La virulence et la quasi unanimité des postures occidentales, allant jusqu'à prendre des décisions qui frôlent les mises en place de persécutions et de xénophobie bien connues pourtant et tentant de faire ronger aux masses l'os d'un Poutine " dérangé " est un pur produit (la pureté ici n'est qu'une métaphore) du pouvoir manipulateur intégral d'opinion des médias d'état. La suppression des médias russes peut sembler une décision en rapport avec les autres "sanctions" mais elle est surtout le seul moyen de maintenir un discours unique, des informations tronquées, des fausses interprétations de propagateurs incultes et soudoyés sous cocaïne et de philosophes de foire dégénérés, tout ceci dans un climat de haine qui s'auto-alimente là où des postures autres, contraires pourraient mitiger et relativiser les certitudes des masses. L'expérience a montré au pouvoir que les médias pouvaient jouer un rôle de contre-offensive par rapport au discours dominant. Dans la "crise" du covid, c'est par l'intermédiaire des réseaux parallèles que les questions ont fini par être posées, les faits et les chiffres remis à leur place, les "consciences" progressivement extraites de leur fascination morbide et les ripostes organisées contre la manipulation globale. On dira, encore et toujours que pour sortir de l'impasse de cette haine si jouissive aux foules, il faut reprendre le fil de l'histoire avant de projeter des futurs hypothétiques catastrophistes. Il faut aussi, même si cela semble difficile, sortir des espaces de projection qui occultent les responsabilités et les manoeuvres du camp du Bien détenteur de la Vérité. On constate avec dépit que ce sont les médias indépendants américains qui sont les plus critiques dans cette situation, l'unanimité des voix en Europe, leur capacité à se faire dicter une posture unitaire où les éléments initiaux de cette crise dramatique ne sont jamais évoqués laissant perplexes sur la force de persuasion des canaux de communication et leurs intérêts sous-jacents.
La fleur au fusil a été une pratique pleine de passion et de certitudes sur les désignations des ennemis à éliminer, elle a surtout fleuri des tombes, on le sait, on le sait pourtant dans nos chairs et nos mémoires. On sait aussi que cette passion guerrière est assez simple à déclencher au cœur des masses, que leur pensée monolithique peut être conduite vers n'importe quel holocauste à la seule condition de lui faire digérer, au sens quasi physiologique du terme, l'origine du Mal et le danger qu'il porte pour la survie. Mais ce savoir semble ne servir à rien comme prémisses d'un peu de recul et de volonté de s'extraire de la subjugation médiatique si puissante sur nos cerveaux meurtris et anémiés.
On poste "donc" dans ce chaos mais en ayant choisi, une fois de plus, la rupture totale avec toutes les sources de propagande d'état et d'Otan, de faire appel à l'histoire et à ceux qui peuvent en utiliser la texture pour éclairer un peu le présent. Ici, Soljenitsyne, que l'Occident ne pourra pas accuser d'être un chantre de l'ex URSS même si il est Russe absolument, qui évoque la situation spécifique des liens entre territoires russes et ukrainiens. EG
MY CORNER by Boyd Cathey
Aleksandr Solzhenitsyn, Ukraine and the Neoconservatives
Bien cher M. Sviatoslav Karavanski,
« J’éprouve un profond respect pour vous et tout ce que vous avez souffert ainsi que pour votre calme pendant les épreuves que vous avez eu à endurer. Je suis heureux de pouvoir entendre votre voix sereine, même si vos compatriotes – des tribunes du Haut comité de l’URSS aux publications lointaines des émigrés- ont conclu, sur la base de mes écrits que je suis simplement un croyant en la Grande Russie, un chauvin, un colonialiste, un servant de la tyrannie impériale et un « impérialiste retardé » pour finir ( comme il a été publié dans Gomin of Ukraine le 10.10.1990). Un tel aveuglement prémédité et une telle incompétence fait s’interroger mais met également en alerte. Que cherchent-ils à cacher en aboyant si fort ?
