7.09.2023

L'ère de la Poufiasse N°1

 

L'ère de la Poufiasse
Prétendre, affirmer, défendre que la stigmatisation des erreurs d'orthographe sur les réseaux sociaux exigerait une réforme voire une abolition des règles d'écriture du français, trop complexes, désuètes, etc. participe du même contre-coup populiste pervers que la loi d'accès "Affirmative action" des Nord-afro-américains aux universités, ou que la discrimination positive à l'égard de l'accès des femmes aux postes de "commandement" : hormis le fait que la démarche ségrégative s'effectue, implicitement mais effectivement, à l'envers, c'est à dire en vient par son mécanisme structurel à repousser dans le champ du "mal" les populations qui n'appartiennent pas aux groupes concernés, les prémisses, ici encore non affichées, voire non élaborées du tout, sont que les "noirs" ou les femmes, ou les invalides de l'orthographe ne pourraient PAS, par leurs seules compétences, leur seul travail, leur seul don ou tout autre qualité qui les amènerait à être performants sans ce coup de pouce, accéder à la maîtrise par eux-mêmes, n'auraient donc pas l'intelligence et son usage suffisants pour avoir accès à ce qui est décrit comme "excluant".
Puisque il est impossible de partir de cette hypothèse, la solution est de niveler l'ensemble de toutes les façons possibles, afin de le rendre accessible "à tous" et en le décrivant comme lieu ou outil de culture obsolète au regard de l'égalitarisme de masse.
Cette stratégie d'annihilation de la valeur des contenus transmissibles au profit de la prise en compte/ charge de la posture omnipotente et victimaire de '" l'individu" , amené à ne se pencher que sur ses faiblesses et ses divers maux pour se dire, amené à se rouler dans le baume analgésique des catégorisations, raciales, nosographiques, sexuées etc. pour se présenter au monde comme "a priori" excusable et ontiquement irresponsable, outre qu'elle est un des fondements de la révolution anthropologique initiée et orchestrée par les thaumaturges globalistes dans laquelle nous sommes engloutis, est l'aveuglante mise en scène et en acte de la déshumanisation ambiante.
Il n'est pas de liberté sans sa conquête. Pas de liberté de pensée sans la construction des outils mentaux du travail qu'elle requiert.
Il va de soi que le peloton d'exécution, visant la langue de millions d'individus au nom d'une soi-disant obsolescence de ses règles écrites, individus pris, qu'ils le veuillent ou non dans leur histoire tout comme dans l'histoire de leur langue, est aussi tourné vers eux.
Ils ne réalisent pas que ce qui est condamné au nom de la démagogie faite religion et au nom du culte du "confort" et du "vrai soi", c'est à dire de l'installation de représentations de l'existence comme nécessairement "anesthésiante", comme un dû sans participation active de celui qui la mène, forme d'égalitarisme populiste dont la quintessence fleurit sur les réseaux sociaux où tout le monde, au sens propre, est en droit d'opinioner sans limites sans jamais avoir à justifier ses sources, les étapes de son raisonnement, la logique de son propos, le travail préparatoire consacré à l'émission de son point de vue etc. et se matérialise dans son objectif extrême dans l'usage de l'IA qui est supposée penser A LA PLACE de son utilisateur et lui apporter malgré cette dépossession et cette aliénation qu'on peut considérer comme absolue, tout de même, parce que c'est la seule chose qu'il attend, du plaisir et de la gratification.
Religion positive pour tous, qui emplit les têtes comme but ultime tout en exhibant jour après jour une violence réelle ou symbolique destructrice du sujet réduit à des algorithmes et à un cheptel gérable.
Ce qui se dit derrière la réduction des exigences, le nivellement de toute difficulté, c'est une volonté d'effacement. C'est, par le fait de souscrire en permanence au plus vil des penchants narcissiques, esprit propre à l'ère consumériste, au plus aisé des normalisations de masse, suite du consumérisme réduit à la standardisation des vecteurs d'expression, viser la progressive atteinte de la réduction totale de cette liberté de choisir ce que ces mêmes individus sont en droit de vouloir maîtriser, et surtout ce à quoi ils sont en droit de donner de la valeur.
Et comment leur propre expression, leur propre capacité à dire, à se dire pourraient-elles être plus dévalorisée qu'en ne leur reconnaissant pas la capacité, et le droit, de maîtriser leur langue ?EG

Petit conte amiénois Dixième partie