9.21.2024

Pure-Victime

Avant moi dans la file d'attente du pressing, il y avait un grand homme, comme on dit "bien de sa personne". Nos regards se sont échangés, c'est comme ça quand on attend. Et voilà, je n'ai pu m'empêcher de me demander si, "lui aussi" aurait pu en faire partie.
C'est ici qu'on en est, au passage, qui s'estompera inévitablement mais qui est apparu pour la première fois dans mon esprit, d'une situation apaisée, normale disons, où aucun fantasme de prédation n'intervient, et dieu sait que je n'ai jamais eu peur des hommes "en général", à une saloperie de méfiance potentielle a priori sur ce que "les hommes" n'auraient jamais en commun avec moi.

Ce qui peut caractériser la masse, c'est la condensation de ses positions autour d'une voix majeure, celle qui "relate" et qui donne le grain à moudre de la "vérité" aux foules qui n'ont alors plus qu'à s'épancher librement et à donner libre cours à tout ce que l'humain  peut trouver de confort dans la contemplation désespérée de ses failles, dans l'agglomération de ses vices et de ses envies amères se réverbérant dans les exactions et les errements de l'autre.
 
C'est un monde dans lequel chacun de nous erre depuis l'omniprésence-potence des commentateurs d'actualité "enchaînés" par goût et par obligation carriériste à des rhétoriques qui n'ont de chance d'évoluer qu'à être recouvertes quotidiennement par ce qui les alimente de nouveauté dans l'infâme mais qui ne sont jamais le lieu de la vitale contradiction, de l'énergisant argumentaire sur les plis sombres pourtant bien connus de la réalité. 
Cette voix de masse piétine ces plis, jusqu'à, dans un élan de bienséance révolutionnaire des mœurs, les rendre invisibles, surtout jamais évocables en tant que zones d'ombre évidemment présentes dans tout tableau,  au prix du déroulement de la justice, du culte sans frein du prosélytisme du Bien unique et d'une jouissance à peine cachée à pouvoir faire partie de la curée avant que tout verdict ne soit même énoncé.
Cette masse devenue juge et partie, nettement séparée à chaque nouvelle cause en deux blocs qui quelle que soit leur appelation : réaction/progression/gauche/ droite/conservation/libéralité, toutes désuètes  et attestant de la singulière misère du champ sémantique contemporain devenu incapable de se nommer sans avoir recours à des catégorisations propres à l'histoire qu'elle condamne, tourne sans fin autour des deux pôles d'attraction du châtiment rédempteur et du bourreau, glanant dans sa pitance les quelques éléments saumâtres qui vont alimenter son courroux et surtout, ne revenant jamais sur les lieux de son crime pour simplement admettre, se dire à voix basse à elle-même qu'elle s'est mis une fois de plus le doigt dans l’œil.
On pense évidemment à tous les croisés réducteurs de tête du vaccin, à tous les défenseurs inconditionnels des blessures de l'Ukraine, à tous les haïsseurs-par-principe de Trump, aux adorateurs de la révolution transhumaniste taisant son nom dans les grandes fêtes décadentes du régime etc. après tout, qui sait toutes ces passions peut-être incarnées dans les mêmes personnes avec leur particularité de ne jamais pouvoir simplement s'asseoir et se demander où les pousse leur ferveur vengeresse.
On a un exemple une nouvelle fois de cette unanimité beuglante avec le procès de QVS* qui étale sa présence à cours de page, jour après jour et dont quelques journaleux licenciés, spécialisés dans Le Droit donnent de brefs témoignages à chaque sortie d'audience.
L'horrible impression que TOUS les jeux sont faits, que la vérité est là, non cachée dans l'enclos de la salle d'audience, mais dans chaque soupir de consternation, dans chaque grognement de révolte scandalisé et d'appel au rétablissement de la peine de mort, et que l'appareil de la justice n'a en fait rien à dire de mieux, de plus, n'a plus d'espace consacré à un souffle... polémique.
Les avocats de la défense conspués, comme déniés de leur raison d'être elle-même et retenus de n'utiliser comme  arguments contradictoires que les diatribes admises par la partie (civile) victimaire.
Un détail important pourtant est l'étrange constat que tous ces commentateurs présents durant les heures des audiences relatent absolument tous la même chose, au mot près, que les passe-plats eux aussi sautent sur ce qui brille, ovationnés par les néoféministes en rut qui trouvent là du pain béni pour justifier une castration générale de toute la population mâle du Vaucluse et, si ça milite bien, de la France entière.  Un procès qui fera date, une révolution de l'appareil judiciaire.
Où la victime est absolument pure,  pas "victime pure" au sens où elle serait "sans péché" mais pure-victime au sens chimique du terme, constituée du seul atome de pureté sémantique : victime, entièrement lisible, victime point-barre c'est à dire ne pouvant, de sa place de martyre, ne dire QUE la vérité et ce d'autant plus que dans ces seuls commentaires auxquels la masse peut avoir accès, jamais aucune réponse encore n'est vraiment donnée aux questions qui fâchent et qui pourraient enclencher un processus de germination du doute, ne sont mentionnées.
Questions qui fâchent comme :  
Donc, ces "drogues" utilisées pour rendre la "victime" inconsciente, comme dans une anesthésie et incapable de se rappeler de quoi que ce soit, quelles étaient-elles ? Du Témesta ? On entend du Témesta, bien. Mais le témesta doit être administré à quel dosage pour provoquer une perte totale de conscience et une complète amnésie ce pendant tant d'années ?
Et qui prescrivait au violeur.voyeur en chef les ordonnances parce que pour obtenir un tel résultat, on imagine qu'il a dû souvent resaler abondamment la soupe  de ses crises d'anxiété dans le cabinet de son médecin de famille.
Donc, alors cette pure-victime s'est retrouvée tant de fois à se réveiller sur un lit où ailleurs à poil sans se demander ce qui avait pu se passer entre le moment où elle buvait son jus d'orange et cet éveil ? Ce pendant dix ans ?
Cette pure-victime se trouve diagnostiquée avec une MST sans qu'elle se demande  qui a pu la lui transmettre ?
Cette pure-victime présente des symptômes de perte de mémoire et divers troubles associés sans pouvoir faire le lien avec ce qu'elle ingurgite ?
Cette pure-victime s'éveille avec le vagin en feu, sûrement des traces et des odeurs de sperme sans jamais se demander d'où diantre elles peuvent venir ?
Cette pure-victime, décrite par tous comme "courageuse", courageuse de quoi on l'ignore puisque seule la démarche et l'enquête de la police ont pu mettre fin à cette persécution du patriarcat et dans la mesure où ce qui lui est donné pour ce courage est une notoriété sans tache à l'international, une visibilité dont jamais elle n'aurait imaginé qu'elle lui serait accordée avec une telle générosité par tout l'appareil médiatique et une totale impunité quant à ce qu'elle pouvait ou peut avoir à jouer dans toute l'affaire de ce que le masochisme tend à lier celui qu'il enchaîne à son script.
Cette pure-victime insiste pour que des vidéos immondes soient visibles par le public haletant, pour que chacune d'entre elles soit accessible à tous,  tout ceci au nom non d'une secrète nécessité exhibitionniste mais de l'amour de la vérité et "pour faire un exemple"?  
Toutes les mentions de ce qui concernerait cette pure-victime comme assez peu pure sont immédiatement rejetées. Même si les traces de sa participation allègre à des libations somme toute assez dionysiaques  sont visibles par tous, elles ne comptent pas.
Nous sommes dans l'absolutisme néoféministe pour qui la femme n'est QUE victime : érigée comme victime, adulée comme victime, révérée comme victime, visibilisée par monts et par vaux comme victime, dans toutes les productions du marché de la cul-ture, comme si les bénéfices secondaires, les affres de la répétition, la perversité et la manipulation n'étaient jamais, jamais, jamais des qualités qu'on puisse trouver dans les cales sombres de la gente féminine.

Il va de soi que ces remarques ne dédouanent absolument pas les pénétrateurs, chacun pour des raisons qui lui sont propres, chacun mu par des motifs qui sont à éclairer DANS le contexte des audiences. Pas au fil des commentaires des justiciers amateurs baveux.
Nous sommes dans un procès, évidemment de par le nombre d'accusés, unique, mais après tout dix ans de pratique du jeu du viol de cadavre c'est long avant de mettre au jour l'horreur.  
Mais si ce procès se voit totalement interdire toute hypothèse sur le fonctionnement du couple en tant que paire-vers et si seul l'époux, bien malade tout de même, est reconnu comme prédateur sans qu'à un seul moment la dimension pathologique de l'épouse, bien grimée dans son succès planétaire sous les accoutrements sacrificiels tant prisés de nos jours ne s'autorise à même être envisagée, c'est que nous avons dépassé l'ère judiciaire, avec le temps nécessaire, l'écoute, la polémique, le droit de chacun à ne pas être condamné avant d'être jugé, la relativisation de tout savoir impératif sur les choses humaines.
Ce qui se montre dans cette curée médiatique c'est à quel point la présence de l'inconscient  et son immense logique absurde, à être déniés, refoulés dans les fosses septiques du biocognitivisme resurgit sous forme d'absolutisme, libérant la violence pulsionnelle de tous et de chacun, son droit au lynchage qu'il pratique comme ayant-droit avec une totale bonne foi face à ce qui se joue de lui-même derrière ses hurlements de mise à mort.
Ce qu'on se dit c'est que : "Ça finit toujours par se savoir."
Donc, on attend.
 
*Qui Vous Savez






 

9.03.2024

A mes amies hommes.

 

Jeanne Friot. 

Ses vêtements originaux, «non genrés et écoresponsables , s’arrachent nous dit  Le Figaro culture.

 

Ce qui sépare  peut-être les générations dans leur crédit accordé aux spasmes de l'air du temps, c'est la capacité, encore vaillante pour les vieux, à détecter des contradictions foncières dans le filet idéologique du progressisme.

Il n'y a plus de "de deux choses l'une" possible puisque des caractéristiques, disons, militantes peuvent cohabiter au sein de cette même idéologie tout en exhibant une incompatibilité  foncière : nous avons donc, quelque part dans la "sphère" progressiste, des hommes qui, tout pénétrés de la catéchèse genriste, s'obstinent à démontrer l'erreur que leur corps a commis en leur offrant une jolie bite et ses accessoires, et cherchent avec passion à réparer les facéties de la "nature" en la parant de tous les attributs classiques de ce qu'on a encore coutume de considérer comme " féminin", maquillage, ongles, robes strass, tout le pataquès supposé faire comme si et suffire à prouver ( à qui ?) comme ils ont tout compris à ce qu'est " la" femme. Jusqu'à affirmer mériter cette appellation plus que celles, les fainéantes, qui n'ont jamais eu à se défoncer aux hormones ni à s'écraser les parties génitales pour qu'on parle d'elles en  disant "elle ". On doit tout de même s'interroger sur cette obsession du travestissement, de la dorure poussée jusqu'à la caricature qui serait le seul moyen de montrer cette sus-dite féminité pourtant décrite dans le bréviaire comme une évidence "ressentie" mais sans cesse à prouver avec parfois des moyens plus adaptés à la boucherie qu'à l'accès à la grâce.

Là donc, il faut montrer, se montrer, se démontrer, se revendiquer, se sentir blessé lorsque les effets de nibards tombent à l'eau ou sont "misgenrés" par le pompiste, en s’accoutrant de tous les gadgets prisés par les femmes ou du moins par les fantasmes les déshabillant.

Pour être un transgenre, sortir, jusqu'à l'absurde, la panoplie absolument genrée.

Mais, dans le même temps, contradiction de tout ce fatras oblige, ce qui est requis par la gentry parisienne pour ouvrir sa carrière au monde de la mode, c'est de créer des vêtements où cet abus de falbalas réservé aux filles soit liquidé comme sexiste et mal venu pour l'inclusion, au profit d'une vêture qui ne montre rien de ce qu'on attend pour savoir à quoi on s'identifie pour le moment. Vêture ainsi supposée  non genrée  qui va au fond, même si personne ne le remarque plus, ayant évacué toute ses capacités de mémoire,  tout bonnement être stylée aux grands classiques de ce qu'offre la mode vestimentaire d'essentiellement mâle dans la vague maintenant ancienne et toujours égale à elle-même dans la morosité esthétique et l'uniformité du "casual" importé d'Amérique.

On ne sort plus des vagues de la propagande et du prosélytisme queer qui ont été les marques de fabrique des "Jeux"  , parce que cette marque doit s'imposer coûte que coûte, là au sens premier  et métaphorique du terme, à toute la masse de ceux qui s'obstinent à savoir qu'il n'y a que deux choix, et qu'après c'est juste une affaire de décor.

 

 

8.18.2024

La civilité comme rempart.

