12.27.2024

En sortant de l'école Remarques sur l'éducation dite " positive"

En sortant de l'école
Quelques remarques sur l'éducation dite "positive".

Croisé, au cours du patinage sur le fil de plus en plus délabré et insalubre des vidéos facebook, l'intervention d'une pédagogue "positiviste" qui s'étale sur les risques de traumatismes à souligner (en rouge) les fautes, privilégiant ainsi les dépressions, crises existentielles, dysphories de l'ego, pauvre image de soi etc. des enfants, les destinant ainsi à être des ratés mal dans leur peau, des toxicomanes, des pervers narcissiques, des pères et mères incestueux etc.

A ceci on se doit d'ajouter quelques remarques :

1. Ces élans "compassionnels" pour l'enfant, issus d'une sorte de puritanisme du bien-être et de lame de fond des archétypes féministes sous-jacents privilégiant un supposé "épanouissement" de l'individu qui serait indépendant des apprentissages et uniquement lié à un hypothétique plénitude affective sévissent depuis un certain paquet de temps.
"L'enfant au centre du système éducatif"comme dogme, date des années 1980, promu comme révolution, et c'en était une quand on mesure la détérioration du contenu des têtes qui sont tombées sous son couperet depuis.
Rappel de la notice ministérielle sur la "bienveillance" de l'adulte comme requise en priorité, comme si elle était absente au préalable et surtout comme si elle seule pouvait améliorer les performances affichées lors des évaluations nationales qui en disent tout de même assez long sur la déréliction ambiante.
Nous sommes arrivés pourtant à avoir assez de recul pour pouvoir nous dire que cet immense élan de générosité didactique et le brossage dans le sens du poil des enfants comme une sorte de méthode éducative de la tolérance et de l'inclusion par la mollesse et le culte de la médiocrité ne portent, à tous les niveaux, pas les fruits que nous pourrions en attendre. Si tant est que nous attendions encore que l'école forme des individus intelligents, critiques, cultivés, à même de débattre sans systématiquement gueuler, conscients de leurs limites, respectueux d'eux-mêmes et de la culture dont ils sont les représentants et les héritiers etc.
2. On a, ici encore, les perfusions idéologiques du néolibéralisme nord-américain, dont le système éducatif produit les élèves les plus ignorants de la planète tout en se revendiquant d'une approche cognitivo-scientiste impeccable.
Ce qui ne se dit pas derrière cette promotion de la positivité, c'est que n'importe quel jeu, n'importe quel quizz, "sanctionne" les réponses sous forme d'une réponse rouge ou verte, donc d'une mention d'échec ou de succès qui fait partie du jeu. Car échouer FAIT partie du jeu. C'est le premier point.
3. Le point suivant est la complète erreur de direction de ce genre de question évoquée comme essentielle. Et elle touche le coeur même de l'affaire ; le rapport à l'apprentissage.
Apprendre c'est d'abord se confronter à la frustration de ce qu'on ne sait pas. C'est comme ça. C'est s'engager dans une sorte de vertige de l'inconnu, y avancer pas à pas et avant tout construire patiemment ses savoirs en ayant conscience que jamais une forme de vérité totale ne sera appréhendée. Ceci à tous les âges, dans toutes les circonstances, et c'est la différence fondamentale entre la croyance et le savoir.
En rester à une vision simplificatrice, binaire et moralisante du bien vs le mal dans cette focalisation sur les "fautes" néglige un point majeur dans ce salmigondi positif qui semble pourtant une évidence : il n'Y A PAS d'apprentissage sans ERREUR. Et c'est sur ces erreurs que tout apprentissage s'appuie. Intégrer l'erreur non comme faute ni comme source de frustration - même si, qu'on le veuille ou non, celle-ci est présente et impossible à complètement éradiquer mais fait partie elle aussi de ce qui doit se dépasser pour avancer - mais l'incorporer comme processus évolutif structurel inscrit d'emblée dans ce qui est attendu de l'élève dans ce cadre et dédramatise l'aspect sanction puisque c'est à partir de ce qui n'est pas maîtrisé et uniquement cela que s'opèrent les acquisitions.
4. Encore faut-il que l'adulte présent consacre à cette explication la place qu'elle mérite, qu'il s'institue en sa place de passeur de savoir et non comme dispensateur de pommade, lui-même soumis à cette règle essentielle de l'erreur structurante et que les erreurs puissent être reprises comme des éléments sur lesquels TOUTE la classe peut travailler, donnant à chacun la possibilité d'exprimer ce qu'il a compris ou ce qu'il propose, dans un ensemble dynamique et évidemment non coercitif où se tromper et formulmer au mieux ce qu'on n'a pas compris est complètement moteur et, en fin de compte est une règle que tout humain se doit d'accepter pour s'éveiller tout au long de sa vie.
5. C'est d'autant plus essentiel que les médias sociaux comme lieu d'échange majeur sur des points vitaux du fonctionnement "démocratique" et coutumier sont la preuve que cet excès historique de complaisance à soi essentiellement ancrée sur le vide analytique du réactif émotionnel, c'est à dire sur des "états d'âme" au détriment des capacités de recul et d'élaboration porte avec lui à un niveau catastrophique la capacité critique dans une forme de tumescence des égos qui fait que chacun se croit détenteur de la vérité dont il est le centre à travers ses avis, sans recherche, sans curiosité et sans effort consacrés à sa quête sans fin.
Il est aisé d'associer cet forme d'extrémisme à l'incapacité contemporaine à RECONNAITRE ses erreurs, ce à tous les niveaux de la vie séculière ou politique.
Les mises au banc de toute référence au progrès de la maîtrise, à l'effort pour l'atteindre, à la progression de soi à travers ses connaissances, offrent un profil de population à grande bouche et à cerveaux carencés et, excités à leur côté sans pouvoir déterminer où est leur place, des enfants impatients, capricieux, tout-puissants et peu curieux du monde qui deviennent vite impossibles à élever (ce mot n'est tout de même pas fait que pour les chiens !!), c'est à dire à inclure dans un MOUVEMENT entièrement mu par l'apprentissage, ce toute sa vie, avec l'humilité qu'il requiert. EG

In memoriam