« Je peux faire appel à vous, Monsieur, dans l’espoir d’une compréhension mutuelle, puisqu’ils n’ont pas cherché une telle compréhension avec moi.
« Au vu de vos arguments historiques, commençant par vos remarques sur l’invasion tatar (du moins pour la Russ rouge et non pour la Russ elle-même), on pourrait élaborer à ce sujet pendant un certain temps. Pourtant de telles élaborations s’effaceraient en comparaison d’un argument plus fort que vous avez manqué de développer, peut-être parce qu’il est limpide : si les cœurs du peuple ukrainien désire la séparation d’avec l’ancienne Union soviétique, alors nous n’avons rien à propos de quoi nous quereller. Tout ce qui est demandé est un mouvement des cœurs ! C’était là l’objet de mon article. J’ai également écrit à ce propos dans « L’archipel du Goulag » (Quatrième partie, Chapitre deux) C’est pourquoi mes vues actuelles ne sont certainement pas sans précédent. Et pourtant même vous, cher monsieur, n’avez pas réussi à noter que je n’ai rien contre les séparatistes ukrainiens, mais uniquement avec l’état actuel de l’Ukraine.
En ce moment, alors que des statues de Lénine sont démolies en Ukraine (comme il est juste qu’elles le soient) pourquoi les Ukrainiens de l’ouest parmi tous les habitants de ce pays, souhaitent-ils conserver les frontières que Lénine lui-même a créées ? Les frontières que l’Oncle Lénine lui-même a dessiné pour l’Ukraine ? Parce que les frontières actuelles sont le résultat de Lénine cherchant un moyen de compenser le peuple ukrainien d’avoir consommé sa liberté sous la domination soviétique. C’est donc Lénine qui relia arbitrairement Novorossiya, le Donbass ( que Lénine, ce faisant a séparé de la contre-révolution anti-communiste de Doniesk) tout en attachant des parties de la rive gauche à l’Ukraine. Plus tard, Kroutchev ajouta arbitrairement (1954) la Crimée à l’Ukraine. Et maintenant les Nationalistes ukrainiens, se lève tous pour défendre la « sacro-sainte » intégrité territoriale de frontières créées par Lénine ?
J’ai écrit dans mon article (bien que je suppose que personne ne lit ce que j’ai à dire) : « bien sûr, si la nation ukrainienne souhaite s’en aller, alors personne n’autorisera utiliser la force pour empêcher son départ. » Mais réalisez, s’il vous plaît combien ce grand territoire est hétérogène et permet les populations locales de décider du destin de leur district. Et, pour avoir écrit ceci, je suis considéré comme un « impérialiste retardé » ? Qu’en est-il de ceux qui interdisent aux nations d’exprimer leur volonté et, aux côtés de ces démocrates et de ces amoureux de la liberté, craignent même cette expression de la volonté nationale pour quelques étranges raisons
Dans de si turbulentes circonstances, il est impossible de discuter ce problème complexe dans lequel nos deux nations se sont combinées à travers les liens familiaux dans des centaines de villes. Il existe aussi un argument supplémentaire qui, à ma surprise, vous avancez, vous proclamez que le langage que parlent les enfants ne doit pas être maissé au caprice des parents mais devrait être déterminé par l’état ? Vous écrivez que « les non-Ukrainiens sont libres de faire leur choix » Mais limiterez- vous le nombre de leurs écoles ? Et, en ce qui concerne les Ukrainiens je crois comprendre que vous dites qu’ils ne seront pas libres de choisir ? Vous supportez donc la cohercision une fois de plus ? Laissons toutes les cultures se développer d’une façon naturelle. (Publié dans Zvezda, Décembre 1993)
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En 2006, Soljenitsyne était devenu beaucoup plus pessimiste, comme nous pouvons le constater de cette interview :
WT [intervieweur] : Je pense personnellement que les trois composants basiques de la civilisation chrétienne, la civilisation euro-atlantique – les USA, l’Union européenne et la Russie – devraient créer ensemble une alliance stratégique tôt ou tard. Si ils ne le font pas, notre entière civilisation cessera d’exister. Comment pouvons-nous sauver notre civilisation euro-atlantique, a-t-elle besoin d’être sauvée ?
