7.11.2022

Chers amis du vieux continent

 

Chers amis du vieux continent
Évidemment, courbant nos échines, nous tendons l'oreille et l'autre joue, à la fois certains que les têtes vont tomber et incurables dans notre besoin d'espoir, pensant que "quelque chose" finira bien par arriver, quelque chose de raisonnable, c'est à dire de politique, quelque chose qui nous sorte un peu de nos rapports sado-masochiques avec le pouvoir, toujours plus fissuré et contaminé.
Mais notre chant du cygne ne peut gentiment monter jusqu'à la voûte des cieux que si, de l'autre côté de l'océan Atlantique, les fantasmes collectifs d'exceptionnalité, qui ont la peau dure et n'apprennent jamais rien de l'histoire, les bonds dans le vide et les aliénations diverses aux Épiciers concupiscents se relâchent.
Ou du moins deviennent conscients.
Voilà, nous, le vieux continent, sommes tellement fascinés, attachés, dépendants dans les faits ou les fantasmes, manipulés par cet empire au goût de coca qu'aucune disons... révolution, ne pourra advenir si nous ne nous extrayons pas de cette domination, assez ancienne mais pas tant, mais qui a corrompu notre capacité à nous redresser sur un plan philosophique et politique jusqu'à nous rendre passionnés d'hyperglycémie disneyique, lisse, couleur arc en ciel, sans épines et sans dents, cachant derrière des flashs de soubresauts identificatoires aussi dissolubles que nos états d'âme, la violence incroyable, pornographique de sa nature et son éternelle attraction pour une vulgarité érigée au rang de culte.
Nous, sur ce bord-là, pensons que les mouvements qui la secouent et atterrissent immédiatement sur nos sols, à peine dégrossis, sont les voies d'une reprise en main comme on la nomme "globale".
Grave erreur.
Il n'y a pas de globalisation, des causes ou des solutions, toutes deux initiées par les mêmes instances, sans la reconnaissance, tacite ou active d'une hégémonie culturelle, militaire, décisionnelle, répressive, régressive américaine. 
C'est là que s'est nouée l'histoire d'une façon complètement strangulatoire depuis les dernières décennies. Nous ne pouvons pas attendre quoi que ce soit de la capacité de ce pays à modifier son emprise.
D'une part parce que cette hégémonie désirée et légitimée possède tous les outils de son exercice et travaille à les développer afin que cette emprise soit, si elle ne l'est pas encore assez, totale et d'autre part à cause d'une caractéristique de la fiction américaine, fiction autiste dans son essence, ignorante de tout ce qui n'est pas inscrit dans l'imaginaire identitaire de ses défenseurs acharnés.
Comme on l'a déjà noté, ce pays ne PEUT pas accéder à des changements structurels majeurs qui pourraient avoir des effets sur la panique globale qu'il engendre car il est absolument, irrémédiablement clivé.
Qu'est-ce à dire ?
Il suffit de prêter attention à quelques-uns des hérauts de la droite conservatrice, jeunes adultes brillants et courageux, pour immédiatement constater que tout ce qui se contre, s'oppose, se défend, le fait au nom d'un énoncé du rapport à "Dieu", et, comme suivant d'une façon plus ou moins logique l'argument divin, Le Fear of God, à l'emprise de l'état comme mal absolu.
Comment faire évoluer une dichotomie qui EST ce pays. Ou du moins l'est devenue d'une façon irréversible ?
La référence au "In God we trust", la Bible et les trainées calvinistes des premiers conquérants sont demeurées actives et présentes comme ARGUMENTS utilisables pour tout phénomène culturel ou social et sont utilisés comme une forme de légitimité à l'opposition.
C'est à dire que toute loi votée l'est avec en arrière-plan la posture à l'égard de cet appui religieux supposé, quelle que soit l'acuité des pratiques religieuses et les tournures données à cette foi apologétique, à la fois sur ses concitoyens et sur le reste du monde.
C'est cette Bible des premières heures qui continue à servir de blanc seing à toute intervention qu'elle soit dans le champ de la santé publique ou dans celui des pratiques militaires.
Les deux camps irréconciliables dans le face à face sans cesse reconduit du moi-je -toi-tu, nourri d'une inculture massive qui les prive de tout support intellectuel cohérent ne peuvent absolument pas élaborer aucune vision disons intermédiaire, c'est à dire utilisant le tiers symbolique pour générer un terrain négociable.
Autrement dit ce pays ne PEUT pas s'en sortir autrement que dans une sorte d' auto-anthropophagie réduisant une des parties de son corps social sur TOUTES les questions essentielles.
Que cette consomption ne soit pas aussi celle du reste du monde ne peut pas se décider chez eux, pris dans leur clivage radical entre puritanisme et pornographie, haine et amour supposés outils politiques, ils en sont incapables.
C'est au vieux continent à faire appel à son histoire et à ses ressources propres pour ne pas se laisser engloutir en attendant que la clairvoyance viennent de l'Ouest. EG

Ce qui ne nous tue pas ... N°2