1.16.2022

On a cru N°5 Troisième partie Janvier 2022

 

 


Soyons honnêtes, on éprouvait aussi une forme de soulagement. Les innombrables versions de la fatalité, toutes ces causes, si diverses,  qui pouvaient entraîner la précarité de notre vigueur, ce qui tombait, un jour, plutôt d'une façon imprévue sur nos appétits et nos rêves, tout ça s'était réduit à un nom qui à lui seul portait toute notre colère et notre stupeur. C'était beaucoup plus simple maintenant de nous comprendre lorsqu'on geignait, on pouvait s'appuyer sur ce qui nous paraissait être une expérience commune. Autour de l'autel, nous tournions, rassurés et fiers de partager enfin le même artisan de notre décrépitude. Plus de symptômes anarchiques, plus de petits maux mal définis, tout, du furoncle à la nausée, se retrouvait attribué à une source unique. Bien sûr, on assistait malgré la stabilité du cadre à des surenchères, à des rivalités dans les sensations de malaise, on ne se refait pas et on fait toujours pire que le voisin lorsqu'il s'agit d'en baver. Mais cette homogénéité, cette simplicité soudaine de la terminologie qualifiant notre mortalité potentielle nous épargnait les affres traditionnelles d'une nosographie ou d'une pharmacologie spécifiques, subies dans une immense solitude lorsque nous avions à les déployer lors de rencontres ou de repas de famille.  Pour une fois, tout le monde semblait parler de la même chose et c'était plaisant.


Première partie

Deuxième partie

Décapités nous sommes.