La civilité comme rempart



On a croisé, en faisant la promenade quotidienne avec la chienne, un groupe de "squadeurs" en train de se préparer, tous en noir, leurs engins rutilants noirs également, la femme très impliquée au téléphone. La route où ils étaient garés ne voit passer presque personne, elle sépare les deux parties d'une grand ferme et à part les chiens qui montent la garde, ne montre que très peu de signes d'activité.
Les usages, ici, et c'est un des raisons pour lesquelles on a choisi de vivre "à la campagne", sont de toujours saluer les individus que l'on croise. De faire un signe de remerciement quand ils ralentissent et donc de pratiquer dans la vie quotidienne les multiples codes d'accès à la civilité.
On a marché parmi eux donc sur une dizaine de mètres et pas un seul d'entre eux n'a pris la peine de hocher la tête, de murmurer bonjour ou d'émettre le moindre signe qui aurait montré que ma présence avait été prise en compte. Ils étaient tous dans le déroulement d'un scénario de monstration de statut, centrés sur l'image qu'ils étaient supposés donner et, sur une telle scène, principalement inoculée à l'appartenance, pas d'autre, rien que soi mais avec le regard de l'autre comme fuel, ce avec d'autant plus d'innocence qu'en tant que citadins ils ont complètement perdus les codes de cette civilité au quotidien, comme les chiots qui ne fréquentant pas leurs pairs suffisamment finissent par perdre les usages pacificateurs des signes physiques de rapprochements.
L'homo-socius pourrait donc se passer de ces signes ?
A quoi sert donc la très courte bible de la civilité sinon à mettre entre chacun l'espace vital qui est nécessaire aux deux parties et donc à le pacifier ?
Il s'agit uniquement des prises en compte, très primitives, très réactives sur le plan neurologique de la réalité de l'autre et du fait que lui dire d'une manière ou d'une autre "bonjour" est une façon de s'accorder et de lui accorder la sécurité sur un territoire accepté comme partagé. C'est, autrement dit, un gage tacite de non agression.
C'est aussi un des liants qui organise la trame sociale, c'est à dire l'indispensable capacité politique de toute société à se créer elle-même en dépassant pour le bien de chacun ce que Hobbes accordait comme pouvoir fondateur à "l'état de nature".
Il va de soi que l'usage de ces codes n'a aucun effet sur le territoire plus obscur de ce qu'on peut qualifier de "passions" mais c'est un moyen de mettre celles-ci pour un temps en arrière-plan, de ne pas leur accorder la part dynamique et génératrice d'actions qui leur incombe, c'est à dire l'érection de l'"Individu" comme créature absolument isolée et maîtresse imaginaire en tout.
Le champ de la société civile, en temps de paix évidemment, est celui de cet usage de la civilité non pas comme marque d'un quelconque "sens moral" ou d'une bonne ou mauvaise éducation mais comme conscience d'une égalité des pouvoirs en acte, et nécessairement comme relégation et neutralisation des "états de nature" qui promeuvent l'autre comme ennemi et meurtrier ou victime nécessaire.
On peut peut-être émettre l'hypothèse que cet état citadin de tension quasiment permanente est le fruit d'un délabrement de l'usage de tous ces signes de civilité qui émaillent les côtoiements de la vie quotidienne afin de mettre en les liant momentanément sur un territoire de reconnaissance commune, assez paradoxalement, chacun à la bonne distance de l'autre.
Sans ces signes, comme on l'évoquait plus haut chez les chiens, la première attitude est celle de la protection contre la mise en danger, ou de soi ou de l'autre, c'est à dire le mélange, la fusion dans la haine fondatrice qui n'est pas un "mauvais" sentiment mais une émission naturelle de ce qui supporte la protection de territoire.
Le pouvoir politique est ce qui se crée artificiellement au-delà de l'état de nature et la seule voie vers la neutralité. L'exercice de la civilité en est la version dans la pratique de la vie sociale, non comme un facteur évident ou inné mais comme ce qui se construit à partir de l'égalité de chacun face à la capacité de détruire l'autre.
A cet égard, quelques questions peuvent se poser qui tendraient à chercher le lien entre l'usage de cette civilité ou son actuel défaut et ce qui reste du domaine de la vie politique.
Est-ce envisageable de s'attribuer à titre individuel et sous couvert de "démocratie" des prérogatives de bon choix politique, au sens de choix partisans mais qui se veulent manifestation d'un hypothétique "bien commun" démontrant le bien-fondé éthique de ces options de vote et d'être simultanément dans une forme d'autisme atticiste quand se met en œuvre ce qui doit quotidiennement neutraliser le naturel penchant à la protection-destruction de l'autre.
Peut-on donc croire pouvoir inclure le terme de "haine" dans le registre du corps politique alors que ce dernier se crée comme artifice au titre d'une neutralisation du champ de l'état de nature ?
Une des impasses dans lesquelles nous sommes est peut-être celle d'un système de représentations où les comportements de la vie quotidienne sont par l'absence des marqueurs de la civilité soumis à cette forme de régression à l'état de nature où chacun est un loup pour chacun, ayant séparé les constituants de la société civile des prérogatives de l'état, c'est à dire ayant délégué à ce dernier la mission de représenter seul cet espace de neutralité nécessairement codifié mais qui ne se situe que dans les usages partagés de la civilité. EG


* Les quelques remarques ci-dessus se réfèrent principalement à l'analyse de la vie politique et de la société civile de Hobbes.

8.10.2024

Un beau projet pour tous

 

 Le brouillard et la confusion actuels, uniquement percés de cris et de parti-pris aussi passionnés qu'irrationnels pour des "causes" dont chacun se sent partie prenante comme si sa vie en dépendait sans vraiment savoir pour quoi ni comment elles lui semblent si vitales, nécessitent de lier des éléments qui semblent disparates et qui ne peuvent trouver une cohérence qu'au prix d'un travail SOUTERRAIN, c'est à dire consacré à l'enlèvement des scories médiatiques afin de leur découvrir une logique, et partant, de tenter de concevoir le "projet" qui met chacun face à des prises de position dont la plupart du temps, il ignore absolument qu'elles lui sont imposées par de merveilleusement efficaces outils de construction de la réalité, des discours, des valeurs et de génération de catégories morales infranchissables, imperméables et définitives, même au prix d'un solide essai de contre-offensive logique.
Les huées et contre-huées face au "blasphème" de la cérémonie d'ouverture, celles faisant face à l'injustice pourtant crevant les yeux de l'impunité dans les sports de combats, le choix d'inclure les épreuves de break dance au détriment du karaté, la création d'espaces exclusivement réservés à l'inclusivité toute cette débauche de signes sont à prendre comme des messages ostensibles de prise de pouvoir idéologique" prédéterminés, calculés et légitimés par la qualification de toutes les réactions dubitatives ou choquées comme des traces "conservatrices, fascistes, réacs," etc. c'est à dire comme la relégation de toute question sur la nature de ce même projet au regard de ce qu'on peut encore qualifier de "bon sens", d'indépendance ou de liberté d'esprit ou simplement de réticence obstinée à se faire entuber.
Le patron des patrons de la Commission olympique, Thomas Bach est un pilier de Davos, dont la stratégie, à l'égard de TOUS les aspects de sa religion postmoderne à disséminer à la surface de toute la planète, est d’infiltrer, de financer, de saborder, de miner, de dénigrer, de censurer toutes les institutions, de faire éclater tous les repères, toutes les catégories ontologiques, toutes les évidences afin de recréer sur des bases de "page blanche" technologico-biologique et d'humanité améliorable à l'infini, les rapports de l'espèce humaine avec elle-même en lui imposant un modèle de futur "durable" qui justifie toutes les aberrations possibles et les manipulations morbides, tous les paralogismes, les mensonges éhontés, la mauvaise foi érigée en modèle de foi tout court, tout cela à coup de fonds gigantesques. Sa seule contre-offensive face aux récalcitrants étant d'enterrer sous l'invisibilité ou l'opprobre sociale TOUTE manifestation de doute, d'opposition face aux diktats moraux de la Quatrième révolution et aux soubassements de la mondialisation et de la gouvernance globale.
Dans cette dernière épopée, le choix des thèmes, de leurs formes, des partis-pris sémantiques et des termes standards des catéchèses doctrinales, les règles adaptées au coup par coup afin de rendre les participations ostensiblement injustes plus justes, les choix des pays conviés ou bannis ont tous été faits sous l'égide discrète d'un même carcan mondialiste qui a trouvé au sein de la liquéfaction critique et réflexive de ses sbires, et au sein des postures des masses progressistes toutes inoculées au vaccin de l'éveil, les traces d'un résultat enfin perceptible de ses manoeuvres incessantes et insatiables. Toutes évidemment afin de créer les conditions de "la reconstruction de la gouvernance globale afin qu’elle puisse maîtriser les défis de l’avenir"*

* Pacte pour le futur" Septembre 2024 Office des Nations unies. ((Traduction à venir)

7.30.2024

Le petit conte amiénois Quinzième partie

Petit conte amiénois
Quinzième partie

"De quoi ?"
Le petit Emmanuel en était devenu tout vibrant d'exaspération.
"De quoi ?"
Ses conseillers lui avaient distillé les nouvelles une à une à voix basse et sincèrement, il n'en croyait rien.
"De quoi ?"
Pourtant si, pourtant si, ça n'avait pas vraiment plu à la surface du globe.
Et de lui fournir quantité de brochures, d'extraits de podcasts en Birman, en Cornique, en Basque, des quantités de gros titres, venus de divers angles du monde, Asie, Afrique et tout le tremblement qui montraient, puisque c'était nécessaire, que l'ensemble de la planète était plutôt refroidi par ce qu'il avait anticipé comme le spectacle le plus incontestablement parisien, le plus foutrement innovant de tous les spectacles depuis le début des temps.
Il en connaissait toutes les étapes par cœur, ayant lui même planché sur chacun des thèmes, chacune des interventions et non, vraiment il ne voyait pas ce qui pouvait les défriser là-dedans.
C'était novateur, novateur et novateur.
C'était complètement inclusif.
De toute façon, qu'ils se la mettent tous où ils voulaient, c'était ces gabegies de travestissement qui l'excitaient et il avait bien précisé au petit factotum que rien de la norme si ennuyeuse et de l'histoire si hétéronormée de ce pays dont il ne se souvenait plus du nom qui avaient été en vigueur depuis beaucoup trop longtemps ne devait être perceptible.
Le petit Emmanuel en faisait une affaire personnelle, comme tout ce qu'il décidait jour après jour, et il avait décidé de transformer cette cérémonie, un peu coûteuse, il en convenait, mais on a rien sans rien, en hommage à sa tutrice bien-aimée.
Le petit Emmanuel ne voyait jamais au-delà de la sphère révolutionnaire du changement, sphère somme toute assez restreinte, de ceux qu'il avait choisi et dans les banquets et les festivités quasi quotidiennes qu'il organisait avec sa tutrice au Palais, il ne s'enquérait jamais des avis des invités.
Quelle fût donc sa surprise lorsqu'il appris que ça n'allait pas fort partout ailleurs et que les prouesses de ses artistes anémiés payés les yeux de la tête et plus n'étaient certes pas du goût de tout le monde.
"De quoi ?"
Cette sorte de retour de manivelle n'avait pas du tout été anticipé et il avait beau savoir que ses lampistes lui arrangeraient une bonne pirouette pour le sortir de là, c'était rageant, rageant et rageant de voir à quel point il était une fois de plus méconnu, mal compris, dénigré par toute cette population conservatrice qui le huait et se rebiffait contre la délicatesse pourtant évidente de son bon goût et de ses choix esthétiques et prosélytiques.
"Je sais comment traiter les majorités, qu'ils ne l'oublient jamais, j'ai fait mes preuves et ma tatie teutonne prépare pour la rentrée un bel outil d'enfermement des récalcitrants qui sera pour l'ordre et la tolérance une avancée fulgurante"
Il enrageait, il bavait légèrement d'amertume, il allait encore falloir s'excuser, il allait encore falloir s'adresser à son peuple pour éduquer, et encore éduquer à ce tournant anthropologique majeur qui mettrait uniquement des eunuques et des invertis bien montés à la tête de tous les projets culturels pour le reste du millénaire.
"Je vais réécrire la constitution, tu vas voir ma tutrice !"
Sa tutrice, lorsqu'il lui déploya un à un les changements radicaux qui se préparaient, se sentit toute chose et lui demanda si il avait prévu d'y adjoindre les figures de la répression pour les lents et les insubordonnés de tous bords.
"Ils ne sont pas de tous bords, Tutrice, ils sont tous d'extrême-droite et je suis depuis quelques heures centre-gauche."
"Oui, bien sûr mais as-tu pensé à rafraîchir la mémoire de la réaction et à lui suggérer ce qui lui pend au nez en conviant ce bel outil qui permit dans nos heures les plus performantes, de mettre toutes les têtes dans le même panier ?"
Et il fût ravi de cette généreuse idée, de ce rappel subtil des grandes heures de l'effroi, et il lui jura qu'il ne manquerait pas d'insister auprès du groupe de scouts progressistes en charge afin qu'ils intègrent l’esthétique et la perspective bienfaisante de la terreur dans leur prestation fédératrice atemporelle.




7.27.2024

Pour Alléger les jeux.

