4.13.2022

Bas les masques

 
Ere de croyance et de pensée magique. 
Dans le rapport au soin et éventuellement à la guérison, "l'important c'est d'y croire". Et ce traitement de l'efficacité, surtout contre un ennemi indécelable, a été consolidé, réifié par la pose de ces mouchoirs de papier à odeur de poisson comme rituel conjuratoire. On se signe en rentrant dans une église, on donne réalité à la présence de nos dieux dans les lieux qui les affirment. Quelques gestes dits "barrière" qui, à être matraqués comme vitaux, jour et nuit, et partout, finissent par ne plus pouvoir se heurter à la perplexité première, au questionnement initial quant à leur sens et leur efficience, ont la même fonction face au gouffre de l'invisible tant redouté. On peut se demander si cette croyance et sa force n'ont pas eu plus d'effet prophylactique que les masques eux-mêmes. On a, par contre, eu la confirmation que les Clubs globaux des décideurs, eux-mêmes assez peu rigoureux face à la mise en pratique de leurs injonctions, ne travaillaient pas avec le pourtant éprouvé ressort de l'essai/ erreur, c'est à dire avec la capacité à admettre au cours de l'expérience que les solutions apportées sont inopérantes et à en chercher donc d'autres sans pour autant perdre la face (!) mais que l'application toujours accompagnée de coercition des règles soi-disant sanitaires était imposée, simplement parce qu'elle l'était et que nous étions dans un bon vouloir tout-puissant du pouvoir, auréolé des soubresauts secrets et scientistes des cabinets de conseils et de leurs évangiles expertes.
Et on va glisser sur les hypothèses, un peu, après tout, un pareil phénomène à échelle mondiale, qui engendre tant de misère et de détresse non parce qu'il existe mais parce que les Instances lui ont donné une sorte de force mythique et destructive qu'elles seules peuvent contrer par leurs décrets totalitaires, a plus qu'un simple rapport causal unique à exhiber pour notre entendement.
On ne peut pas ne pas associer cette obstruction des bouches, avec non pas seulement l'air qu'elles respirent mais aussi, mais surtout avec les mots qu'elles peuvent échanger les unes avec les autres. Associer aussi cette mutité paranoïaque avec le fait que les lieux devenus prohibés pour les récalcitrants sont aussi, en leur presque totale majorité, des lieux de convivialité, d'échange, de plaisir, des lieux où le lien social comme on le nomme, se tisse, se crée, se dénoue à travers la parole libérée du joug du tripalium. Des temps de répit octroyés par le capitalisme sauvage à ses cheptels. La face cachée de la mesure, c'est d'avoir isolé chacun dans une bulle transparente mais complètement close , qui excluait jusqu'à la chair de la chair et la transformait en porteur de mort potentiel, où il était seul avec lui même face au monde entier devenu "complètement" dangereux. Autrement dit, tout ce qui permet de déjouer les rassemblements, d'exploser les coteries, de microïser les affinités et leur capacité créative de fantasmes de devenir.
Le port du masque, martelé et renforcé par les mesures de répression et d' exclusions des mécréants, assumé avec zèle comme "juste" par tant de croyants l'utilisant comme signe d'appartenance et de ralliement, est à la mesure des repérages omniprésents des identités faciales en route, une façon d'isoler chacun dans cette " identité ", close sur elle-même et acharnée à n'être qu'elle-même. Nature du paradoxe et des double-binds, ce qui nous rassemble est ce qui nous sépare. Tous réduits à s'accommoder de toute cette déchéance de l'idéal démocratique, foutaise déccidément obsolète, rêve désuet des temps révolus, rêve au fond jamais atteint, au fond toujours fragile et fait de complexité conceptuelle et de rapport à l'expérience face au bloc indéfini de la réalité, tous à la fois isolés et séparés face au nouveau totalitarisme jusqu'à lui donner des contours de désir inéluctable et de banalité. EG

 

Ce qui ne nous tue pas ... N°2