1.01.2023

Bonne année

En 2013 cette traduction d'un article de Wallace Stegner, lettre sur la vie sauvage m'avait servi de carte de bons vœux pour l'année à venir.
Elle est évidemment toujours appropriée à une situation périclitante de plus en plus palpable, autant rongée par l'idée de progrès qui la nourrit que par celle de contre-attaques militantes pouvant par leur teneur de régénération morale collective contrer le pillage et l'effondrement.
L'impasse est visible, entre l'imminence du danger d'effacement, le pli indéfroissable des intrusions permanentes dans des biosphères qui pour nous survivre doivent nous rester étrangères et ne pas faire l'objet de notre obscène besoin de savoir et de toutes les panoplies techno-furieuses qui l'accompagnent et l'alimentent sans cesse.
Le terme "global" en lui-même sous-tend cette inclusion de tout en son sein, sacrifiant l'idée même d'extériorité à lui-même, tant psychiquement que dans l'évolution des valeurs ou des performances technologiques dont TOUT et TOUS sont supposés bénéficier. Pas tant comme réponse à leur demande mais comme témoignage d'une sorte de flux qui les dépasse et auquel nul ne peut échapper.
La symbiose entre la qualification du Bien et cette main mise, même supposée invisible sur tous les champs de la vie privée, publique a absorbé tout ce qui pouvait laisser l'idée d'un lieu sauvage, c'est à dire intouché permettre à chacun de se créer un possible retrait. Sont absorbés indifféremment dans cette mélasse scientifico-idéologique de la positivité, bêtes et humains, plantes et espace.
Cette éradication du sauvage, par sa connaissance ou sa maîtrise, c'est à dire de ce qui peut et doit échapper au contrôle pour exister comme "ailleurs", essentiel à notre capacité à être "là" est simultanément celle du sauvage dans la psyché humaine, réduite à devoir porter pour ses mouvements incontrôlés quelque acronyme qui la balise et la définisse et celle des lieux sans humanité où la vie continue de se créer et se développer sans avoir à se justifier auprès de notre pulsion épistémologique boulimique.
Accepter de ne pas savoir, accepter de maintenir des zones hors d'accès et pouvoir supporter de cohabiter avec elles sans y perdre notre raison, garder l'idée du sauvage comme havre intouchable, c'est à dire comme lieu sacré est peut-être un des premiers points auquel se raccrocher pour se désaliéner, pour sortir la tête des fers globaux et des carcans intellectuels, esthétiques et moraux qu'ils ferment sur notre intelligence d'espèce.EG