Pour alléger les jeux

On va imaginer ce qui a disparu derrière les feux aveuglants de la rampe : les cages et derrière leurs barreaux la vie des vrais gens qui continue, malgré tout.
Les vrais gens à qui au bout des affres de la société du spectacle on donne maintenant en pâture des jeux mais plus de pain.
Des gens à qui on dit qu'ils doivent rester patients et attendre en silence que leurs institutions pourrissent sur pied sous peine de rater le meilleur d'un triomphe international régulé par les mafias centralisées.
On va aussi imaginer que cette obscénité coûteuse et si idéologisée est tout à fait la cerise sur le gâteau du régime. Le choix fait d'une sorte de noyade dans la forme, sous-tendue par une volonté rééducative progressiste qui pose clairement le message d'une nouvelle ère et d'une nouvelle religion en se substituant avec tout le raffinement qui caractérise le culte woke aux référence culturelles traditionnelles et à leur immersion dans l'histoire.
Les Chrétiens et ceux qui ne le sont plus se disent scandalisés par cette caricature de la Cène, comme si le message était volontairement blasphématoire. mais tout comme la plupart des trans. ne donnent à voir que des artifices ridicules de ce qu'est pour eux la féminité, c'est à dire recluse à l'exhibition de quelques gadgets sans fond, cette "relecture" de la Cène est un simple outil, une toquade, un support rapidement lisible pour la démonstration forcée et abrutissante de la divine inclusivité.
On peut noter non sans un pincement de lèvres sardonique que le corps en place du "Prenez et mangez en tous" est celui d'une femme obèse. On pourrait développer la dimension quasi cynique du message, l'illusion d'un satanisme effectif, avec ses ruses, ses intelligences immaîtrisables mais il faut se replier sur des causes plus triviales où la finesse de la manipulation idéologique elle-même n'a pas de place. Ce message est donné sans arrière-pensée, il se contente d'appliquer les codes de "la" différence comme foi, tout comme n'importe quel conditionné pourrait appliquer des consignes affreuses sans y penser, c'est à dire avec toute l'ingénuité du croyant et sans la culture qui lui permettrait de rendre son choix plus dense, plus consistant.
Car, à part les innombrables effets de manche, les paillettes, les pets dans l'eau et leur coût exhorbitant, quelle est la prestation dans toute cette cour des miracles qui ait révélé un réel talent ?
L'exemple de la liquéfaction suprême est cette grande et poitrinaire chanteuse sans chant, toute revêtue d'or et copie conforme de ses soeurs nord-américaines mais incapable d'aligner deux mots à peu près cohérents et sans la moindre idée de la souffrance qu'elle inflige autour d'elle. L'autre est le prix démesuré de cette reprise de Piaf, qui montre qu'à part l'argent tout s'achète.
On est dans cette parade dans tout ce que l'Esprit de mode traîne en lui de structurellement sans structure, fait de vent et d'air du temps, et de contingent : Il s'agissait pour Paris, capitale un peu botoxée de la Mode, de mettre la barre du progressisme le plus haut possible en montrant ainsi qu'elle était, comme le veut l'imaginaire de son auto-promotion séculaire, un élève zélé du totalitarisme woke et un élève sans tabous, première dans la mise en pratique des concepts intégratifs tout-puissants.
Autre témoignage de notre aliénation nationale, même si cette "nation" a montré maintenant à plusieurs reprises qu'elle n'était pas ou plus le simple miroir déformant de l'élite consanguine parisienne et de sa furie à n'être faite, corps et âme, que de la rage d'être à jour sur le cahier des charges de la tendance devenue raison d'être et essence de chacun.
On peut supposer, avec tous les indices que donnent cette prestation à lire et leur complet refoulement de la réalité ghettoïsée et sordide des coulisses, que le témoignage de cette Nouvelle France imaginée par les progressistes avec ses fantasmes obsédants d'inclusivité révèle simplement la complète aliénation de cette même nation et de ceux qui sont supposés la gouverner à l'idéologie totalitaire progressiste anglo-saxonne, comme si, pour être au sommet de la vague les choix idéologiques, militants, prosélytes faits, parés des strass coûteux et des effets de style, ne pouvaient qu'être ceux-là, comme si le seul message envisageable pour se maintenir partie prenante de cet Occident malade ne pouvait qu'être cette caricature au propylène, comme si la créativité de l'artiste mandaté organisateur ne pouvait aller respirer ailleurs que dans les champs labourés quotidiennement de la propagande globaliste et de sa révolution anthropologique attendue.
On retrouve une nouvelle fois cette impasse contemporaine d'un discours si tenacement imposé que plus rien d'une expression personnelle ne peut s'en extraire, même phénomène de limites imposées d'inspiration et de clôture que dans les plaintes modélisées sans cesse renouvelées des néoféministes qui ne décrivent la femme qu'à travers elles.

La réalité de la misère laissée en pâture aux vrais gens, qui étaient supposés souhaiter eux-aussi faire la fête, accueillir le monde, partager dans l’insouciance quelques moments avec lui et qui ont été interdits de séjour dans leur propre demeure et réduits à survivre dans un zoo est une parfaite métaphore de ce que ce système et cette ère politique incarnée, au bout de son rouleau, par le président exhibent depuis des années : une vitrine sans personne attendu pour la contempler. Des défilés du 14 juillet sans public, des jeux sans public qui ne sont plus que la mise en scène d'une paranoïa du pouvoir ayant réussi enfin à gouverner le peuple en le rendant superflu et l'éliminant complètement de la scène.
La pression progressiste est telle que parmi ceux qui se veulent être partie-prenante du mouvement sous peine de perdre quelque chose comme leur visibilité moralo-politique et d'être basculés dans le camp du mal et l'obsolescence idéologique, ceux qui souhaitent croire qu'il y a un bon sens à l'histoire et qu'évidemment ils sont portés par lui, plus personne ne peut faire autre chose que d'applaudir au nom de son immersion dans la soupe néocapitaliste du progrès, dans les phtalates du changement, sans pouvoir même prendre le temps de respirer parce que c'est fait, ils n'ont plus aucune autre référence, esthétique, culturelle, politique à se mettre sous la dent et qu'ils ont été inoculés tant et tant à la médiocrité réflexive et à la pouffiasserie comme piliers de leurs existences, médiocrité réflexive et pouffiasserie qui nous amènent, tout de même,
que ceci reste entre nous, en se limitant à la France mais le phénomène est assez internationalement observable, à croire que Zemmour est un intellectuel cultivé, que BHL est un philosophe et à avoir fait d'un pantin comme Hanouna une sorte de martyr post-moderne, que leur seule protection contre la vassalité de leur âme et son formatage est la désignation du "réactionnaire"et du "fasciste", c'est à dire, simplement, celui qui sait que la république sans vertu est une dépouille*, qui a douloureusement compris que ceux qui sont supposés le protéger sont tous enfouis dans la corruption et la pléonexie, que ceux qui sont supposés le soigner ne lui veulent aucun bien mais espèrent qu'il dégage la piste au plus vite, celui qui s'étonne encore de l'ampleur des mensonges érigés en discours officiels et surtout de la naïveté de ceux qui y croient aveuglément, preuves à l'appui, le même qui doute du bien-fondé pratique de l'écriture inclusive quant à l'avenir des femmes, qui maintient contre vents et marées qu'il n'y a que deux sexes et qu'on ne peut pas passer de l'un à l'autre sauf au cirque et qui pense que donner des bloqueurs de puberté à des enfants est tout simplement un crime. Entre autres thèmes de son inépuisable consternation quotidienne. EG
*Montesquieu

7.23.2024

Plaidoyer pour la réaction

 KIMBERLY ATKINS STOHR
Real Democratic unity requires more than words
If Vice President Kamala Harris is the nominee, Democrats must fight the torrent of misogynoir that she will face, rather than leaving that work for her and other Black women to do. ( Dans Unherd, 23/07/2024
 
Le travail, immense, tant les coups de boutoirs de la causalité victimaire ont été assénés sans répit depuis quelques années,  est à effectuer sous forme d'une rotation qui resituerait les causes et les conséquences en tant que porteuses d'objectivité et d'angles de complexité multiples et, qui sait, de recherche de vérité.
Cela implique évidemment du temps, c'est à dire la volonté d'aller chercher en-deçà des titres et donc des discours de ceux qui sont supposés avoir quelque chose à dire sur la "réalité" que nous n'aurions pas. Du temps, donc et la méticuleuse accumulation de mémoire quant à ce qui lie les évènements et les discours qui les aliènent les uns aux autres.
On a deux exemples de ce pliage herméneutique pervers dans des postures adoptées autour de faits importants de ces dernières semaines : Matt Walsh qui à propos de la tentative d'assassinat de Trump dénonce "les femmes" comme incompétentes pour assurer des postes clefs des renseignements et des services secrets, postes dédiés, comme par nature, aux hommes.
Et cette remarque ci-dessus qui ne peut attribuer les critiques à l'égard d'Harris qu'à des propos misogynes (et racistes).
 
Dans cette impasse dans laquelle les idéologies de la postmodernité nous ont plongés, comment est-il seulement possible d'envisager la moindre RÉPONSE à ce genre d'argument ?

La seule et unique chose qui n'est jamais interrogée dans ce mouroir intellectuel est celle des COMPÉTENCES des individus concernés, compétences qui évidemment n'ont rien à voir avec quelque critère génétique que ce soit. 
Et cette progressive élimination du travail comme seul critère d'excellence porte actuellement sur toute la scène élitiste dite "occidentale"ses fruits : fruits d'une dégénérescence des élites pourtant évidente à qui veut les voir et que les partis-pris progressistes affichés comme seuls éléments de justice et d'analyse envisageables ont conduit à mettre à des postes décisionnels clefs comme des pantins cup.stu.pides (on pense, entre autres nombreux exemples à certaine rectrice d'université américaine prestigieuse coupable de grossier plagiarisme, à tant de ministres ou de représentants politiques incultes que personne ne pense même à reconduire à la porte pour ignorance crasse etc.)
Si Harris peut et doit être contrée, ce n'est pas sur son sexe, ni sur sa "race"mais sur le fait qu'elle est, en plus de ses ambitions démesurées, de ses bassesses professionnelles et privées de toute évidence,  pour qui la suit depuis le début de son mandat ... évidemment, simplement, indubitablement stupide, complètement creuse intellectuellement et culturellement handicapée et que c'est pour cette raison-là même qu'elle a été choisie, tout comme son Président a été lui aussi couronné pour sa complète malléabilité et ce dans la douloureuse certitude que la posture partisane si sectaire et binaire des USA aménerait, pour ça comme pour toutes les manipulations précédentes, la masse à CROIRE ET NE PAS VOULOIR VOIR, si ce qui crève les yeux n'est pas conforme au choix partisan des Gentils progressistes dont elle doit faire partie sans en démordre, quelles que soient les preuves, quotidiennes, répétées, du mensonge médiatique et  institutionnel permanent qu'on lui engouffre dans les synapses.
Accuser "les femmes" d'incompétence "en général" pour certaines fonctions est du même acabit logico-pervers : c'est là aussi faire passer des critères génétiques, physiologiques AVANT les compétences ( et avant donc le travail et l'expérience qui précèdent leur acquisition).  
On peut voir dans ces deux types omniprésents d'approche les résidus en décomposition des logiques idéologiques post-modernes et du manque dialectique et donc de la capacité synthétique qu'elles ont châtrés.
 
C'est la même extorsion logique qui a amené le débat politique au niveau d'insignifiance et de violence du déni, de l'accusation projective et de l'injure, qui a permis à des fantasmes de toute-puissance manipulatrice des corps de s'ériger en dogmes religieux et de se présenter comme des évidences, avec les dégâts et la morbidité que l'on sait, en admonestant, condamnant, en bout de la chaîne discursive victimaire puis rayant de la carte socio-professionnelle et médiatique toute critique au nom d'un statut moral "réactionnaire" condamnable et surtout inaudible dans ses arguments.
Si on fait TOUT dire en terme d'espace réflexif, à des critères physiologiques, on peut effectivement leur faire TOUT dire de ce qu'on cherche à imposer comme façon de contrer "l'adversaire".
On se dit évidemment, jour après jour que la raison va revenir, la raison et les raisons de condamner tel ou telle pour son incurie quel que soit ce qu'il a entre les jambes ou quelle que soit son degré de racialisation supposé.
Parce que ces "choses" là, sexe, race, âge, n'ont aucune valeur argumentative EN SOI, contrairement à ce qu'on nous serine nuit et jour depuis quelques années, parce que ce qui fait la valeur d'un individu est avant tout ses capacités analytiques, anticipatrices, sa générosité intellectuelle et sa culture, son engagement réflexif et son travail, et que ces valeurs-là, associées si possible avec un peu d'humilité, de sens de l'honneur et de capacité autocritique n'ont ni sexe ni race. 
Ce qui "nous" manque, "nous" comme entité  dite occidentale, c'est bien, dans cette raréfaction catastrophique de l'intelligence collective, dans cette capacité mortifère à se laisser dire que penser dans une dynamique simplette de bon vs méchant qui nous a été inoculée depuis des décennies par les scénarios conditionnés de la nation exceptionnelle, dans ce paupérisme linguistique entretenu, dans cette nécessité à se dire soi-même nécessairementdu bon côté du manche en en n'ayant à se dire que comme "vulnérable", à clamer à longueur de vidéos ses misères systémiques  et son conte victimaire comme étant sa seule valeur affichable en tant qu'individu, dans cette réduction de soi à une bulle narcissique avec en son centre un corps trahi parce que devenu seule justification de soi au monde pour être en le faisant plaider à sa place pour des causes écrites par d'autres ailleurs, à substituer des cadres nosographiques omniprésents et comportementalistes à un authentique travail sur soi créatif, c'est à dire non cadré à l'avance par des QCM et des diagnostics radicaux desséchés, ce qui nous manque, donc, c'est un cadre politique qui soit autre chose qu'une mascarade, qu'une sorte de série TV interminable dans lesquelles "nous" sommes condamnés à n'être que des éponges, des animaux domestiques dressables, enfumables, manipulables à merci et qui n'apprennent jamais rien sur l'immense arnaque qui s'est faite règle du jeu globale.




