" Pourquoi la politique de Moscou est-elle westphalienne" par Patrick Armstrong
Posté en avril 2018,
Au cœur donc du Russiagate, dont, étonnement, il est si peu fait mention dans les appels aux armes des petits soldats de la paix. La France, d’une façon assez paradoxale étant donné son passé politique, a construit une posture anti-Poutine radicale et un discours encore plus antirusse que ses tutelles idéologiques anglo-américaines, le moindre questionnement ou la moindre recherche de documentation sur ce pays immense au fond si méconnu, étant supposés montrer un goût immodéré pour les totalitarismes et les goulags. Chaque vague médiatique de redressement des opinions a généré des hauts-cris : intervention des casques blancs en Syrie, supposé gazage de sa propre population par Assad, absolument et indiscutablement décrit comme un tyran sanguinaire, utilisation d'un héros du jour comme Navalny ou d'une agression kgbesque contre les Skipral et réactions immédiates de décideurs européens, castrateurs zélés, comme ils l’ont prouvé abondamment en Grèce par exemple. Un des éléments pourtant questionnant dans la situation actuelle est le fait que les deux pays instigateurs majeurs, bien qu’otanisés jusqu’aux dents, ne font pas partie de cette Europe et pour l’un d’entre eux l’ont même rejetée complètement, mais continuent à tirer ses ficelles, sans que cette vassalisation semble problématique.
Les avis sont donc créés, infrangibles, sur le royaume du Bien, même si ce royaume, accepté comme seule possibilité de gouvernance est aussi celui du capitalisme total et de sa guidance davosienne absolutiste. Il semble qu’il y ait de la jouissance à se voir modéliser et à limiter ses sphères de réflexion à la circonférence des casquettes de base ball.
D’une façon osée, on peut pourtant dire que, quoi que cela génère comme réactions plus ou moins légitimes, l’existence de puissances suffisamment présentes politiquement, économiquement et culturellement pour nous aider à ne pas perdre notre langue, notre histoire et notre capacité à créer des concepts dans les profondeurs des clinquants hollywoodiens dégénérés et l'obscurantisme de la révolution anthropologique qu'ils génèrent est une excellente chose et que seules ces contre-parties à la toute-puissance du pays de l’Exceptionnalisme peuvent maintenir celui-ci à sa place de nation et lui faire abandonner ses velléités démiurgiques. Les conditions politiques et sociales de ces mêmes pays ne nous regardent pas, la démocratie, contrairement au coca, ne s’exporte pas et chaque peuple en est le constructeur suivant son histoire.
Il s’agit ici d’échapper, on dira coûte que coûte à cette mondialisation qui nous tue, et à l’individu auto-normé qu’elle rêve de fabriquer. L’alignement univoque qui est plus du ressort de l’aliénation que du choix politique montre si besoin en était encore, que la politique internationale, la souveraineté des peuples et le droit ont cédé place aux manipulations omni-présentes des thaumaturges.