8.26.2022

Bienvenue à la maison

Loberon, marque française de linge de maison et de mobilier, se démarquant par une sorte de goût à la fois discret et élégant dans le choix de ses produits m'a envoyé une carte avec un proposition de réduction sur le prochain achat. En haut de cette carte promotionnelle est écrit "Welcome home!".
Au fond, la pénétration quotidienne dans l'étouffement  collectif est comme une forme de maladie chronique avec laquelle on est supposé vivre dans une douleur permanente malgré tous les efforts fournis pour lui résister activement. Un combat désespéré et perdu d'avance où on assiste aux effets de forces massives sur toutes les capacités individuelles de ce chacun devenu comme un film extrêmement fin sur lequel s'imprime les à-coups sans cesse renouvelés des diverse tendances. Et c'est à cette dynamique que nous sommes réduits, condamnés à nous tendre, sans répit vers des horizons déjà écrits qui n'ont comme ampleur que la volonté d'envelopper le présent.
Engloutis, corps et âme, c'est ce qui nous arrive et sans une grande conscience de notre part, matraqués que nous sommes à la seconde près  par tous ces signes si disparates qu'on pourrait ne pas reconnaître les liens qui les tiennent en amont de notre lucidité.
Pourtant tout s'enchaîne, dans un mouvement incessant qui passe de la promotion de tout, choses, idées devenues choses, individus devenus choses, à l'adoption de tout, idées, choses, individus, comme évidence dans le registre que chacun croit créer de toutes les visions du monde qu'il fabrique en pensant les choisir seul.
On pourrait au regard de l'efficacité apparente des résultats du conditionnement et de l'uniformisation, imaginer quelque démiurge tout puissant ayant instigué un plan planétaire et  le mettant jour après jour à exécution. C'est un fait, les démiurges sont là, opèrent, décident, ordonnent. Mais leur connaissance de l'homme est si ténue et si amalgamée avec leurs propres désirs de voir cet homme se plier à leurs fantasmes et se soumettre à leur puissance financière qu'il faut que le mythe d'une conspiration programmée, de ce qu'on entend sans cesse qualifier d'"agenda" prenne un peu de recul au regard du fonctionnement en quasi complète autonomie du système post capitaliste lui-même qui n'a jamais vraiment de prise sur les conséquences de ce qu'il induit. Les idées, la plupart du temps s'auto-qualifiant à l'aune du changement et du progrès germent, plus ou moins aidées par leur promotion médiatique, elles sont absorbées par les masses qui sont leur écran, la surface sur laquelle chaque nouveauté peut se projeter et elles y deviennent ce qui fait la substance même des masses, qui leur accorde alors leur légitimité en s'imprégnant de tous les discours et de tout le champ métaphorique réduit qui les portent.
Ce qui sort de ce cercle d'impression où nul n'a vraiment besoin d'imposer par quelque moyen que ce soit sa volonté, c'est le confort généré par l'évidence, par une dimension d'acceptation de ces "choses" comme la "réalité", juste, équitable, scientifique, dont la version ou les versions successives ne sont pas soumises au travail du temps, c'est à dire à une forme de mise à l'épreuve de leur efficience, mais sont absorbées, langage figé pour les qualifier compris évidemment, puis recrachées dans un processus digestif incessant mais qui ne fournit aucune des substances nécessaires à créer de l'humanité. 
La seule partie de ce processus d'impression-expression qui donne l'illusion que nous sommes encore dans un registre humain, est la traine émotionnelle qui suit l'application des codes nouveaux sur la perception de masse. 
La chose, idée, objet personne, promue et adoptée l'est à l'aune des bouleversements émotionnels que son impression sur la surface collective génère immédiatement. C'est ce moment réactif qui la légitime et fait office de combustible au mouvement circulaire incessant du post-capitalisme dans son imposition sociale et culturelle.



 

Décapités nous sommes.