7.20.2024

Petit conte aminéois Quatorzième partie

Petit conte amiénois
Quatorzième partie

C'était trop.
C'était insupportable !
C'était injuste, injuste, injuste !
"Je devais être le chef en chef du monde ! Ils me l'avaient promis si je démantelais tout proprement ! Je l'ai fait, je l'ai fait ! J'ai tout détruit, liquidé, j'ai ôté jusqu'à la dernière bouffée de conscience morale de leurs esprits vénaux et regarde le résultat ? On me demande de quitter la scène, de me faire oublier !"
Le Petit Emmanuel, caché dans le grenier de sa résidence d'été du Port de Briançon observait les diverses magouilles qui s'effectuaient en pleine lumière, magouilles dont jusqu'alors il était persuadé avoir l'exclusivité, une sorte de spécialité, de talent, de don inné pourrait-on dire !
Eh bien non, il voyait douloureusement la réalité de ce qui continuait de s'effectuer sans lui, en mieux en fait, comme si tout son labeur, toutes ses heures consacrées à maintenir le niveau de puanteur à un seuil stable de nuisance, un travail quotidien, exigeant une maîtrise de la duplicité parfaite n'avaient servi à rien.
Comme si il avait été le simple jouet d'une machine fonctionnant en autonomie et nourrissant les velléités de pouvoir et les prérogatives de tous les pourris, les véreux, les corrompus, les serviles sans même avoir besoin d'aucune figure de marque pour la guider dans la bonne direction.
Il en pleurait de désappointement !
"Regarde ma tutrice ! Regarde comme ils ne comprennent rien au système de la représentativité ! Regarde comme ils ne la prennent plus que comme une affaire de personnes, regarde comme ils ont installé un immonde esprit sectaire dans tous les couloirs de nos belles institutions, regarde ma tutrice comme ils ont vite appris à évacuer toute forme d'honneur et de dignité, toute intelligence du monde politique ! Je n'aurais pas fait mieux, tu le sais ! Je suis dépassé par cette pègre sans gratitude !"
Et il pleurait, et il pleurait.
Chaque nouvelle de sa capitale était pour son orgueil un nouveau choc à encaisser.
"Ils ont réélu cette affreuse qui me répond comme directrice des débats !"
Et c'était vrai, tous en chœur ils avaient reconduits ce qu'ils s'étaient fait un devoir d'éliminer à chacune de leur prise de parole sur la platitude des écrans mais ça n'avait plus d'importance.
Le coup le plus insupportable pour lui avait été la nomination pour l'éternité de sa tatie teutonne, nomination sur un programme sans surprise de destruction absolue et d'asservissement de tout ce qui dépassait.
On connait le goût pour l'ordre de ces gens d'Outre-Rhin !
Sa tutrice ne put s'empêcher de lui rafraîchir la mémoire : "Mais mon chéri ( Lorsqu'elle l'appelait "mon chéri", une sérieuse mise au point suivait généralement.) Mon chéri, tu sais pourtant comment ça marche, là-bas chez les Belgae, il suffit de leur offrir quelques places gratuites à Euro-Disney pour qu'ils vous mangent dans la main ! Tu sais aussi comme ta tatie teutonne excelle dans la distribution de pot-de-vin, tout ça ne devrait pas te surprendre !"
Le petit Emmanuel sentait bien que l'affaire européenne lui échappait, à lui qui avait tant misé et œuvré et prié pour en faire un immense pays unique et grandiose avec ses merveilleuses six-cent-vingt-quatre régions toutes diverses et incluses dirigées de main de maître par une équipe de technocrates augmentés.
Il enrageait, ayant tant espéré pouvoir créer cette armée genre napoléonienne mais en plus postmoderne !
Et surtout, surtout, en devenir le Chef, le Chef des armées de l'anéantissement !
Le regard perdu au loin sur l'horizon, il soupirait encore et encore, sa tutrice évidemment était un peu inquiète et avait pris la peine de contacter son homologue transatlantique pour obtenir quelques conseils : "Hello ! What's up?"
"Comment faites-vous pour le persuader de rester dans la course ?" lui demanda-t-elle.
"Mais la situation est totally different !" lui avait répondu, assez sèchement, son homologue transatlantique. "He is complètement sénile, il fait ce qu'on lui dit même si il ne sait pas ce qu'il fait !"
La tutrice raccrocha, dépitée par le manque d'empathie et par le niveau d'indifférence à la misère humaine du monde politique en général mais elle ne se découragea pas et approchant du petit Emmanuel encore perdu dans ses rêveries désabusées lui dit : "Écoute, reprends-toi, ce n'est pas ta première dépression isn't it? N'oublie-pas que tu as encore deux bonnes années pour faire n'importe quoi et tous les emmerder ! Allez mets ton joli blouson et ta casquette, sortons nous faire reluire, je t'offre une glace !"

7.12.2024

Petit conte amiénois Treizième partie

Petit conte amiénois
Treizième partie

"Est-ce qu'on m'a bien vu ? " demanda le petit Emmanuel à sa tutrice, à peine assis dans les sièges confortables de l'avion spécialement affrété pour le survol de l'océan Atlantique qui les ramenait au bercail.
Elle se contenta de lui sourire d'un air compatissant.
Sa prestation en effet l'avait en partie déçue, la vedette lui ayant très clairement été volée par son grand-oncle du Palatinat qui avait attiré à lui tous les regards par sa performance rhétorique exaltée.
Elle soupira, se demandant en silence si elle n'avait pas choisi le mauvais cheval, trop impulsif, trop nerveux, et si elle n'aurait pas été plus à sa place comme Première dame de la nation la plus exceptionnelle du monde. Le terme si poétique de "Première dame" lui-même lui arracha un léger geignement mais elle baissa la tête, remis en place du bout des doigts sa perruque et offrit un Kinder bueno au petit Emmanuel qui jouait à sa Nitando en poussant de petits cris d'excitation.
"Je hais la politique intérieure, lui dit-il la bouche pleine, je hais les constitutions, je hais les ministères, les assemblées, je hais la présidence de ce pays, je vais demander à en changer, je veux devenir Prince du Lichtenstein."
Les derniers temps, ce pays, dont il avait souvent du mal à se rappeler le nom, avait en effet été une source de grande amertume et il s'était résigné, avec l'appui de sa tutrice, à mettre sa main au feu.
"Je vais tous les faire sauter !" s' était-il écrié un matin en sortant de son lit.
"Je les hais, je les hais, je les hais !!!"
"Je vais les dissoudre, un par un, tous ensemble, je vais rebâtir un nouveau palais ailleurs, dans une contrée plus belle, plus riche, plus civilisée et qui parle anglais."
Tout le monde, animaux domestiques compris, s'était écrié à l'imposture face à cette décision prise si rapidement, si brutalement et dans laquelle personne ne voyait la moindre once de logique politique. Il les avait tous rassurés en leur disant qu'ils avaient tout leur temps mais qu'il y avait urgence.
En plongeant son regard bleu-nuit dans l'épaisseur des nuages, il pensait à tous ceux qu'il allait devoir retrouver une fois son palais regagné, il pensait aux interminables couloirs, aux heures d'inactivité qui le plongeaient dans un ennui profond dont il ne pouvait s'extraire qu'en usant de son tonifiant favori. Il pensait à la foule de ses ministres, à tous ceux qui tapaient aux portes avec leurs petits poings afin de prendre leurs places.
Il avait appris chaque détail des trahisons multiples qui touchaient les rangs déjà fragiles de sa coterie. Il avait trouvé tout ça extraordinaire d'intelligence tacticienne : "Je n'aurais pas fait mieux !"
" Bon débarras, je les garde donc tous !"
Il comparait cette meute à l'ordre digne et si impressionnant de ses vingt-neuf compères du Palatinat, avec leurs costumes si bien taillés, avec leur impassibilité, leur cynisme et leur détermination à en finir une fois pour toute avec le monde vivant. "Voilà, voilà, tutrice, ce sont des hommes, des vrais, se révoltait-il, as-tu vu comme le directeur du Palatinat est grand, élégant, comme il est compétent ? Je vais lui demander de me rejoindre au gouvernement et je le nommerai Ministre des anciens combattants"
Sa tutrice, le sentant à cran, n'osa pas le contredire en lui apprenant que ce ministère avait, comme tous les autres, été renommé, et elle se dit que, de toute façon, dans le contexte actuel, il serait de bon aloi de le renommer de nouveau.
"Comment hésiter, comment souhaiter revenir dans ce pays où tout a été détruit et où je n'ai plus rien à me mettre sous la dent question carrière, inaptitudes en tous genres et démagogie ?"

7.10.2024

PETIT CONTE AMIENOIS

 

21/09 / 2022

Le petit Emmanuel traverse l'espace et laisse derrière lui des ions libérés par la charge énergétique qui le tient debout vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Il ne sait pas que certains le craignent et commencent à trembler aussitôt que le son un peu nasillard, haut-perché de sa voix se fait entendre dans le dédale des salons.
Il le sait mais ne veut pas le savoir.
Quand il accepte de le savoir, un léger frisson lui parcourt l'échine.
Il ne veut pas savoir non plus que d'autres, aussi nombreux, sont consternés par ce qui est supposé être son perfectionnisme dans la spontanéité et qui, de disposition en décret, d'ordonnance en initiative, ne se révèle être que la démonstration d'une sorte de culte de la bévue.
Cela non plus, il ne veut pas le savoir.
Le petit Emmanuel avance dans la vie comme dans une aire de jeu, sous la surveillance débonnaire et patiente de sa tutrice qui ne manque jamais de lui offrir de nouveaux jouets lorsqu'il montre les moindres signes d'ennui.
Et il montre assez souvent des signes d'ennui.
Elle le connaît comme si elle l'avait fait et anticipe alors quelque scandale, quelque trahison, quelque prérogative suffisamment spectaculaire pour le réanimer et solliciter sa combativité naturelle, celle qu'elle a tout de suite appréciée les premiers temps de leur rencontre et que, depuis, elle nourrit inlassablement.
Le dernier cadeau qu'elle lui a fait c'était un animal domestique, elle le lui a confié un matin à son réveil, lui disant à l'oreille : "Regarde comme il est joli, maintenant tu es son président".
Comme toujours lorsqu'il est face à quelque chose de nouveau, il a sauté sur ses petits pieds, plein d'excitation et s'est promis d'en prendre grand soin.
Mais le petit Emmanuel ignore tout des soins à donner, uniquement élevé depuis toujours dans ceux qu'on lui donne.
L'animal domestique était là devant lui, commençait à vaquer à ses travaux ordinaires, à ses petites besognes quotidiennes, à aller et à venir, peu soucieux de celui qui, là-haut, le fixait de ses yeux bleu d'azur, ses yeux si clairs, que sa tutrice avait aussi immédiatement chéris jusqu'à la passion.
Mais, dès les premiers attendrissements passés, le petit Emmanuel trouva très vite que tous ces actes anodins, ces petits faits que l'animal domestique enchainait sans y penser, faisant tourner sa petite existence avec régularité et bonne volonté, toutes ces choses anciennes, connues, éprouvées, n'étaient pas suffisantes, trop banales, pas assez visibles, pas assez novatrices.
Le petit Emmanuel était une créature faite pour le défi.
Pour initier le défi, organiser le défi.
Faite pour mettre au défi tout ce qui venait à s'aventurer sous son aura immaculée.
Il décida que son animal domestique devait enfin se tourner dans le sens de l'histoire, cesser enfin de s'adonner à des rituels désuets pour faire définitivement face au changement.
Il décida de le dresser et de lui inculquer les principes du changement.
Tous.
Principes que lui, le petit Emmanuel, maitrisait depuis longtemps sur le bout des doigts et qui lui avaient été transmis, alors qu'il était encore tout petit, par ses oncles du Palatinat.
L'apprentissage en avait été  rude mais sa tutrice veillait à ce que le petit Emmanuel ne se relâche jamais, l'entourant d'une sollicitude sans faille, entièrement dévouée à son ascension, à la montée de la puissance et du pouvoir de cet enfant en qui elle sentait les signes divers d'une ambition furieuse qui venait comme étancher sa propre soif de notoriété.  

 

24/09/2022


Il faut l'avouer, les premières séances de dressage ne portèrent pas les fruits attendus.
L'animal domestique semblait peu disponible, voire plutôt rétif à ses poussées didactiques et le petit Emmanuel finissait souvent ses leçons de changement épuisé, à bout de nerf, très frustré par l'absence totale de signe apparent d'évolution.
Il remettait l'animal domestique dans son box et allait boire son jus d'orange bio, servi avec amour par sa protectrice à qui il ne manquait pas de se plaindre de la rudesse, de l'incurie, de la grossièreté, de l'entêtement et tout et tout de cet animal domestique si en-deçà des performances de ceux de ses voisins. C'était gênant.
Lorsque le petit Emmanuel rendait à ces derniers une visite de courtoisie, il tenait à leur faire savoir que c'était dans les gènes de son animal domestique d'être mal dégrossi et peu sensible aux bienfaits du progrès sur les consciences.
Il évoquait, en de longues harangues, parfois bilingues, dont il s'était fait une spécialité, les maux divers qui ralentissaient ses acquisitions, les sept plaies d’Égypte lui servant souvent d'image pour bien faire entendre à son auditoire que, malgré son zèle, malgré sa ténacité et sa foi inébranlable en ses capacités rédemptrices, s'opposait l'obstacle immense de siècles entiers d'une histoire erronée que son animal domestique peinait à effacer et donc, que ses auditeurs l'entendent, il avait encore du boulot.
Le petit Emmanuel évoquait alors, levant les avant-bras vers le ciel, comment il avait réussi à le faire marcher sur ses deux pattes avant pendant un petit quart d'heure, comment aussi, lors des quelques moments de rébellion qui amenèrent l'animal domestique à tenter de lui mordre le mollet par trois fois, il avait su se montrer d'une fermeté telle, le privant plusieurs mois d'affilée de sortie, de nourriture sans jamais fléchir ou revenir sur sa décision, que l'animal domestique avait fini par consentir à venir manger dans la main de ses gardes du corps.
Chaque fois qu'un peu de progrès semblait enfin acquis, il s'empressait de courir en informer sa tutrice qui lui donnait alors pour l'encourager un petit Ferrero Rocher qu'il dévorait sans attendre.
Mais il voulait passer à la vitesse supérieure, élever son animal domestique à la hauteur de ceux de ses plus proches voisins qui avaient si peu de problèmes avec la discipline et semblaient obtenir si facilement ce qu'ils attendaient.
Le petit Emmanuel ne l'avouait pas, sauf à demi-mots à sa tutrice lorsqu'elle posait sa tête à ses côtés sur l'oreiller, mais il craignait de perdre les faveurs de ses oncles du Palatinat si son animal domestique n'arrivait pas à assimiler les règles et les enjeux d'une métamorphose totale qui visait, le petit Emmanuel le lui avait pourtant dit et répété, uniquement à le rendre plus heureux, plus libre, plus indépendant.
Il décida donc, lors d'une nuit d'insomnie, de passer à l'étape suivante et d'appliquer des méthodes beaucoup plus coercitives afin d'obtenir de son animal domestique qu'il s'adapte au cours de l'histoire. Il confia son nouveau plan à sa tutrice et celle-ci lui répondit : Je suis d'accord.

