3.25.2022

Lettre à mes amies hommes / Première partie

 Chers amis femmes.


Je vous écris ce jour, après des mois et des mois de silence peuplé de doute et d'exaspération face au pouvoir de plus en plus étendu que vous avez entrepris de conquérir et qui , disons-le, vous a été acquis sur la grande scène médiatique occidentale avec une telle aisance qu'on ne peut pas, quand on est encore vivant, ne pas se demander comment un retournement aussi catégorique des catégories a pu se faire passer aussi rapidement et sans heurts apparents comme évident. On est pris dans une sorte de délitement des repères, d'effondrement des liens logiques qui nous tient si fort que c'est un travail énorme que de vouloir et pouvoir s'en libérer. 
On ne va pas évoquer maintenant les éléments de cette révolution liés à leur place si substancielle sur le marché, d'autres* l'ont fait et le font fort bien. 
On va simplement tenter d'ôter la couverture du "droit" que vous brandissez comme une arme qui pourrait vous protéger contre l'anéantissement de votre rêve. 
La perniciosité de votre posture est complexe surtout parce qu'elle fonctionne uniquement sur le mode bien connu en psychanalyse de la projection. 
Vous vous placez, par cette imposition sur l'autre vous faisant face de la responsabilité de votre validation, dans le même engrenage répressif et castrateur que celui auquel vous semblez vouloir échapper à travers les fétichismes verbaux bien connus de l'intégration-inclusion qui ont détrôné ceux maintenant presque obsolètes de la "tolérance". 
En effet, si il est quelque chose  que vous "incluez", c'est ma propre liberté de choix et de représentation quant à ce que vous tentez de prouver. Autrement dit, vous m'incluez, m'absorbez, m'ingurgitez dans votre niveau d'exigence quant à ce que JE suis supposé voir et reconnaître de vous. 
La difficulté majeure est ici de s'extraire de l'engluement et de revenir à un sain  et distant "qui veut quoi" un peu moins aliéné au désir d'une seule des parties. L'outil de forçage, au fonctionnement bien connu, mélangeant le discours victimaire qui dans son essence est sans possible réponse ni contre-argument, et le massif usage de la répression, à la fois pénale et médiatique, voire liée souvent à un harcèlement injurieux de toute posture qui s'extrairait de ce filet mortifère, sont deux forces difficiles à contourner et plus encore à contrer qui ont amené chacun à simplement se taire par crainte et les autres à suivre tels des perroquets savants les voies de la libération forcée du nouvel âge genré que vous ouvriez sur la route de la sexualité et plus encore des racines biologiques, symboliques, sociales et culturelles de l'humanité même. 
Car au fond, ce n'est pas tant de sexualité dont il est question, sauf comme sauf-conduit de validation de votre fantasme "identitaire". C'est autour de l'autre, non comme partenaire possible mais comme agent incontournable et passivé de votre relation fictionnelle à vous-même que tourne votre énergie. Le travail de construction de cette fiction que vous avez fait le choix de mettre en scène est dans son essence même un paradoxe. La conquête de votre "féminitude" à rejouer encore et encore face à votre miroir chaque jour et à chaque heure reste comme un champ grand ouvert dès lors que vous vous extrayez de la captation de votre intimité et vous ne pouvez le clôre, toujours ponctuellement, qu'avec ce que vous attendez de l'autre comme reconnaissance tout en ne lui reconnaissant pas le droit de voir en vous autre chose que ce que vous souhaitez qu'il y voie. 
C'est compliqué et c'est, surtout, de nature perverse, dans la mesure où sous les martèlements de la bonne conscience néo-puritaine, cela ampute tout ce qui n'est pas vous du moindre droit de ne pas l'être. 
Imposer, pour commencer,  à cet autre le genre à utiliser lorsqu'il parle de "vous", lorsque donc il utilise le pronom lié à l'absence, la troisème personne, est comme une sorte de scellé mis au discours qui vous concerne où vous n'auriez, enfin, plus à intervenir ou à vérifier que les consignes sont bien acquises et respectées, dans une sorte de reconduction d'une captation permanente. Quelque chose qu'enfin vous pourriez laisser vous échapper de votre réussite parce que figé dans les codes des échanges s'effectuant sans vous dans un contexte de tiers. C'est cette volonté de maîtrise jusque dans l'absence, comme la démonstration que le travail de conditionnement idéologique de tout votre environnement a été correctement accompli, qui justifie les martèlements de la bienséance progressiste à l'égard de tous et au prix d'une répression permanente de leurs déviances. 
C'est pourtant ainsi, dans les tréfonds du langage et de ses fonctions, la troisième personne a celle de n'exister que dans une absence et de donner à celui ou celle qu'elle désigne une présence et une permanence entre deux locuteurs. Mais encore une fois, le bâts blesse ici, car cette imposition du choix du prénom "adéquat" à votre désignation, vous devez l'anticiper à coup de matraquage  mimétique et d'auto-censure dans une volonté de maîtrise qui va jusqu'à vouloir guider et contrôler tout ce qui pourrait vous concerner mais pourtant se joue inévitablement entre l'autre et l'autre sans vous, autrement dit, dans ce champ par nature obscur et immaîtrisable de votre place non plus dans votre mais dans leur imaginaire.
 
 
 




Ce qui ne nous tue pas ... N°2