8.20.2023

Bob Dylan syndrom

Réaction à "Rich men North of Richmond" The Onion


Retour de manivelle sur le "conservatisme", "racisme" "ultradroitisme" "Q.anonisme" so on so forth...supposé, évidemment décrit comme "mauvais" dans la logique de censure progressiste, de ce "protest song" faisant office d' "évènement" par sa reconnaissance fulgurante...et évidemment, le flot de commentaires qui accompagne immédiatement ce succès inattendu pâture de millions d'"influenceurs" de toutes les couleurs, buvant leur breuvage light dans leur costume de scène à l'angle droit de l'écran et ayant tous quelque chose à dire d'essentiel sur la façon dont L'Absent, le Mec-transparent qui n'existe qu'à cliquer, le Vrai public mutique et lobotomisé réduit au voyeurisme quantifié du Grand show élitiste où il ne joue aucun rôle est supposé apprécier et/ou condamner la chanson.
Retour à la case départ par les voies bien rodées de l'anéantissement de l'action par la polémique pour tout ce que cette chanson raconterait sur la manipulation et l'exploitation de classe par l'habituelle anesthésie immédiate au Fentanyl socio-médiatique.
On peut consacrer quelques réflexions à ce que la musique, rock, country, rap et blues a généré de "comme si" de la conscience et de son corrélat, l'action politique, dans la culture occidentale depuis plusieurs décennies, produits de la dimension pernicieuse d’absorption systémique de tout évènement : catastrophe, guerre, misère, révolte autant et pas mieux que mariage clapotant, grossesse nerveuse d'obscurs acteurs hollywoodiens, tout ça au même rang, tout ça n'ayant de poids que comme effet de manche des dieux du stade, de nourriture terrestre toujours renouvelée du Pauvre, élaborés par et alimentant le marché en "info", "actu" ou, plus dynamisant, en production artistique supposée agir comme "message" provocant, "attaque" du régime, contenu d'opposition, ingurgité puis recraché dans le processus comme sorte d'émission de matière immunitaire, d'anticorps secrété par l'organisme capitaliste et fuel du mouvement/contre mouvement, progressisme/réaction, inscrit dans la nature même du marché : film, productions télés, chansons, sources d'identification et imposition de représentations sans fin, avalés tels quels et restitués sans distance comme prise de position, parole personnelle par l'Homo-consumeris, éternel enfant de la masse, délégation de l'élaboration critique prenant la place de ce qui ne peut plus se formuler de son propre discours et façon chimérique mais efficace de croire se situer politiquement en étant pris corps et âme dans la prolifération de l'évènement médiatique comme réduit à un "Hit" plus ou moins plébiscité de l'industrie du spectacle.
Toute création devenue, quels que soient la candeur, le talent, la lucidité du message, un produit écrasé et conditionné par la nécessité polémiste impérieuse propre à la stérilisation des postures, une nouvelle et éphémère émission strictement formelle qui a pris place aux lieux de l'élaboration politique.
Le chant de révolte ne s'extrait pas des barricades mais les remplace sous forme de contenu attendu et aisé à assimiler dans la conscience politique usée de l'Homo-consumeris. Il est devenu, dans l'adhésion un peu nerveuse qu'il génère, son implication, sa propre révolte jouée à sa place sur une scène qui le fascine comme si elle lui appartenait mais où il ne mettra jamais les pieds.
Ce produit du loisir politique, ayant les qualités de légèreté exigées pour tout substitut, édulcorant et analgésique de la réflexion, donnés et accaparés par les masses, est identifié sans plus broncher à une action, à un engagement de militance personnelle donc à une forme de dynamique politique alors que son absorption met une fois de plus l'Homo-consumeris dans une situation de passivité jouisseuse inoffensivement réceptive.
"Bob Dylan syndrom" si on veut, où l'énergie populaire de rébellion et d'opposition pense, croit, se dit être dans un processus révolutionnaire en "écoutant", en étant "bouleversé" par les paroles de tel ou tel chanteur dit "engagé", la vue de telle œuvre d'art ou de tel film auxquels la Masse, prise et ne se prenant plus que comme réceptacle statistique, s'identifie en leur laissant la responsabilité de dire la vérité à sa place.
Agir ou penser réduits à penser agir en s'identifiant à tel ou tel groupe, artiste, à tel comédien impliqué dans la grande œuvre caritative, alors que cette adhésion n'est qu' un substitut à la réalité du jeu politique, fonctionnant comme leurre, et la façon de maintenir le degré d'excitation et d'outrage tendu en permanence propres au mécanisme de la consommation globale aphasique.
Ici, dans cet évènement socio-médiatique dont la "réalité" sombrera sans suite possible, avec son message, broyés dans les fosses de la polémique et dans l'amnésie structurelle du consommateur, on voit un des ressorts, au sens propre, une nouvelle fois de ce qu'est le paysage mental, la sociogenèse de l'impasse intellectuelle néolibérale américaine, c'est à dire un courant d'éradication de la notion même de pensée dialectique au profit d'un terrain de stricte et toujours violente ergoterie devenue totalement attendue et omniprésente comme mode unique d'échange, assimilée à titre individuel et évacuant tout paramètre possible d'analyse complexe.
The Onion était drôle, caustique quand, soudainement, dans le basculement vers la dualité bipartisane extrémiste et son immersion dans la corruption intellectuelle et le pourrissement éthique des médias, il est devenu un simple organe de propagande supposé faire rire, mais seulement ceux qui votent correctement. Autrement dit, le bipartisme et ce qui le maintient comme règle totalitaire de fonctionnement social est un outil radical producteur du comas intellectuel des foules et une impasse mortifère pour l'intelligence critique : c'est un cercueil qui se maintient grâce aux corps social en décomposition qu'il contient. EG
https://www.theonion.com/conservatives-explain-why-they-love-rich-men-north-of-r-1850752276

Petit conte amiénois Dixième partie