10.28.2022

La belle époque

The apocalypse will be pricey: Visit luxury ‘survival condos’ in an old missile silo

 


Une des caractéristiques de ce post-modernisme-néo-libéralisme-atlantisme décadant, est sa capacité à tout banaliser, c'est à dire à mettre sur le marché les plus viles horreurs, ex-viles horreurs, futures viles horreurs, en ne maintenant audible que le son de leur coût. La préparation sans relâche des mentalités à avaler toutes les couleuvres et à boire toute la honte jusqu'à user les plus ténus de leurs fantasmes travaille au corps de l'évidence avec une maîtrise remarquable. Pas de panique, vous êtes prêts : à vivre dans un monde dévasté jusqu'à la dernière amibe, à vous faire couper les appareils génitaux et greffer un vagin avec votre ancienne queue retournée sur elle-même, à vous faire suicider dans un cercueil au gaz parce que la vie est trop moche, à vous faire engrosser par une seringue pour combler de bonheur un couple d'hommes gays qui viendront chercher le fruit de vos entrailles sans vous adresser un regard pour conclure le marché, à vous faire picouser avec ardeur, impatient d'avoir enfin votre énième dose afin de rester bien à jour, à observer croître dans son petit container l'embryon méticuleusement choisi pour combler vos désirs, à croire que toutes les femmes sont merveilleuses et malheureuses et tous les hommes vicieux et tout-puissants, à écouter Hanouna vous expliquer ce qu'est la justice et pourquoi faire la guerre, tout ça, tout ça, chaque jour que dieu faisait mais qui n'existe maintenant plus que broyé dans la fanfare infinie des bruits sans répit du monde, le sifflement des affaires toutes bien lisses d'être scandaleuses dans un marécage d'où s'échappe le carbure d'hydrogène de l'amour et de la tolérance et des bouches grandes ouvertes sans plus rien pour les nourrir, où la seule valeur valant est le choc, la vindicte, la baston, l'engueulade, la provocation comme pratique religieuse, fanfare qui est sollicitée sur toutes les plates eaux parce que le populo aime ça, quand ça braille et qu'il aime aussi se coucher en sachant qui il hait.
Mal d'un siècle sans plus rien d'autre que lui-même, à regarder vaille que vaille dans les yeux en se voilant la face. Un temps de l'image, plat, avec un vide abyssal derrière, avec des petits cultes sans grande terreur, avec des impasses où chacun croit voir l'horizon, avec son propre cul comme une donnée, la sexualité comme un vertige d'ennui sous le bruit qu'elle fait, un gueulement ressassé, rétréci, au fond derrière, une libération totale sans étonnement et sans appétence, simplement parce que c'est fait, tout est dit, on n'est plus que ça, tout ce qu'on récite et psalmodie de nous-même, sans oublier tout de même l'apocalypse qu'on attend avec impatience tant on s'emmerde à mourir.EG

Petit conte amiénois Dixième partie