26/09/2022

Pendant que le petit Emmanuel allait et venait, traversant les airs en tous sens à bord de son avion, l'animal domestique attendait dans son box.
Les murs qui l'encadraient l'empêchaient de voir ce qui pouvait bien se passer alentour, qu'il ne saisissait que par quelques bruits dont il peinait à définir l'origine.
Il savait, bien sûr, que c'était du petit Emmanuel dont il dépendait presque entièrement même si il aurait volontiers choisi quelqu'un d'autre pour présider à son destin, comme d'habitude de toute façon, on ne lui avait pas vraiment demandé son avis.
Et donc, jour après jour, il guettait le bruit si aisément identifiable de ses pas, le claquement toujours un peu nerveux de ses talons sur le sol reluisant du palais, signal qui ne trompait pas sur ce qui allait suivre que l'animal domestique avait appris à ses dépens à redouter un peu mais qui animait le cours monotone de ses journées.
Depuis quelques temps, il était inquiet, c'est à dire, plus inquiet qu'à l'accoutumée parce que les seuls moments où quelqu'un venait s'occuper de lui, changer son eau, emplir sa gamelle, nettoyer le sol où il était condamné à faire ses besoins, se faisaient de plus en plus rares.
L'animal domestique sentait la faim, la saleté et l'ennui envahir ses journées, le laissant sur le qui-vive en permanence, dans l'attente d'un mouvement qui ne se produisait pas.
Le petit Emmanuel l'avait-il donc oublié ?
L'animal domestique le savait très pris par toutes ses occupations, tenu de mobiliser puis de présider sans répit des commissions, des réunions d'experts, des sondages d'opinion, des cabinets de réfection des organigrammes, des cellules d'actualisation des crises, des ateliers internationaux de déconstruction, des projets d'enquêtes sur les sélections de projets exceptionnels, des projets d'approche critique des résultats progressifs, des interviews décryptées, adaptées et novatrices qu'il devait préparer avec ses centaines de collaborateurs et tant de choses dont l'animal domestique ne saisissait pas la nature mais dont il pouvait cependant apprécier l'importance.
Il allait de soi que l'animal domestique, seul dans son box, ne faisait pas le poids face à toutes ces affaires d'état.
Il avait pourtant tenté, à chaque fois que le petit Emmanuel lui accordait quelques minutes de son temps précieux, de comprendre au mieux quelles étaient ses attentes, allant, lors d'une séance de rééducation plus exigeante que les autres, jusqu'à faire l'effort de marcher sur ses pattes avant pendant un petit quart d'heure comme le petit Emmanuel l'avait exigé, tout ça pour lui faire plaisir, tout ça pour lui prouver combien il était docile et fidèle, même si les conséquences de cet exercice sur sa colonne vertébrale furent terribles et si il dût s'allonger de longues heures sur le sol de son box pour atténuer la douleur.
 "Est-ce que tu crois en moi ?" hurlait le petit Emmanuel, debout, fiché au centre du dispositif.
" Bien-sûr !" haletait l'animal domestique.
" Est-ce que tu as conscience que je t'emmène vers le changement ?"
" Évidemment ! " haletait l'animal domestique 
" Sais-tu que nous sommes en guerre ?"
L'animal domestique avait eu quelques secondes d'hésitation, peinant à identifier clairement l'ennemi.
" Réponds ! " 
" Bien-sûr !" haleta-t-il, si pressé d'en finir qu'il était prêt à toutes les compromissions pour calmer l'ardeur éducative du petit Emmanuel.
" Parfait, je vois que tu as appris à apprécier à leurs justes valeurs mes éléments de langage...ça ira pour cette fois, ramenez-le dans son box."
Au fond, l'animal domestique avait à chaque fois tellement hâte d'en finir qu'il avait abandonné complètement l'envie de comprendre ce qui était attendu de lui et qu'il avait fait le choix de donner l'illusion d'adhérer pleinement à sa rééducation, soulagé de voir brièvement briller une lueur dans les prunelles bleu d'azur du petit Emmanuel, signe que les exercices tiraient à leur fin.
L'animal domestique avait depuis longtemps décidé de ne jamais poser de questions gênantes et de tolérer quelques petits sacrifices.
Mais il s'aperçut très vite que ça ne suffisait pas, il lui fût clairement signifié à de multiples reprises par quelques-uns des divers porte-parole du palais que non seulement il ne mettait pas assez d'huile de coude pour comprendre ce que le petit Emmanuel exigeait de lui, qui était pourtant clair comme de l'eau de roche, mais qu'il devrait, même si il ne comprenait pas ce qui était exigé de lui, le faire quand même. Et vite.
Les menaces étaient sans ambiguïté : qu'il se le dise, les conséquences de ses résistances au changement seraient redoutables pour son opulence actuelle.
L'animal domestique, de plus en plus inquiet, fit de très, très gros efforts pour tenter de cerner ce qui était attendu de lui, pour tenter d'apprécier à sa juste valeur l'ampleur progressiste des visions à long terme qui lui étaient décrites en long, en large et en travers, même si dans l'ensemble, il demeurait plutôt confus face aux messages souvent paradoxaux qui lui étaient adressés.
Mais rien n'y fit.
Dans le dédale d'injonctions contradictoires, de consignes urgentes à appliquer immédiatement qui pouvaient être ajournées, de décrets ambitieux annulés pour cause d'obsolescence, d'ordres proférés simultanément divergents et rationnels : couché, assis, couché, debout, assis , tout ça à effectuer, par exemple, en prenant des notes sur les allocutions quotidiennes du petit Emmanuel tout en applaudissant à tout rompre, le seul effet de son zèle à bien faire malgré son sentiment d'échec permanent était, la privation de nourriture aidant, de le faire lentement plonger dans une grave dépression que personne ne prit le temps de diagnostiquer, même lors de la visite mensuelle de vaccination obligatoire.

 27/09/2022

Le petit Emmanuel, tout en vaquant à ses occupations de président cherchait les moyens les moins coûteux et les plus rapides de persuader son animal domestique de devenir enfin ce qu'il n'était pas.
Hélas les stratégies utilisées jusqu'à présent : manipulation, persuasion, encouragement, remontrance, punition ayant été assez vite épuisées et sa créativité personnelle étant plutôt orientée vers le sophisme, il s'avoua à court d'outils pédagogiques et dut se tourner vers le savoir-faire de son préfet préféré afin de bénéficier de son expérience et de ses conseils avisés en matière de redressement.
La rencontre fut discrète et brève, ce n'était pas si compliqué, il s'agissait pour le petit Emmanuel de simplement s'initier au tir.
Ce qu'il fit, avec un certain plaisir, même si le bruit et les odeurs légèrement musquées de la salle d'entraînement ne lui étaient pas familiers, il avait déjà eu l'occasion de fréquenter lors de ses nombreuses campagnes divers environnements aux effluves surprenantes et avait même, un jour de grande motivation, serré la main d'un maraîcher.
Il savait qu'en cas de contact, il lui suffisait de s'essuyer avec une des lingettes désinfectantes que sa tutrice mettait toujours dans son sac avec son goûter.
Il pratiqua donc le tir sur cible pendant quelques séances puis décida que l'heure du changement avait sonné et que la prochaine rencontre avec son animal domestique serait décisive.
Finie la rigolade. Finies les résistances aux grands projets de renouveau. Finies la grogne et les exigences.
Il voulait du neuf. Un point c'est tout.
Il se sentait parfaitement soutenu dans sa détermination par ses oncles du Palatinat et par sa tutrice qui lui avait tout de même suggéré, un soir où elle avait une légère migraine, que si c'était elle tout ça aurait été bouclé depuis longtemps déjà mais bon.
Il entra donc fringant comme à son habitude dans le centre de dressage, portant fièrement en bandoulière le LBD40 prêté par son préfet préféré qui avait sauté sur une si belle occasion de s'exprimer et avait pris les devants en utilisant une fois ou deux pour le plaisir ses canons à eau sur le corps recroquevillé de l'animal domestique directement dans le box.
Bien-sûr, dès que la force des jets d'eau et leur odeur putride le clouèrent contre les parois l'animal domestique sentit que l'heure de son changement intégral avait sonné mais ignorant encore les méthodes choisies pour le modifier, il sortit de son box trempé, couvert d'hématomes mais soulagé lorsqu'il aperçut le petit Emmanuel dans l'embrasure de la porte.
Celui-ci lui sourit, ce qui le détendit un peu et commença à lui énoncer la liste de tous les points à modifier dans sa manière d'être, dans ses goûts, dans ses capacités de travail, etc.
L'animal domestique fit semblant de lui prêter attention, on peut dire que cette liste, il la connaissait par cœur, répétée encore et encore qu'elle lui avait été dès le premier jour de leur rencontre.
Mais peu soucieux d'atteindre ces objectifs qui, sans qu'il en dise rien, lui semblaient tous plutôt vains et complètement irrationnels, pour gagner du temps, l'animal domestique, par pure hypocrisie, avouait ignorer comment y accéder et affirmait attendre impatiemment une bonne mise à niveau de ses compétences , un peu de développement personnel et quelques directives de son président qui lui éclairerait enfin le chemin.
Donc, quand le petit Emmanuel lui demanda de courir en rond sur l'aire de dressage, il pensa quelques instants que tout allait une fois de plus se régler comme il en avait pris l'habitude.
"Cours !"
C'était un ordre clair, c'était facile.
Le petit Emmanuel était campé au centre, dans la lumière, chaussé de sa paire neuve de Weston et vêtu d'un joli blouson vert-bouteille, son Brügger & Thomet bien calé contre son torse et il leva la voix en demandant à l'animal domestique d'accélérer, ce que celui-ci fit avec beaucoup de bonne volonté.
Tournant ainsi de plus en plus vite et entendant résonner à ses oreilles qui s'agitaient dans le vent de la course les ordres se presser, lancés, de plus en plus rapprochés et de plus en plus fort, par le petit Emmanuel, l'animal domestique commença à s'essouffler et à tirer la langue tout en tentant de maintenir le rythme de sa course.
Il ne prit pas garde au changement de position du petit Emmanuel, toujours placé au centre mais agenouillé maintenant, ayant pris soin de mettre un petit carré d'étoffe sous son genou d'appui afin de ne pas salir son pantalon, tenant son ustensile tout contre son épaule et plaçant l’œil au viseur comme il avait appris à le faire lors de sa formation express.
Le choc fut si violent que l'animal domestique bascula au sol et s'y traîna quelques secondes en hurlant, la tête rejetée en arrière sous la douleur intense qu'il ressentit à l’œil droit, suivie d'une giclée de sang qui lui coula dans la gorge.
Ses cris se turent bientôt, l'animal domestique qui, depuis des siècles, avait pris l'habitude d'être rossé et savait encaisser les coups les plus vicieux, fut emporté à son box sur un brancard, balbutiant quelques mots inintelligibles.
Parmi le fidèle public réquisitionné pour la prestation persuasive, certains ne purent supporter ce spectacle affligeant et se tournèrent pour vomir, d'autres, qui, comme il leur avait été demandé dans le briefing matinal applaudissaient à tout rompre, notèrent que le regard bleu d'azur du petit Emmanuel s'était tout à coup mis à briller d'une étrange lueur mais, par pure lâcheté et pour protéger leur gamelle, ils se turent tous.
Le petit Emmanuel se mit à faire de petits bonds d'allégresse sur l'aire de dressage maintenant désertée par l'animal domestique et le personnel d'entretien.
Il sautillait, il sautillait, transporté une nouvelle fois par cette démonstration de ses capacités si éclectiques à réduire, tout en finesse, tout ce qui s'opposait à sa volonté.
Une victoire incontestable puisqu'il n'y avait pas eu de combat.
"Rentrons-vite, je dois de suite en informer ma tutrice !"
"Je l'ai rénové ! Je l'ai rénové !" répétait le petit Emmanuel, comme pris d'une transe soudaine.
"Mon œil !" murmura l'animal domestique, balloté sur son brancard, regagnant son box nauséabond.
Il allait le perdre et sentait, plus encore que la douleur, un écœurement, les brûlures d'une trahison qui lui serraient le cœur et les tripes face à tant d'injustice et de déloyauté.
Sans plus y penser, le petit Emmanuel poursuivit ses affaires d'état, son objectif était momentanément atteint, il était maintenant le seul à voir clair.

