Qu'on le veuille ou non, qu'on en soit ou non conscient, il est déposé entre les mains du pouvoir une part de notre besoin de sécurité. Celle qui peut nous permettre de continuer à vaquer à nos occupations quotidiennes en n'ayant pas la nécessité d'être sur un pied de guerre permanent et en pouvant au moins nous appuyer sur une stabilité des institutions et de quelques-unes des valeurs pérennes, et de ce pour quoi elles ont structuré le pays et son histoire.
La représentation, c'est un peu ça que ça implique, vous remettez les clefs, symboliquement, à une instance, incarnée par un personnage pour un certain laps de temps afin qu'il agisse et décide au nom du bien collectif, c'est à dire aussi au nom de votre bien individuel.
Ça marche, plus ou mois bien, normalement, puisque c'est évidemment une fiction mais c'est la fiction de la démocratie représentative et on a longtemps cru que c'était la plus respectueuse de l'écologie sociale et du respect apriori de chacun des membres d'une entité abstraite : la nation, le pays, le peuple, etc.
Que la forme constitutionnelle française, créée dans un contexte historique spécifique et légitimant cette posture représentative, ses droits et ses devoirs, puisse vieillir et se craqueler au contact des évènements endo et exogènes, c'est une évidence. Son schéma s'est usé au contact des personnes, des individus qui l'ont palpé et interprété, et jugulé et détourné en prenant le pouvoir, sachant qu'elle est supposée avant tout être un rempart contre ce même pouvoir qui n'est au fond que la manifestation de ses abus lorsqu'il n'est pas contré, contrôlé "en toute honnêteté".
Il va de soi que c'est bien avec un substrat de valeurs morales que ce pacte s'exerce. L'honnêteté, la probité, la capacité à "en savoir " assez pour prendre des décisions éclairées et tournées vers le long terme, autrement dit cette représentation est dans l'obligation pour prendre corps d'exercer la justice en étant présumée juste, d'exercer l'éducation en se fixant comme horizon le devenir des futurs "citoyens" qui lui sont confiés dans la perspective d'une collectivité et non d'une sorte de devenir personnel sans bords ni cadre imaginaire commun, de prendre soin de la santé de tous sans qu'on en vienne à la soupçonner de vouloir nous anéantir etc.
Les divers représentants élus en tant que "chefs de l'état" lors des dernières décennies, ont navigué dans le système constitutionnel et la logique partisane tant bien que mal, étant plus ou moins contrés, attaqués mais ils n'ont encore jamais miné leur fonction comme lieu d'autorité a priori et comme entité symbolique de représentation du peuple qui les avait élus.
Ce que le dernier en date a attaqué lui, pour diverses raisons, c'est la teneur de ce lien de confiance supposé premier qui ne peut pas se concevoir si s'éveille le fantasme que ce qui l'habite est tout sauf une représentation du peuple qui l'a élu et que l'idée même du bien commun qu'il serait en devoir de défendre, entretenir, peut aisément, en se frottant aux faits, se transformer en fantasme de destruction de ce et ceux qu'il est sensé représenter, à la fois sur la scène intérieure et extérieure.
Les si nombreuses, quotidiennes presque, manifestations de ce qui se nomme "barbarie", et leur niveau de violence gratuite incompréhensible, peuvent se lire à cet éclairage que sa fonction ayant été minée et ne laissant en sa place que des décombres et une forme bien repérable de délire, le peuple en question est sans tête, au sens propre du terme, c'est à dire sans garant, sans garantie, sans bornes, livré aux spasmes des pulsions, des passages à l'acte qui n'ont pas, plus besoin même de se justifier par un gain, un bénéfice autre que leur effectuation.
Un pays sans tête, ou avec, ce qui est pareil et peut-être pire, une tête folle.
L'appareil symbolique qui tient ensemble le pays est devenu une sorte de marécage, de sables mouvants, où chacun, privé de la possibilité d'un recours face à la folie pourtant perceptible, d'une loi qui puisse s'exercer et à qui il puisse faire confiance apriori, d'un lieu du soin qui puisse effectivement le soigner et non chercher à le faire disparaître, d'un lieu de l'apprentissage où l'apprentissage soit la colonne vertébrale et non l'obsession catégorisante, erre, uniquement nanti de sa propre résistance et de ses capacités d'entendement, et seul, avant tout seul même si il cherche à s'imaginer faire partie des métastases idéologiques que l'état décapité a laissé proliférer.
Une des régles, un des fondements de ce qu'on continue de rêver comme une démocratie, c'est bien, au regard d'autres systèmes sociopolitiques, cette sorte d'intime conviction que ceux qui sont élus le sont pour votre bien, pour votre protection, en dépit de vos origines, de votre niveau économique. C'est un leurre, une fantaisie qui évidemment ne résiste pas à l'épreuve des faits mais c'est bel et bien le mythe sur lequel l'Occident s'appuie depuis plusieurs siècles afin de pouvoir idéaliser son modèle comme seul modèle possible et acceptable. C'est un conte, une afabulation mais c'est elle qui permet à une partie du monde de brandir la muleta du progrès en lui donnant une forme humaine.
Ce qui a décomposé ce mythe jusqu'à égarer tant de compatriotes ; immigration, Europe, mondialisation, progressisme à part, c'est à dire comme effets et non comme cause, c'est le fait que celui qui l'incarne depuis tant d'années n'a pas de "corps" au sens institutionnel mais seulement un corps d'enfant, au sens où il ne fait que s'autodéléguer, qu'il ne représente que lui-même et qu'il ne le sait pas parce qu'il est fou.
Il faut du temps pour que ceux qui l'observent de leur profondeur puissent s'apercevoir qu'ils n'existent pas alors qu'ils pensaient être représentés.
Ça les rend fou aussi, différemment mais fous aussi.
On peut même imaginer, en dehors de ses incohérences flagrantes et de sa mégalomanie un peu idiote, que le spectacle incestueux que cet individu a mis sous les yeux de son peuple, spectacle, qui comme toutes ses paroles est produit avec le présupposé que ce même peuple ne "s'apercevra de rien", a contribué à complètement enflammer une partie mâle, adolescente ou jeune adulte de la nation, ceux qu'il nomme "ses frères" et qu'il aime tant à tripoter, population sans mental, sans but, sans idéal, mue par des codes de meute et qui erre sans tête, elle aussi, en ayant grandi dans un enfer où ce qui fait autorité s'est ou bien absenté, pris de culpabilité, ou assimilé à un simple exercice de la force et de la répression, où la parole n'est qu'un artifice médiatique, où l'impuissance et le mensonge sont érigés en mode de gouvernance et où l'exercice du pouvoir se limite à tenter d'exercer une séduction sur tous tout le temps et à avoir besoin régulièrement de se faire humilier par tous, tout le temps.EG