Soljenitsyn : Malheureusement, le processus de globalisation semble aller à l’encontre de vos désirs. Les armées d’occupation américaines s’installent dans de plus en plus de nouveaux pays. Cela a été le cas en Bosnie il y a neuf ans. Cela a été le cas au Kosovo (où ils ont permis l’installation d’un état islamiste au cœur de l’Europe). Nous avons été témoins pendant ces dernières cinq années en Afghanistan et pendant ces trois années en Irak, bien qu’en Irak, l’occupation ne demeurera pas longtemps. Les activités de l’OTAN et, séparément des USA ne diffèrent pas sauf au regard de détails mineurs. L’OTAN a réalisé que la Russie n’est clairement pas capable de menacer l’Alliance et c’est pourquoi l’OTAN développe ses appareils militaires vers l’Europe de l’Est et le sud de la Russie continentale obstinément et méthodiquement. On peut le constater dans leur soutien ostensible à une variété de révolutions de couleur ainsi que dans le précédent de l’Atlantique nord s’intéressant à l’Asie centrale. Tout ceci laisse peu de doute : l’OTAN est dans le processus d’encerclement de la Russie et dans la déprivation de son indépendance comme état souverain. Donc, pour répondre à votre question : non, allier la Russie à l’organisation du traité de l’Atlantique nord utilisant la force violente dans différents coins de la planète afin d’y planter les graines de l’idéologie de la démocratie occidentale moderne n’étendra pas la civilisation chrétienne, mais l’achèvera.
WT : Quelle est votre point de vue sur ce qui se passe en Ukraine ? Et en ce qui concerne la fragmentation de la Russie ( la nation la plus fragmentée d’Europe) ? La Russie devrait-elle éviquer la possibilité d’unifier le territoire russe et russ si les élites ukrainienne torurnent leur pays vers l’OTAN et l’EU ?
Soljenitsyne : Evènements en Ukraine, ceci depuis le moment du référendum de 1991, avec ses options si mal formulées, a été une source constante de souffrance et de colère pour moi. J’ai écrit et parlé de ceci très souvent. L’oppression fanatique et la suppression de la langue russe ( une langue dont les sondages montrent qu’elle est la langue préférée de 60% des habitants) est une méthodologie abominable orientée en premier lieu contre les perspectives culturelles de l’Ukraine elle-même. Les vastes territoires, qui n’ont jaais été part de l’Ukraine historiqur, comme la Crimée, la Novorossiya et l’entier sud-est ont été intégrés de force et arbitrairement dans les territoires de l’Ukraine moderne et sont devenus les otages de l’Ukraine pour entrer dans l’OTAN. Sous la présidence de Yeltsin, pas une seule rencontre n’a eu lieu avec le Président ukrainien qui ne se termine par une capitulation de la Russie et l’acceptation de tout de tout ce que l’Ukraine exigeait. Yeltsin a extrait la flotte de la Mer noire de Sébastopole, chose que même Kroutchev sous le régime de l’URSS n’aurait jamais fait. C’est juste une plaisanterie de simple d’esprit, cruelle et stupide perpétrée contre l’entière histoire de la Russie du 19 et du 20ième siècle. Eu vu des circonstances, le Russie ne trahira jamais d’aucune façon les plusieurs millions de russophones en Ukraine. La Russie n’abandonnera jamais son idéal de rattachement avec eux. » (Moscou News, interview deW. T. Trietiakov publié le 28 April/4May 2006)