 1/10/2022

Il y eut quelques rumeurs déplaisantes mais nulle poursuite, les Organisations Défendant les Droits ayant tant d'autres chats à fouetter que le détail de cette énucléation ne leur sembla pas digne d'en faire tout un fromage à l'international.
Au fond de son box, la cicatrisation de l'animal domestique s'effectua tant bien que mal et maintenant borgne, il rentra presque totalement dans l'ordre nouveau envisagé sur le long terme et qui impliquait de sa part non seulement qu'il consente à s'appliquer au changement tant attendu de toute sa personne mais surtout qu'il apprenne à la fermer complètement.
Le petit Emmanuel, de banquet en réception, de galas en sommets, de toute façon avait fini par presque l'oublier.
Lorsqu'il voyageait par le monde, il n'emportait que ses discours, l'élégance de sa rhétorique suffisait à intimider ses auditoires et lui ôtait le tourment de devoir représenter qui que ce soit.
Il trouvait tellement plus confortable de présider sans avoir personne à gouverner.
Il participa à quelques diners sous le fuseau GMT -4, où il eut l'occasion de serrer dans ses bras en marque d'affection un de ses plus proches camarades lui aussi fort bien coté par les oncles du Palatinat et qui, le petit Emmanuel ne se le cachait pas, était auprès d'eux un de ses rivaux les plus craints.
Lorsque tous les chefs de file avaient eu à obéir au plus vite et au mieux aux injonctions globales contaminantes, le petit Emmanuel s'était documenté heure par heure sur la façon de son rival de ne pas solutionner les crises, il avait écouté toutes ses harangues et noté sur un petit carnet la qualité de ses contradictions et l'ampleur de sa mauvaise foi, décidé à faire beaucoup mieux. Il avait eu un moment d'admiration sincère lorsqu'on lui avait dit qu'il avait été décidé de bloquer les finances des récalcitrants, stratégie tout à fait remarquable pour calmer les ardeurs des opposants et que le petit Emmanuel s'engagea à garder sous le coude au cas où.
Mais tout n'était pas si rose, lors de leurs rencontres, leur différence de taille mettait le petit Emmanuel très mal à l'aise et il avait même, pour la photo , envisagé d'utiliser des talonnettes afin de gagner quelques centimètres, idée qu'il abandonna lorsqu'on l'informa que ce subterfuge avait déjà été utilisé par un de ses prédécesseurs dont on ne se rappelait d'ailleurs plus le nom et que des chefs d'état petits pouvaient aussi être redoutables, les exemples abondaient.
Comme à son habitude le petit Emmanuel courut se faire réconforter par sa tutrice, pleurnichant sur les fardeaux génétiques et leur injustice.
Sa tutrice prit sa tête entre ses mains très tendrement et lui dit : "Oui mais toi, tu parles anglais."
Elle était d'ailleurs aussi intervenue récemment plusieurs fois pour le réconforter lorsque les fantaisies guerrières pourtant bien connues d'un autre de ses rivaux, comme lui avide de la platitude des écrans, avaient fini par faire trop de bruit, tant et tant que ce dernier intervenait dorénavant chaque jour, courant sans relâche de plateau en plateau, s'exposant avec un courage et un charisme sans borne aux questions sans surprise des estafiers et décrivant, photos à l'appui, les multiples dangers de la vie lorsqu'on est nuit et jour couché dans les tranchées. Son col grand ouvert, sa chevelure gominée soigneusement peignée vers l'arrière, dégageant un torse et un large front emprunts d'une rare dignité, il clamait haut et fort son point de vue sur les engagements hyper-démocratiques et la guerre sans pitié qu'ils impliquaient évidemment. Le Petit Emmanuel de plus en plus exaspéré par ce manque de connaissance du protocole des bienséances, l'observait donner ainsi des conseils au monde entier et, de toute évidence, tenter ainsi d'une façon complètement mesquine de prendre la place de Président, ce, et c'était le point le plus exaspérant, sans jamais froisser sa chemise immaculée.
Bien-sûr l'affront avait été insupportable.
"Ne m'oubliez pas, ne m'oubliez pas !"
Après tout, le petit Emmanuel avait lui aussi fait preuve d'un courage exemplaire en rencontrant en chair et en os leur ennemi commun et en déployant, assis un peu tremblant sous son œil de lynx où perçait une légère ironie, d'aucuns diraient une étonnante lucidité, là, parlant slave face à lui à l'autre extrémité de la table si longue où le petit Emmanuel était assis et où il avait fait montre d'un à-propos exceptionnel en menant de sa propre initiative une tentative de négociation que personne n'avait prévue et qui n'eut absolument aucun effet, à part celui de permettre à tout son talent diplomatique de devenir légendaire.
"C'est injuste, c'est injuste !" pleurnichait le petit Emmanuel en se mouchant dans les jupes de sa tutrice qui lui répondit pour le calmer. "Oui mais toi, tu as de beaux costards"  

2/10/2022

Bien sûr la sollicitude sans limite de sa tutrice avait eu son prix.
Un simple échange donnant donnant que le petit Emmanuel avait accepté sans même y penser.
Il avait été convenu entre eux qu'il ne devait accepter dans son gouvernement que des laiderons sans aucune qualité intellectuelle discernable.
Sa tutrice avait la rivalité facile sous ses dehors sereins.
Pour le convaincre d’obtempérer, elle avait développé des arguments plutôt pertinents sur l'effet miroir des femmes de pouvoir sur les meutes et sur le dangereux arrivisme de certaines femelles qu'on devait absolument juguler avant qu'il ne déborde, risquant, ce qu'il ne supporterait pas, de lui faire de l'ombre.
Elle évoqua leurs compétences dans l'art du tripatouillage favorisé par des siècles de pratique de la manipulation secrète et des tirages de ficelles effectués derrière les
rideaux et sur les oreillers.
Elle savait ce dont elle parlait.
Pourtant, contrairement à ce que sa tutrice pouvait craindre, le petit Emmanuel ne regardait pas les femmes.
Il n'avait besoin que d'un sein chaud où se blottir lorsque l'exercice du pouvoir ne le protégeait plus contre les coups-bas et les mauvais sondages et de quelqu'un à ses côtés qui lui rappelle ses rendez-vous, le guide dans le choix de ses vêtements et le conseille sur certaines affaires délicates.
A tout cela, sa tutrice s'entendait à merveille.
Afin de respecter le seul engagement qu'il se fit jamais un devoir d'honorer, dès son arrivée à la présidence, le petit Emmanuel chargea donc quelques-uns de ses collaborateurs d'aller lui chercher quelques spécimens qui permettraient d'être à jour avec les quotas sans avoir de réelle influence sur la formulation et l'application de toutes ses directives.
Sortirent alors de nulle part des hordes d'insignifiantes se ressemblant plus ou moins, toutes regardant le monde avec des pupilles vides derrière leurs lunettes, qui furent promues ici et là dans quelques-uns des ministères et des bureaux où elles furent enivrées par les sensations que procure l'exercice de tout pouvoir puis prises d'extase en étant informées de toutes les faveurs que leur nouveau statut leur octroyait.
Ce n'était pas aussi jubilatoire lorsqu'il s'agissait de développer leurs choix politiques sur les plateaux et de rendre des comptes en matière d'économie d'énergie, de projet de société équitable et vaguement collectiviste, de mesures de sécurité sanitaire, éducative, financière etc.
Les questions de certains estafiers, pourtant consciencieusement révisées en coulisse, les laissaient pantoises par leurs exigences de précisions dans la maîtrise des dossiers et nécessitaient de leur part un art consommé du paralogisme qu'elles ne maîtrisaient pas non plus.
Nul séminaire, nulle formation n'avaient été organisés pour les préparer à ces épreuves et leurs compétences s'arrêtaient à la rapidité de la frappe sur leur clavier et à une relative ponctualité. Elles disparaitraient de toute façon des écrans et des mémoires comme elles y étaient venues et surtout, on pouvait compter sur les insuffisances encore plus grandes et la faculté d'amnésie sans fond de l'animal domestique pour ne pas devoir se formaliser des limites cognitives du monde politique, pourtant si ostensibles, et glisser sur la platitude des écrans sans broncher à d'autres scandales beaucoup plus excitants.
Ces pauvres créatures n'étaient d'ailleurs, ceci aurait dû les rassurer, pas moins efficaces dans l'aberration que bien d'autres membres du gouvernement, sans doute possible, ils l'avaient prouvé, masculins, en place simplement depuis plus longtemps et qui avaient donc, eux, eu plus de temps pour complètement parler pour ne rien dire sans que rien n'y paraisse.
Cependant, malgré la quantité étonnement importante d'interventions frôlant l'absurde, malgré les bévues, les démentis et le spectacle assez pitoyable de leur incurie dans des domaines si explosifs qu'ils pouvaient, à être traités à la légère, générer des catastrophes aux conséquences irréversibles, on fut étonné dans les sphères du peu de réaction de l'auditoire, allant jusqu'à soupçonner un complet abandon de l’intérêt porté à sa propre survie.
"Mais est-il devenu trop con pour s'apercevoir à quel point nous le sommes nous-mêmes ?" entendait-on régulièrement dans les couloirs des divers palais.
"Oui, sûrement."
Cette apathie de l'animal domestique face à l'impéritie venait du simple fait qu'au cours des dernières décennies, il avait été lui-même pris dans la dégradation progressive de tout discours politique un peu complexe, un peu visionnaire, privé dans le même temps de tout argumentaire un peu chiadé et qu'au-delà de dix mots à assimiler ou à produire, il plongeait dans un état de stupeur.
Il n'avait jamais rien connu d'autre et tout cela comme le reste de toute façon, dans l'état de profonde dépression qui l'habitait nuit et jour et qu'on lui intimait de positiver, n'avait plus d'importance. 
 
5/10/2022

Toujours reclus dans son box, l'animal domestique se languissait.
On ne lui avait permis l'usage que de quelques romans ayant remporté des médailles et plébiscités à chaque rentrée littéraire par les estafiers de la culture élitaire de masse, romans dont il avait arraché les pages une à une sans pouvoir les lire et dont il avait fait, par souci d'économie, un usage sanitaire.
Il se languissait oui, il se morfondait, se décomposait, s'abêtissait sans y prêter attention chaque jour d'avantage, réduit pour passer le temps à regarder en boucle quelques séries transatlantiques dont il connaissait déjà toute l'intrigue, à consulter les divers taux des propositions de crédits renouvelables en ligne, à lire son horoscope, à signer des pétitions : pour une accélération des mesures d'expulsion, pour un arrêt immédiat des mesures d'expulsion, contre les travaux qui menacent la départementale 79, contre le transfert des panneaux d'affichage de la gare de Montluçon, pour l'interdiction de la consommation de topinambours, pour un grand débat national sur la nouvelle cosmologie, entre autres et, plus grave s'il en était sincèrement convaincu maintenant que là était le vrai pouvoir et la liberté d'expression,
aussi réduit à se faire de plus en plus passionnément juge et partie, commentant nuit et jour sept jours sur sept, disparaissant de plus en plus profondément dans les prestations de toutes les créatures visibles grouillant sur les plateaux.
Tout, dans ce petite monde coloré qui parlait si fort et usait d'une dialectique assez simple : j'aime, je n'aime pas, il a tort, il a raison, lui était devenu, perdu qu'il était au fond de son ennui mortel, presque aussi cher que ses proches qui étaient, comme lui, absorbés par les vies se déroulant devant leurs yeux un peu rougis par la lumière bleue, en une sorte d'intimité exaltée qui donnait un peu de brio à leur existence.
Il s'entendait donner son appui inconditionnel à des intervenants complètement inconnus, s'échauffer pour des querelles autour de la répartition des biens dans des divorces, s'adonner sans frein à des passions intimes déballées sous les feux de la rampe.
Tout se mélangeait dans sa pauvre tête, les hommes politiques, les femmes députées, les stars du cinéma, les vedettes de la chanson, vivantes ou disparues, les présidents des clubs philatélistes, les boxeurs professionnels, les enfants, leurs parents, les animaux, les femmes, les hommes, il avait acquis une capacité extraordinaire d’absorption de tout sans distinction et sans broncher et plus il absorbait plus il absorbait, toujours persuadé, malgré de vagues accès de nausée, qu'il était, dans cette ingestion constante, pris lui aussi dans le mouvement vers le progrès.
On le lui répétait quotidiennement en venant lui passer sa pitance à travers ses barreaux. Tout se faisait au nom de l'amour.
Et ça, ça le rassurait.
En fait il n'avait jamais autant employé ce mot que depuis qu'on lui avait arraché un œil. Quelque chose s'était brusquement éclairé alors et sans dire un seul mot, sans s'opposer, parce qu'il avait enfin compris ce qu'était la reconstruction positivante, il avait accepté que le petit Emmanuel mette sous écoute toute sa vie, de ses battements de cœur à sa pression artérielle, en passant par la fréquence de ses rapports sexuels et de ses pensées xénophobes.
La garde nationale l'avait fait sortir quelques instants de son box, et après le deux-mille-cinq-cent quarantième discours du petit Emmanuel lui décrivant ce à quoi il devait s'attendre et comme l'amour jaillirait en lui sous l'influence de toute cette positivité, on lui avait greffé çà et là quelques puces.
Indolore, c'est ce que le petit Emmanuel lui avait dit pour le rassurer, l'animal domestique n'avait rien à craindre, il venait à lui dans une consultation destinée à faire reluire sa plate-forme afin que s'ouvrent une forme de chantier délocalisé et d'enquête multipartite à laquelle tous devraient participer dans la joie, qu'il n'ait rien à craindre ni à espérer, nous allons vers plus de privation et de bien-être collectif, participer, participer c'était la clef, je suis socialiste.
C'est ainsi que le petit Emmanuel avait conclu son deux-mille-cinq-cent quarantième discours avant que l'animal domestique ne soit poussé dans son box sans avoir eu l'occasion d'en placer une.
La vie magnifique des autres, là derrière les écrans, sur laquelle il pouvait s'extasier ou cracher toute la bile accumulée depuis des lustres, était tellement plus stimulante, pesait tellement plus lourd que la sienne. La sienne, il n'en savait plus grand chose et c'était très bien.
L'animal domestique n'avait plus de questions à poser, plus de remarques à faire, plus de doute à émettre sur quoi que ce soit.
Il pouvait participer à n'importe quel grand débat interactif sur la réorganisation des principes fondamentaux de l'équité, ou pas, répondre avec docilité à des grandes consultations nationales, c'était tout pareil, il était devenu transparent à lui-même, tant qu'il ne pouvait plus que hurler ou éclater en sanglots mais sans plus savoir pour quoi ni pour qui.
Le petit Emmanuel, occupé à maintenir son teint hâlé et à bâtir ensemble n'avait pas pris le temps de prêter attention à la lente liquéfaction de son animal domestique, ni consulté ses groupes de pression et ses cabinets de conseil pour envisager des solutions consensuelles à ce malaise. Après tout, il n'était pas socialiste.
 
