2.16.2022

L'homme qui a vu l'homme qui a vu l'Ours ( Suite)

 

 
 
Les années de matraquage médiatique ont uniformément dessiné les torts, les comptes à rendre, les droits d'intervention sur des bases strictement occidentales, avec donc de thèmes récurrents et porteurs : expansionnisme, dissidence, démocratie, c'est à dire à travers la lentille de contact des USA.
On peut aisément faire l'hypothèse que pour construire cette vision et l'argumenter, pas un des pourfendeurs du régime "totalitaire" poutinien n'a pris le peine d'évaluer le poids du conditionnement idéologique occidental sur ses représentations, d'ainsi mesurer à quel point pas un des aspects de la formation des mentalités et des points de vue n'est libre de ce conditionnement, quitte à lui donner des armes pour mener à bien des oeuvres de destructions massives et surtout, que pas un n'a cru bon d'aller se renseigner sur la réalité socio-politique, géo-politique et historique de ce pays.
La "réalité" ici est étrangement et complètement univoque, complètement prédéfinie dans un contexte de manipulation permanente et de construction programmée des discours.
Il est d'ailleurs tout à fait envisageable de considérer que les politiciens et diplomates en charge, l'exemple consternant anglais récent en est une preuve, ne sont pas plus éclairés sur la complexité de ce "continent obscur " et n'ont pour s'adresser à ses représentants que la même liste de poncifs que ceux qui ont été inoculés à la masse depuis si longtemps.
On peut rattacher ce peu de curiosité, cette sorte de baisse inquiétante d'énergie de la pulsion épistémophilique collective et l'absence presque totale de connaissance touchant "l'autre bord", à la progressive construction d'une forme de personnalité typiquement néolibérale, éduquée, modelée et pour ainsi dire programmée pour attribuer à ses dispensateurs de contenus la possession indiscutée de la Vérité dite "scientifique" et se limiter à leur doxa, ce qui au regard de l'histoire du communisme par exemple, est assez paradoxal, ce bain idéologique et la sanctification du marxisme ayant été le tabou et le Mal politique incarné à vaincre pendant des décennies.
On peut évaluer l'ampleur des dégâts de ce conditionnement, le déplacer également pratiquement sur tous les champs de l'accès au savoir, et le relier au fait que les avis, points de vue, opinions formulés le sont comme des évidences, c'est à dire comme ce qui ne nécessite pas de création d'espace critique, ni de controverse, ni donc de temps accordé à l'approfondissement argumenté de ces mêmes avis. Dans un tel contexte, et, assez curieusement, plutôt tout à fait contrairement aux consignes préconisées dans les divers arts de la guerre, la connaissance de l'ennemi ne semble pas nécessaire, seul fait office de vérité le concernant le tissu de préjugés, frôlant souvent les inepties, qui le recouvre. Et plus pernicieux, le fait que comme un forme de règle morale de plus en plus puissante et décadente, cette ignorance soit méticuleusement entretenue, adulée, presque déifiée. EG

 

Petite politique