L'esprit humain n'est pas fait pour le binaire, il doit se ménager une sortie, une voie tierce pour ne pas s'engouffrer dans les reflets en miroir des passions meurtrières et avancer tant bien que mal sur celle de la raison.
Dans "la" situation, une fois de plus, cette voie tierce, qui pourrait sur le plan politique s'incarner dans la personne du Diplomate a été délibérément, par tradition ou par impuissance culturelle, éliminée.
La part "adverse" atlantiste, qui avait à charge de calmer les tensions en prenant en compte la simple existence de questions à régler qui ne soit pas uniquement les siennes, ne sait pas ce qu'il en est de la diplomatie, elle pratique une sorte d'autisme culturel depuis si longtemps qu'elle a appauvri, dans ses constructions de masse comme dans les capacités d'analyse de ses édiles, tout potentiel à accéder à la complexité inhérente à la prise en compte de l'altérité.
Être pendant si longtemps le centre du monde et n'avoir avec lui qu'une relation d'absorption de ses ressources suivie de la régurgitation prosélyte des idéologies et de l'esthétique de sa culture n'est pas une garantie d'ouverture d'esprit, c'est à dire de possibilité de dessiner symboliquement un autre chemin dans la binarité simpliste supposée séparer clairement le Bien et le Mal. Sans la présence de cette altérité symbolique, comment pouvoir donner à sa propre culture autre chose que des biens de consommation qui vous définissent pour la faire croître et se modifier ? Comment ouvrir le champ d'une saine dialectique quand même l'existence d'une réalité tierce n'est pas représentable dans l'imaginaire collectif ?
On voit patauger dans le "marais" comme le nommait l'Homme orange tant pourfendu et haï, des individus desséchés, malades, nageant dans leur propre jus depuis des décennies, capables de dire des énormités sans conséquences pour leur carrière, pouvant commettre en toute impunité des crimes et des erreurs monumentales dans l'expression de leur maîtrise des situations.
Rôdée aux décisions toujours univoques, radicales et à l'incapacité d'assumer les conséquences de ses actions, ou de simplement devoir rendre des comptes à des instances internationales maintenant aliénées à ses propres thaumaturges, elle a fait entrer le monde occidental dans des temps où rien ne peut contrer les constructions du discours offertes par sa bouche médiatique.
Rien, car ce qu'il en est du rêve immuable de l'humanité pour la vérité, quelles que soient les vêtures philosophiques ou religieuses parfois si cruelles qu'il revêt, s'est éliminé dans la maîtrise presque parfaite de la psychologie des foules, à savoir la connaissance de leur incroyable capacité à pouvoir avaler tout et n'importe quoi à la condition que cela excite leur adrénaline, que l'objet du sacrifice leur soit clairement assigné et qu'il n'y ait ainsi aucune solution médiane à la jouissance de leur haine ciblée alimentée en boucle.
Craig Roberts nomme son pays " l'Empire du mensonge" et c'est une évidence presque aveuglante que plus aucune vérité n'a besoin de se démontrer, de se prouver, ni, en fin de compte d'être même cherchée face au déluge de l'imaginaire.
C'est pareil. Vrai. faux, désir, réalité, c'est pareil.
Je suis qui je veux, je dis ce que je veux, ébloui par mes croyances en l'extensibilité infinie des pouvoirs de la science et de leur capacité à répondre à tous mes fantasmes, si ceux-ci sont bien cadrés par l'Esprit de mode dont les critères sont déterminés ailleurs. Je m'outrage avec mes pairs, signe des pétitions à longueur de journée, mes ressources intellectuelles effacées par le mimétisme et l'excitation du sentiment d'appartenance.
Il faut donc, dans cette impasse partisane, mal endémique interne qui tend à devenir une plaie sociale sans soin possible, se "placer", bien montrer de quel bois se chauffe notre mentalité de Croisés de la Paix globale, crier à l'outrage, à la monstruosité tout en reconnaissant qu'on ne sait rien de ce qui se passe... vraiment.
Mais ça, "vraiment" c'est dépassé, "outdated" , ça n'a aucune importance, et en dernier lieu, de toute façon, aucune instance tierce, de celles dont la mission salvatrice est, ou plutôt était, le jugement à partir de preuves, ne pourra intervenir pour remettre la réalité à sa place. Ces instances-là sont toutes corrompues par les mêmes qui continuent de se voir à travers les effractions de leur nation, comme les agenceurs du destin de l'humanité entière, sans jamais demander à cette humanité ce qu'elle pourrait lui vouloir, à ce destin. EG