12.17.2022

Victoire De zéro

Victoire De Zéro..

C'est comme si la prescription "Diviser pour mieux régner", supposée s'exercer du haut des fils tirés par les organisateurs comme panacée de la gouvernance avait pris ancrage dans nos esprits, à tous, ne nous laissant plus qu'un solution d'adhésion à ce qui siège de part et d'autre de cette division, l'unique possibilité politique restante de haïr ou aimer comme actes et la certitude que cela suffit pour faire partie du jeu.

Le mot d'ordre des diverses campagnes a martelé le slogan du "rassemblement" sous toutes ses coutures, unir, rassembler, comme appels d'urgence face à un paysage politique, d'un côté comme de l'autre de l'Atlantique figé dans des postures inamovibles qui évoquent les grandes querelles religieuses qui ont pendant plus d'une trentaine d'années ravagé l'Europe.

La guerre civile comme à nos portes, dans laquelle, au prix de nos vies, nous devons faire un choix, radical, tueur, à l'égard de ce qui est complètement catégorisé comme " partie adverse".

L'huile mise incessamment sur le feu par la bouche à l'haleine putride des passe-plats pourrait amener à se questionner sur ce qui s'est progressivement installé comme "règle" et qui prend sa source dans l'unique issue à cette fissure sociale, le confinement de tout discours dans les cases, immédiatement perçues comme intelligibles, de l'amour et de la haine, ardemment disséminées par les spasmes globalisants comme denrée facilement exportable.

Les catégories du "hate speech", à proférer ou à censurer, ont, telles les métastases d'un cancer des facultés analytiques largement envahi l'écume collective du discours de masse avec tout l'appareil propagandique associé sous-jacent et sa terminologie sommaire, toujours épicée par les déclenchements émotionnels qu'elle suscite.

Les commentaires, réseaux sociaux ou médias, ce qui au fond, est peut-être devenu une seule et même façon de canaliser, organiser, réguler les discours, qui ont fusé après la victoire de la Coupe du monde sont presque une parfaite illustration de cette castration symbolique de l'unité, nationale ou autre au profit d'un laisser-aller pulsionnel quasi psychotique,c'est à dire agissant le morcèlement comme la seule alternative pour exister dans le discours et qui ne peut plus accéder à des faits, comme la victoire, mais patauge dans les adulations ou la haine des personnes, prises non pas dans leurs actions mais dans un hypothétique "être"-objet de tout le lâcher de ballons spectaculaire, et extraites du fait qu'elles ont contribué à ce même succès.

Ce qui en d'autre temps, on en a l'expérience, a pu provoquer un chaud au cœur dans un peuple qui pourtant maintenant se languit de toute forme d'héroïsme, d'engagement, d'esprit, d'indépendance, de créativité et rassembler les disparités, cicatriser les déchirures en ayant la capacité de se projeter dans la représentativité de cette équipe quelle qu'elle soit et dans la capacité de se l'incorporer, un moment, une heure, une semaine, en tant que membre de la nation victorieuse, comme ont pu, fiction ou non, être utilisées quelques autres victoires anciennes, a déclenché des tirs groupés sur les joueurs, devenus, hélas pour l'intelligence collective, "stars", donc objet solitaire de projections infinies pour les âmes quasi mortes secrétées par ces quelques décennies de javelisation de la complexité.

L'impossibilité, devenue sorte de partie de la structure psychique collective, de pouvoir s'extraire des bornes de sa propre "identité", dont la réalité et la nature même, malgré les risques d'empoisonnement liés à une surcharge d'évidence de la notion demeurent à définir, afin de s'identifier avec bonheur à du collectif, a fortiori lorsqu'il a cette envergure mondiale, alors que la victoire pourrait faire taire les Geignards au moins l'espace d'un moment, est un témoignage pour ne pas dire une preuve de la régression des capacités abstraites générées par l'esprit du temps du globalisme, c'est à dire de l' incapacité à construire une élaboration sur d'autres critères qu'un arbitraire "avis" offert par son échelle personnelle d'" amour" ou de " haine", termes auparavant manipulables avec la prudence d'un usage d'explosif mais qui à avoir côtoyé les pouces levés si longtemps et hélas comme tant d'autres concepts pourtant si riches à l'origine, n'ont plus fonction que de manifester un beuglement, un lancé de crachat, et sont devenus, encore une fois avec l'entretien soigneux des passe-plats, les pantins se mouvant dans une sorte d'arène globale où seule l'excitation est à entretenir et à alimenter sans répit.EG