7.19.2025

Ça brûle !

 
Landes : trois pompiers aspergés à l’ammoniaque lors d’une opération de secours

Ça brûle !

Evidemment, comme après les quasi quotidiennes agressions des divers "représentants de l'ordre", c'est à dire de toutes ces professions ou ces bénévolats qui sauvent, soignent, éduquent, maintiennent "la paix", c'est à dire empêchent le tissu social de s'enflammer et de s'effriter jusqu'aux cendres, les commentaires sont les traducteurs d'une sorte d'état de choc permanent, d'une incompréhension face à des passages à l'acte qui demeuraient encore, il y a quelques décennies, totalement exceptionnels et pouvaient s'inscrire dans les cases des "faits divers" car ils ne témoignaient pas d'une forme de nouvelle réalité des rapports sociaux.
Nouvelle réalité qui non seulement s'est développée dans la fréquence mais aussi dans l'espace, sortant des lieux confinés des banlieues pour devenir une sorte de mode d'action sur tout le territoire.
On ne peut que s'indigner.
L'indignation, la colère permanente face à cet effondrement si palpable des ossatures réelles et symboliques de ce pays sont des états d'âmes partagés, là, assez démocratiquement, par tous ceux et celles qui voient se réveiller en eux, comme quelque chose de vague mais de réel à défendre, le sentiment d'une appartenance nationale, la certitude d'être de quelque part et liés à ce quelque part par toutes leurs fibres, qu'ils en aient conscience ou non, qu'ils s'en réjouissent ou non au vu de la progressive relégation de cette même nation au statut et aux moeurs d'une sorte de vieux royaume déchu et barbare.
Et ces attaques de médecins, d'ambulanciers, de pompiers, dont on ne peut pas dire qu'ils traduisent un rejet de l'ordre comme les attaques contre les policiers qui se légitiment par une sorte de haine atavique et la douce mélopée victimaire qui la nourrit, ces attaques sont aussi incompréhensibles qu'elles sont monstrueuses.
Cependant, on peut les entrevoir comme des portes ouvertes sur une forme de mal se répandant dans la psyché collective et touchant dans un premier temps les plus "vulnérables", comme ils sont qualifiés dorénavant afin de leur ôter toute velléité d'avoir un peu de prise sur leurs existences et les assigner, même si leur faits et gestes sont les signes d'une violence réelle et peu régulée, à une forme d'impuissance congénitale.
Ce mal, évidemment il est difficile à circonscrire puisque nous en sommes tous les victimes même si quelques-uns seulement tombent.
Comme une forme d'épidémie, cette incapacité à pouvoir sélectionner les intervenants dans l'existence sensés vous vouloir du bien et à les traiter avec le même rejet et la même violence que si ils vous voulaient du mal est peut-être une sorte de forme du doute absolu, du doute profond, du doute à la fois sain et destructeur, qui s'est emparé de cette nation et plus largement de toute la politique euro-globale à l'égard de ce qu'on continue de nommer, si fort, si haut, et si souvent que ça devient louche, ses "citoyens".
Comment en effet faire un tri, au regard des institutions qui nous étayent, entre la volonté de vous achever et celle de vous aider à vivre quand tous les corps professionels et les corps politiques responsables ont montré leurs compromissions, leur aliénation et leur incapacité à vous protéger , tout en déclarant vous vouloir le plus grand bien, à divers moments de votre vie, impliquant vos enfants, votre statut, votre vie intime, vos revenus, vos droits, votre santé bref, tout de votre existence, devenu soudain une proie ?
Comment trier ce qui vous sauve et ce qui vous tue quand les manoeuvres diverses de ceux qui vous représentent montrent, même aux esprits les plus naïfs et confiants, que ces politiciens, décidant de votre sort sont ou incompétents, ou vendus, ou les deux, et que les choix qu'ils peuvent faire ne sont fait qu'avec des directives qui vous échappent complètement comme elles leur échappent aussi d'ailleurs et s'orientent vers des buts si obscurs que le moindre de vos pas en avant devient une sorte de risque à courir ?
Comment ne pas envisager que ce pompier, que cet ambulancier, eux-aussi, puissent avoir soudain glissé dans le champ de la persécution, comme tant de membres du corps médical avant eux ?
Pas nécessairement dans une claire conscience que c'est ce même rapport du bien et du mal, comme des zones nécessairement séparées, qui tient les rapports sociaux et peut leur faire prétendre à l'application d'une justice, même si cette dernière n'est que le faible reflet des contradictions ou des injonctions d'une époque mais comme dans une sorte de crise psychotique, au sens ou toute crise crie sa propre vérité, où chaque intervenant est d'emblée quelqu'un dont il faut à tout prix se protéger et se défendre, dans un monde ou la méfiance, l'indifférence, la violence verbale, les insultes, la délation sont les moteurs essentiels des fils reliant les uns aux autres.
Ou du moins sont les moteurs décrits comme tels, ce qui est largement une autre paire de manche et oriente la responsabilité de ces éclats mortifères vers notre scène commune, notre vie sous procuration, notre main de maître dessinant nos pensées, nos envies, nos croyances, nos avis et prenant la place de ce qui fait notre réalité quotidienne, nous enjoint de pleurer tel ou tel animateur, de haïr telle ou telle commentatrice, autrement dit de transférer partout et tout le temps cette turgescence émotionnelle qui baigne chacune de nos paroles, contamine chacun de nos propos en ayant transformé tous les rapports sociaux en cette culture de la polémique * qui a progressivement envahi tout l'espace collectif et étale ses effets secondaires sur une nécessaire vision neutralisée et un peu plus objective, de ce qui nous entoure. EG
* Taguieff.

Ce qui ne nous tue pas ... N°2