 
6/10/2022 

Depuis quelque temps circulait à bas-bruit une rumeur, d'aucuns osaient dire un constat, que, évidemment, immobilisés qu'ils étaient tous dans la grande ronde de la séduction, personne ne souhaitait dévoiler au principal intéressé.
Le petit Emmanuel changeait.
On l'avait plusieurs fois surpris se haranguant lui-même, marchant de long en large dans les diverses pièces vides de son palais, se levant brusquement pendant les repas et s'approchant de son invité de marque le serrer dans ses bras en commençant à dégoiser à son oreille, la plupart du temps sur des sujets qui restaient complètement obscurs quant à leur pertinence lors d'une visite diplomatique mais que tout le monde commentait en oscillant de la tête afin de n'introduire aucune contrariété, comme il avait été prescrit dès leur arrivée par les majordomes dans le hall lorsqu'ils avaient déposé leur téléphone et leur manteau.
Il semblait aussi avoir perdu toute notion de modulations de sa voix et parlait du matin au soir sur un ton de plus en plus haut-perché, épuisant pour son audience qui, là non plus, ne manifestait aucune réaction, même si parfois sa tutrice était tenue de mettre discrètement sous son brushing parfait son casque anti-bruit lorsqu'elle devait passer plus d'une demi-heure à ses côtés.
Plus inquiétante était l'apparition d'une étrange lueur qu'on avait vu surgir dans ses prunelles qui, non seulement avaient changé de couleur, devenant bleu dragée, mais lançaient des sortes d'éclairs par intermittence, ce qui exigeait de l'audience, pour ne pas se voir électrocutée, une vigilance de tous les instants et une capacité d'anticipation des décharges exténuante.
Il s'interrompait de plus en plus souvent pendant les diverses réunions de ses deux-cent-quatre cabinets et fixant au hasard un membre de son public de ses yeux fluorescents, lui demandait en tapant du poing sur la table : "Qu'est-ce que j'ai dit ?"
Tout le monde appréhendait ces moments.
Ce qui leur ramenait cependant un peu de cœur à l'ouvrage c'est qu'on savait que si l'un d'entre eux se trouvait jamais dans une situation pénalement indigeste pour quelque exaction ou autre forfait : agressions sexuelles, violences en tous genres, pots de vin, conflit d'intérêts etc. le petit Emmanuel ferait tout son possible, c'est à dire tout tout court pour le protéger et le garder près de lui, ce qui, comme ils avaient tous quelque chose à se reprocher, leur donnait tout de même du courage lorsqu'il s'agissait de le supporter en silence pendant des heures durant.
Pourtant malgré cet apparent consensus dans le mutisme, sa tutrice qui demeurait la seule à pouvoir encore lui adresser la parole sans blêmir, dut se résoudre à mener avec lui un entretien.
Elle profita d'un des rares moments où il était détendu, après sa séance d'UV hebdomadaire, pour mettre ces sujets délicats concernant son attitude sur la table, à côté de la tasse de chocolat chaud qu'elle avait elle-même préparée.
Elle mentionna donc tous ces changements, réduisant bien-sûr leur importance en les attribuant à son emploi du temps surchargé et au poids des responsabilités qui lui pesait sur les épaules journellement.
Le petit Emmanuel ne comprit pas du tout où elle voulait en venir. "Je ne comprends pas du tout où tu veux en venir ! J'assume. J'assume !" lui répondit-il.
Évidemment il assumait, cela ne faisait aucun doute, mais ne craignait-il pas que sa santé pâtisse de tous ces chantiers et de ces nouvelles méthodes auxquels nul n'était encore habitué et dont il était le seul à comprendre les tenants et les aboutissants ?
Il haussa les épaules et levant les yeux vers l'horizon lointain, répondit, comme se parlant à lui-même : "Je ne crains rien, je suis démocrate-chrétien." 

24/12/2022

Malgré les audits quasi quotidiens qu'il effectuait lui-même sur sa personne, mesurant dans les commentaires critiques de ses subordonnés, toujours positifs, l'impact historique de son passage dans la sphère : popularité interne et surtout externe, charisme, esprit d'entreprise, dynamisme, inventivité, qualité du réformisme, le petit Emmanuel manquait de quelque chose.
Le point sensible à cet égard était son ignorance, voire d'aucuns, rares, disaient parfois entre deux portes, son aveuglement, sur l'adéquation.
Le petit Emmanuel n'était jamais adéquat.
Il embrassait trop vite, souriait trop fort, se levait quand tous restaient assis, assumait des faits advenus dans d'autres temps, ne démordait jamais de rien, hurlait avec ferveur au moment des minutes de silence, faisait du shopping en sneakers hors de prix les jours de grand deuil national, parlait comme à des enfants aux chefs d'états subsahariens exaspérés par son arrogance, gesticulait en se déshabillant pour tenter de montrer son soutien à ce qu'il imaginait de la grandeur française en acte, comme un ballon gonflé à l'hélium flottant dans une atmosphère désertique, il dominait la scène mais ne sentait jamais à quel moment ni comment y intervenir.
Personne ne lui avait appris d'ailleurs, on peut donc difficilement le lui reprocher.
Ce qui pouvait aux yeux de certains passer pour une forme d'engagement dans l'hypermodernité n'était au fond qu'un cruel manque de connaissance des règles de la bienséance. Et comme nul ne se sentait le courage de le remettre à sa place, c'est à dire de lui ouvrir les yeux sur le bon ton, la patience, l'élégance, la discrétion, la pondération, l'humilité, et toutes ces qualités nécessaires à rendre n'importe quel individu à peu près humain, il continuait de croire en lui nuit et jour mais ne savait pas en quoi croire, soutenu en ceci par sa tutrice qui, elle non plus, ne maîtrisait pas pleinement les codes d'usage et faisait de son mieux.
Il caressait l'illusion de n'avoir qu'à s'agiter, qu'à parler fort des heures durant, qu'à décider de filer vers le sud ou vers l'est dans son petit avion supersonique afin de se présenter aux divers oligarques qui lui faisaient de l'ombre et leur dire leurs quatre vérités pour devenir une pièce maîtresse du grand et cruel échiquier international et on ne peut l'accuser d'aucun dilettantisme, il voulait de toute bonne foi représenter quelque chose, c'est sûr, mais il ne savait pas quoi et ça compliquait sa vie politique et personnelle.
On murmure que cette méconnaissance et cette impuissance à savoir au nom de quoi il exerçait sa fonction lui pesaient parfois si lourdement, surtout le soir, qu'il avait même été amené à se réfugier contre l'épaule de sa tutrice en lui demandant : "S'il te plaît, dis-moi qui je suis..."
Embarrassée pour répondre, car il faut bien avouer qu'elle-même, malgré toutes ces décennies à le modeler, à l'adapter, à le stimuler, à le suivre et à le devancer vers son apogée n'en savait pas vraiment grand-chose, elle avait immédiatement été chercher un Lexomil dans la pharmacie et en le lui posant sur la langue, elle lui avait dit : "Laisse le fondre, c'est plus efficace que de l'avaler."

28/02/2023

Tout essoufflé par sa course dans les longs couloirs du palais, suivi sur sa droite et sa gauche par les gardes du corps qui veillaient constamment, c'est à dire jour et nuit, sur sa personne, le petit Emmanuel entra brusquement dans la pièce des apprêts où sa tutrice se faisait refaire le portrait.
Elle était allongée sur un divan de velours aubergine, son torse enveloppé de grands oreillers en laine d'alpaga albinos et, un masque anti-vergeture au camélia sub-saharien lui couvrant les yeux, elle tendait ses mains à la manucure. D'abord les cuticules, c'était fait, puis le limage qui était en cours et la pose du vernis, dernière étape à laquelle elle consacrait généralement une bonne heure et demie.
Sa tutrice sursauta en entendant le petit Emmanuel pénétrer sans même frapper dans son cabinet, enleva son masque anti-vergeture en vérifiant si il avait cette fois songé à laisser les gardes du corps à l'extérieur puis, se redressant après avoir signifié d'une geste à sa manucure qu'elle pouvait prendre sa pause, demanda : "Ôte ton gilet pare-balle et assieds-toi. Que me veux-tu ?"
Le petit Emmanuel de toute évidence était dans un état d'excitation qu'elle connaissait bien mais qu'elle redoutait toujours : le moment des grandes décisions péremptoires, des caprices réformateurs, des comptes à régler ou des vengeances à assouvir.
Cependant avant d'intervenir, elle lui proposa de prendre le temps de se calmer en sirotant un thé japonais extrêmement rare qu'elle venait de recevoir puis prenant son pouls d'une main tendre, lui dit d'une voix réconfortante : "Bois par petites gorgées".
Les mains du petit Emmanuel tremblaient en portant à ses lèvres la tasse de Kabuze de Kobahiashi mais il reprenait progressivement son souffle, sa tutrice lui lâcha le poignet et lui dit : "Je suis tout ouïe".
"Je vais partir en guerre et une fois que j'aurai vaincu, je deviendrai Grand maître du Palatinat. J'y ai droit !"
" Bien-sûr, bien-sûr, acquiesça sa tutrice, tu y as parfaitement droit mais contre qui veux-tu partir en guerre ?"
Le petit Emmanuel la dévisagea, un peu surpris par sa question et par le manque de présence d'esprit qu'elle trahissait quant à la situation internationale. Il soupira légèrement, songeant sans lui en dire mot aux hautes compétences de la Tatie teutonne qui, elle, n'aurait jamais fait une remarque aussi déplacée.
"Mais enfin, enfin, contre l'Homme des Steppes !" répondit-il du ton nasillard et contrit qui lui permettait en toutes circonstances de cacher quelque peu son mépris et son exaspération.
"Tu ne te souviens donc pas ?" ne pût-il s'empêcher de lui demander. "Tu ne te rappelles donc pas comme il m'a traité alors que je tentais de le ramener à la raison ?"
Sa tutrice s'en souvenait, évidemment.
Il avait fallu faire intervenir une cellule de soutien psychologique d'urgence après cet épisode fâcheux et le petit Emmanuel de retour au Palais après sa visite, avait exigé qu'on lui fabrique une table ovale de trente-cinq mètres, en marbre de Ruskeala, pour s'entretenir dorénavant avec ses homologues, ce qui avait été fait immédiatement et avait pour un temps permis de fléchir sa rancœur et son dépit.
"Je vais lui montrer qui je suis, commença-t-il à crier, je vais l'anéantir."
"Bien-sûr, bien-sûr" acquiesça sa tutrice, qui savait qu'il était impossible de le dissuader lorsqu'il était comme maintenant à deux doigts de prendre une décision catastrophique.
"De toute façon, se dit-elle, basculant légèrement sur son divan de velours aubergine, après tout, ces histoires de guerre, ce n'est pas mon boulot, la politique internationale m'a toujour ennuyée."
Étant, à cause des moustiques et des serpents, restée à Paris pendant ses différents voyages sur le continent africain, elle n'avait que vaguement eu vent des succès diplomatiques nombreux du petit Emmanuel et imaginait qu'il savait ce qu'il faisait, après tout, il était Président.
Et il le répétait à qui voulait l'entendre : "Je suis Président, je suis Président".
Elle savait, il le lui avait murmuré un soir, qu'il avait hâte que ça s'arrête, c'était trop dur, toutes ces oppositions, c'était trop dur, ces huées et ces insultes, lui qui avait tant besoin qu'on l'estime à sa juste valeur, comment pouvait-il faire face à toute cette haine si injustifiée, à ces diffamations gratuites ?
L'humiliation qu'il avait subie de plein fouet par ce tyran bolchevique perdu dans les sphères septentrionales ne valait-elle pas une bonne destruction ? Ne devait-il pas en sacrifiant des bataillons entiers d'animaux domestiques prouver à ce semi-asiate aux yeux de félin qui menait la baraque ?
La Tatie teutonne en charge de toutes les guerres l'avait encouragé, ils en avaient parlé et il lui avait promis de la soutenir si elle le soutenait.
Il voulait la garantie qu'une fois son pays et beaucoup d'autres complètement détruits, il trouverait refuge dans les bureaux du Palatinat, au calme, là où il pourrait enfin décider de tout sans rendre de comptes, vêtu de beaux costards se promener dans des rues où personne ne le reconnaitrait ni ne le chahuterait et où ne régnerait pas cette odeur de purin qui l'accompagnait partout depuis quelques semaines.
Sa tutrice pensait déjà à autre chose, ayant à superviser un dîner au Palais avec 6745 invités de marque en l'honneur de l'attaché culturel du Burundi.
Elle lui tapota légèrement l'épaule et lui dit : "Bien, bien, fais comme bon te semble, de toute façon comme tu es entouré des meilleurs conseillers en tout qui ne te donneront jamais leur avis, tu peux y aller !".
Elle soupira à son tour, se remémorant cette incongruité en son début de premier mandat, il n'était alors qu'un enfant mais tout de même, l'inutilité et l'absurde de sa soudaine décision d'aller bombarder ici et là en Syrie pour aider le chef des Amériques qui ne lui avait rien demandé.
Folie complètement injustifiée mais vite oubliée par tout le monde, caprice incompréhensible pour montrer que lui non plus n'avait pas froid aux yeux et qu'il portait aussi très bien l'uniforme.
Ce qui le sauvait, du ridicule et d'autre chose, c'est que tout ça s'oubliait et que ceux qui avaient encore un peu de mémoire était rayés définitivement des sas d'accès au grand jour, réduits,autrement dit, au silence démocratique.
 

