Quelques excités manquant de réalisme tapaient bien sur leurs petits tambours, tentant de dénigrer nos décisions et leur utilité mais on savait d'expérience que dans tout projet politique un peu novateur il faut laisser leur part aux chiens, leur os de révolte adolescente à ronger. Cela se réglerait avec quelques bons coups de matraque sur le pif ou ailleurs. Les voix nous indiquaient le chemin, il n'y en avait pas d'autre, et sous le scintillement de quelques-uns des gros mots habituels : démocratie, générosité, fraternité, citoyenneté, on en venait à ne plus même sentir les vents plutôt putrescents d'infinies corruptions qui soufflaient. On était poussés d'ici à là, tenus, serrés, concentrés, marqués mais il nous était encore impossible de pouvoir croire que ce n'était pas pour notre sécurité à tous. Ceux qui en doutaient n'avaient qu'à émigrer. On ne les retenait pas. On appréciait le fait que la voix, avant toute chose, n'avait jamais tort; C'était une de ses caractéristiques majeures. Il lui était proprement impossible de reconnaître que les décisions prises pouvaient mener à la catastrophe, que les troupeaux qu'elle conduisait à l'abattoir pouvaient avoir de bonnes raisons de préférer ne pas y aller. Les gonflements des orgueils insatiables ne pouvaient pas se réduire aux constats de leur responsabilité. Des mots comme honte, malveillance, manipulation, crime de masse, tout ce qui de près ou de loin touchait à la notion périmée de l'honneur avaient disparu du lexique du pouvoir, et dans le même temps de l'esprit de ceux qu'il gouvernait. Impossible de faire machine arrière, plutôt que de s'avouer avoir été floué en beauté, il valait mieux foncer tête bien baissée dans un avenir radieux.
1.17.2022
On a cru N°5 Quatrième partie Janvier 2022
De jour comme de nuit s'élevait la voix, qui nous guidait, nous orientait et nous sauvait de notre incurie chronique grâce aux exceptionnelles compétences de son expertise. On avait tant besoin du réconfort de la vérité-vraie, même si la pilule, vous pardonnerez le métaphore, était chaque jour un peu plus difficile à avaler. De temps à autre, on percevait bien de vagues contradictions, des appels à la bienséance citoyenne qui nous amenaient parfois à nous demander, dans le secret de nos alcôves, ce qu'ils pouvaient bien nous vouloir à part notre bien. Les chiffres valsaient, les statistiques quotidiennes sur du non-advenu potentiellement positif nous rassuraient, et nous arrivions tant bien que mal à garder la certitude que tout ce pataquès valait vraiment le coup d'être institué, on n'en mourrait pas ou très peu.