à l'heure des valeurs républicaines. Le
plus effarant évidemment ce sont les réactions de la masse du Bien face à
la condamnation des "Autres", l'encouragement à plus de sévérité contre
ces sous-citoyens qui les empêchent de vivre.
Bien. On ne va pas ici
gratter la surface du concept de citoyenneté, ni d'ailleurs les liens
entre les fèces et les grands nettoyages totalitaires, on ne va pas se
remémorer les si nombreuses allusions à ce mépris de l'Edile face au
peuple qui l'a (presque) élu. Ni même questionner le bien fondé d'un tel sursaut patriotique dans un contexte complètement, indubitablement, irrévocablement international.
Non, on va essayer de comprendre à
quelle stratégie obéit cet effet d'annonce si provocateur, à ce moment
précis de préparation de campagne.
Bien-sûr ce seront des hypothèses,
mais c'est à des hypothèses que nous sommes tous condamnés lorsqu'il
s'agit de tenter de soulever les voiles qui recouvrent la réalité. Donc,
on a constaté que Zemmour avait presque disparu des médias, et on sait
que ceux-ci sont une sorte d'analyse des selles du pouvoir. On imagine
que son succès populaire plutôt surprenant, son charisme, et surtout la
révélation de l'intérêt porté aux thèmes qu'il aborde par la masse ont
été des éléments plutôt déconcertants dans la préparation argumentaire
et l'élaboration du marketing de campagne de l'Edile. Ca a dû plancher ferme.
Comment en effet contourner, se positionner sur le sujet si épineux de
l'émigration et de l'assimilation qui semble si préoccupant pour
beaucoup de français sans se voir assimiler à l'Islamogauchisme ou à
l'extrême-droite, donc en trouvant une posture face à l'Autre de
l'émigration qui soit spécifique, à l'épreuve des faits de négligence visibles lors du
mandat ? Comment toucher à cette fibre nationaliste si malmenée par le
Pompeux et gagner ainsi une partie de cet électorat aigri et insatisfait
?
Zemmour cible l'altérité historique, l'altérité culturelle et la
désigne comme l'ennemi dans une France supposée monolithique et
impatiente de retrouver ses racines. On ne peut donc pas jouer le
rassemblement avec les mêmes déjections que lui. Il faudra trouver un
autre groupe à haïr et, oh coincidence bénie, un groupe qui n'ait pas
d'histoire, du moins pas d'histoire claire dans le champ des postures
politiques. Un groupe aussi qui permette de faire jouer l'unité sacrée
autour de grands drapeaux comme "citoyenneté", "respect", "français" en
créant ainsi un consensus sur la désignation du nouvel ennemi qui
épargne les sensibilités de gauche comme de droite.
Si, aubaine, ce
groupe n'a pas de représentativité numérique réellement significative ni d'ailleurs de
représentativité politique et qu'en plus on peut jouer sur la suppression
envisageable de sa représentativité électorale, c'est impeccable.
Le Poudré
s'affiche, dans un discours de jeunologue, débridé, vulgaire et ferme, comme le
patron du Bon Français. Qui veut avec lui liquider le Gaulois
réfractaire si honnis. On notera en passant que même les voeux n'ont
été centrés que sur la levée de bouclier des terreurs et de la
culpabilité. Peu mais bon, suffisant pour que l'homme de base qui s'est
laissé emporté par ses viscères et son peu de recul soit pris sous
l'aile du protecteur, son Président, si fringant, si décidé, sans concession. Un vrai Président. Il
aura sacrifié, sans peut-être s'apercevoir ni anticiper, comme dans tout
ce qu'il a sacrifié lors de son mandat, les futures conséquences de ses
manipulations perverses, une partie infime de la population, insultée,
radiée, déclassée, au rassemblement si convoité, sans même avoir à préciser de quoi
ce dernier serait fait.
La brutalité des forces en jeu dans la ghettoïsation n'appuie pas que
sur la nuque des cloîtrés, elle modifie complètement le rapport à
l'inclusion, à la notion d'égalité, de liberté et mais on ose à peine l'ajouter, à celle de fraternité. Elle ronge autant au corps les représentations de l'identité et de l'appartenance de
ceux qui les enferment. Pour un type comme ce président-là, comme pour
les conseillers des think-tanks néolibéraux qui l'orientent, l'union n'est qu'une nécessité électorale, un produit à utiliser quel que soit son prix. Et si elle ne
peut s'effectuer qu'en désignant l'hérétique, il sera sans aucun scrupule livré aux appétits
des foules. EG