 07/04/2023

  
Depuis plusieurs jours, le Palais était en effervescence. 
Chacun, tel une abeille ouvrière zélée allait et venait afin de satisfaire la curiosité du petit Emmanuel et son désir de réussite diplomatique totale : il allait être reçu là-bas, dans le pays du soleil levant ou presque, et tout devait être organisé afin que cette visite soit un succès à tous égards.
Le petit Emmanuel avait la ferme intention de ramener son homologue asiatique à des vues plus raisonnables sur les préséances internationales. Secrètement, et de ceci il ne dit mot à personne, il entendait surtout laver l'affront de sa dernière aventure eurasienne et de l'humiliation subie en bout de table en montrant au monde ce dont il était capable.
Il se mit donc à apprendre le chinois grâce à la méthode "Le chinois chez vous en trois semaines", à s'enquérir de l'histoire ancienne et plus récente de ce curieux pays, il frémit d'excitation lorsqu'on lui narra l'épisode des Quatre nuisibles, pensant que cette idée était vraiment une idée en or et qu'il allait certainement en tirer parti sous peu, il apprit à manger proprement avec des baguettes, sur les conseils avisés de son ambassadeur il entreprit une brève rééducation afin de juguler son besoin presque incoercible de prendre tout le monde dans ses bras etc. etc.
A tout cela, il s'appliqua.
Tout allait merveilleusement bien, il sentait qu'il tenait là quelque chose d'important, de fondamental plutôt, pour l'avancement de sa carrière à l'étranger et cette perspective lui permit d'oublier les incidents mineurs qui semblaient s'être répandus sur le pays.
Il soupirait de plus en plus fréquemment ces derniers temps, se demandant pourquoi il avait à endosser une telle fonction auprès d'un animal domestique si barbare, si ignare des subtilités du grand libéralisme, toujours insatisfait, paresseux, alcoolique, drogué, pédophile, illettré, jaloux, menteur, brutal, ingrat, radin, blasé etc. etc.
De-ci de-là, on lui fit part de quelques éclats sur la place publique et il dit : "Franchement voyez ça avec qui vous savez, personnellement je n'en ai rien à foutre"
Et ce fut fait.
Sur le plan de la compétence de ses subalternes, tous vigoureux et pleins d'appétit, il devait admettre qu'il était servi. Tous se montraient fidèles, sauf certains, bien policés et gentils, tous bien à l'écoute, et une fois qu'il leur avait laissé carte blanche pour les diverses déconstructions, il savait qu'il pouvait compter sur eux.
Il confiait aux filles la fonction traditionnelle d'amuseuses publiques, de toute façon, elles ne savaient rien faire d'autre et le noyau de ses troupes de choc pouvait ensuite passer à l'attaque.
Il recevait régulièrement des nouvelles des divers fronts du changement où il était engagé, toujours bonnes, et ça suffisait.
Après tout, il n'était pas payé pour gouverner !
Dans son lit, chaque matin, il s'éveillait de plus en plus nerveux, le jour du grand voyage approchait.
Il s'appuya comme à l'accoutumée sur sa tutrice pour le choix des costards divers à mettre dans ses valises. Même comme signe de respect pour la culture, elle lui déconseilla le port de vestes avec certains cols, déjà accaparées par d'autres dans son entourage et qui pourraient prêter à confusion quant à ses engagements idéologiques. Il sourit tendrement devant sa naïveté et lui répondit : "Ne t'inquiète pas, tout le monde sait que je suis Écologiste !"
Il allait incarner l'élégance française une fois de plus, qui sait peut-être en profiter pour pouvoir vendre l'usufruit de ses fleurons à ses amis hommes d'affaires asiates.
Tout palpitait dans les couloirs, il l'avait clairement dit haut et fort, c'était le plus beau jour de sa vie.
Quelques heures avant le départ, alors qu'il répétait une dernière fois "Nuit de Chine" qu'il comptait chanter au dessert, sa tutrice fit irruption dans son salon de musique, un peu essoufflée et apparemment très émue : "Il faut absolument que nous nous entretenions" lui dit-elle. 
Il lui répondit : "Oui, entretenons-nous, je répéterai plus tard"
Il s'assirent côte à côte sur un petit sofa qu'elle avait elle-même fait recouvrir d'un joli satin mordoré et qu'il aimait beaucoup, elle lui prit la main et la serra contre son cœur.
"Emmanuel, je viens de recevoir un appel extrêmement important !"
Il fut un peu étonné de ne pas avoir été contacté en personne mais n'en souffla mot.
"De qui donc ?"
"De tes oncles du Palatinat, ils veulent que ta Tatie teutonne te joigne dans ce périple vers l'Orient ! "
"Mais pour quelle raison, il était prévu que je puisse faire de la diplomatie en solitaire !"
"Justement, et là elle baissa la voix, serra un peu plus fort sa menotte, justement, ils craignent le pire si comme à ton habitude, tu te montres trop diplomate et les enjeux sont trop importants pour courir aucun risque, elle est beaucoup plus aguerrie aux manipulations que toi, plus méchante, plus calculatrice, plus vicieuse, et mieux payée, elle fera donc un bien meilleur travail."
Disons-le, le petit Emmanuel n'encaissa pas bien la nouvelle.
Il avait eu l'occasion plusieurs fois de côtoyer sa Tatie teutonne dans divers dîners et éprouvait envers elle une sorte d'effroi. Il savait d'autre part qu'elle était la chouchoute de ses oncles du Palatinat depuis qu'elle s'était montrée si zélée dans l'autocratie sanitaire et la stimulation anti-slave. 
Mais il allait de soi que sa présence allait gâcher ce séjour si attendu, qu'elle allait vouloir occuper le devant de la scène à tout prix.
"Que va-t-il alors me rester à part ces foules d'autochtones qui menacent de me décapiter parce qu'elles n'entendent rien à mon art ?"
Sa tutrice qui évidemment l'accompagnerait lui susurra à l'oreille : "Si elle fait tout le boulot à ta place, nous aurons tout le temps d'aller manger des nems !"


11/06/2024

Le petit Emmanuel entra dans l’alcôve comme une bombe.
Ma tutrice, hurla-t-il, ma tutrice, pourquoi ne m'aiment-ils donc plus ?
Et c'était une remarque parfaitement justifiée, personne ne l'aimait, même parmi ses anciens camarades de jeu il faut reconnaître qu'on pouvait observer depuis quelques temps une baisse d'enthousiasme qui se manifestait par certains bâillements lors de ses allocutions ou par un manque d'entrain lors des séances obligatoires pluri-quotidiennes d'applaudissements.
Tous cependant s'accrochaient à leurs prérogatives comme les moules au rocher du pouvoir et de ses falbalas et donc tous développaient des stratégies de plus en plus subtiles pour continuer malgré l'ennui à bénéficier de ses largesses.
Excepté, bien-sûr, sa tutrice qui, elle, demeurait fidèle à elle-même dans son isoloir, essayant et réessayant ses robes, commandant et recommandant des centaines de couverts en argent, tentant d'aménager des soirées dignes des grandes heures de la monarchie absolue et de ses éclats.
Elle aurait dû être reine. C'est tout. Elle s'évertuait à le prouver jour après jour, souriant et souriant encore de toutes ses dents à chaque commémoration, à chaque remise de médaille, totalement identifiée à son rôle. Elle sollicitait l'attention de quelques-unes de ses collègues à l'international, parfois assez maladroite dans la maîtrise du protocole mais si créative dans les modalités originales de ses réceptions qu'on lui pardonnait presque ses impairs. Après tout, n'était-elle pas seulement une parvenue, un exemple de l’ascenseur social aménagé pour certains de ses enfants par la république et qui, une fois pris, ne redescendait jamais si on savait se faire des relations et sur quelle touche appuyer pour rester dans la cabine.
Il y avait cependant eu quelques indices avant-coureurs de la déliquescence de l'audimat mais cela faisait partie du jeu et le petit Emmanuel de toute façon, était incapable de percevoir aucun signe donné par quelqu'un d'autre que lui-même. Tout allait au mieux. Jusqu'à ce récent retour, si cruel, de manivelle qu'ils avaient pris tous deux en pleine face, prêts à faire leurs valises pour émigrer vers les Iles Caïman en cas d'insurrection et se pinçant l'un l'autre pour se persuader que la messe était peut-être dite et qu'il allait falloir chercher des lieux d'exercice hors du territoire hexagonal.
Le petit Emmanuel continuait pourtant aux yeux de sa tutrice à faire bel effet : "Quel merveilleux rhéteur, quel sophiste débridé !" disait-elle à sa manucure, grignotant quelques petits macarons tout en repassant en boucle sur son ordinateur portable sa treizième déclaration hebdomadaire, celle où il portait son si joli costume bleu nuit et où les maquilleuses avaient vraiment fait des miracles pour lui donner le teint frais.
"C'est curieux tout de même, poursuivait-elle, qu'il n'ait pas encore fait l'objet d'une tentative d'assassinat, il est impliqué, téméraire, décidé à escalader encore un peu les marches du népotisme, celles de l'oligarchie, de la tyrannie évidemment si besoin et toutes les autres, en se montrant, en plus d'être un diplomate visionnaire, un chef de guerre accompli !"
Il lui avait confié, un soir, en sirotant un bourbon prestigieux à la santé de ses oncles d'Amérique, qu'il adorerait quitter la scène publique locale en fanfare, au roulement des tambours des grandes catastrophes planétaires dont il avait la prérogative et il ajouta pendant qu'elle l'embrassait sur le front, qu'il se sentait l'âme d'un Alexandre le grand post-moderne. Elle était entièrement d'accord.
Bien-sûr, l'histoire étant toujours ingrate avec les leaders charismatiques lorsque la vérité sortait enfin du trou, et tous deux ignoraient encore qu'ils resteraient dans les annales comme le couple présidentiel le plus haï de toutes les républiques depuis la première.
Ils l'ignoraient parce qu'ils travaillaient main dans la main, sous l'œil sagace de leur tatie du Palatinat pour l'avènement du changement et que le petit Emmanuel n'avait comme seul projet politique que la ferme intention de devenir le chef de ce changement à l'échelle mondiale et même plus loin.
Dans le mouvement incessant de leur ascension vertigineuse, balisée de décisions aberrantes, de ruines à peine identifiables et de déclarations inintelligibles, qui laissait comme une odeur de sulfate derrière elle, ils n'avaient pas le temps ni la force de regarder autour d'eux, enclos qu'ils étaient dans la forteresse de leurs fantasmes devenus réalité et dans la griserie que procure le pouvoir, son exercice et surtout ses abus, griserie toujours renouvelée à chaque choix décisif impliquant les reprises en main, la conservation relative ou plus simplement la totale disparition de tous ses administrés auxquels, quoi qu'il arrive, il survivrait de toute façon.
Il était protégé, en sus des cabinets anglo-saxons et des négociants de couteaux suisses complètement globaux qui le guidaient, par sa légende autochtone soigneusement entretenue, sa biographie tout imprégnée de son excellence et des limites inatteignables de son intelligence exceptionnelle.
On avait pris l'habitude de croire que lorsqu'on ne comprenait pas bien la logique de ce qu'il décidait, et il décidait sans arrêt, qu'une certaine toute-puissance machiavélique l'animait, le considérant comme une pointure de subtilité stratégique et d'anticipation habitée par des démons manipulateurs.
C'était tout à fait faux. A l'image de tous les débris de matière grise dont il avait fait sa spécialité de s'entourer, le petit Emmanuel était simplement un peu bête, au sens où rien de ce qu'il disait, imposait, assurait, promettait, n'était vraiment issu de sa propre réflexion ni de son génie politique mais lui était envoyé comme consigne par textos.
Rien de ses tocades n'était inscrit dans une anticipation des enjeux, à part celle de mettre au mieux le bordel le plus complet, dans une perspective à moyen ou long terme.
Sous sa calotte crânienne ne bouillonnait aucun autre projet que sa maintenance en haut-lieu, de plus en plus haut même si le lieu lui-même était encore assez peu délimité et si il ne savait toujours pas qui et surtout quoi il était supposé y promouvoir à part lui-même.
Dans ce vide abyssal où il errait et où son unique capacité était celle d'offrir en cascade plein de passages à l'acte incongrus qu'il cherchait à faire valoir comme du courage politique, sa seule arme était ce qu'il savait dire, et il le disait, exigeant d'être vu et revu et re.revu par son patronat, par sa patrie, par son peuple, par ses vassaux et ses ennemis, par les étrangers, les vieux, les agonisants, par les adolescents, les minorités, les laboureurs et leurs enfants, les habitants de Vézon la romaine, ceux du quartier Tabarre à Port au prince, tout ce monde flou pour lui mais tellement éducable qu'il menait depuis des années de son pas ferme vers leur transfiguration positive.
Immunisé aux conséquences, n'ayant que son verbiage pour se donner du corps et la ligne bleue ultra-vosgienne à l'horizon, il leur offrait avec générosité le flux incessant de sa logorrhée bénie des dieux du marché, érigée au cours de toutes ces années en une forme de délire monomaniaque et que quiconque écoutant un tant soit peu ne pouvait qu'entendre résonner comme une conque.


11/06/2024 

 Il était devenu en quelques jours tout vert. Verdâtre, plutôt. Il tournait sans interruption dans les deux-cent-trente pièces du Palais, suivi d'assez près par ses quatre gardes du corps et maugréait. 
"Cesse de maugréer ! lui avait suggéré sa tutrice, parle-leur, ça devrait finir par s'arranger !"
Mais elle savait que c'était cuit, elle avait discrètement intimé l'ordre à ses femmes de chambre de tout mettre dans des valises, des coffres,  des containers, elle était fermement décidée à ne rien laisser à leur successeur de tous ces jolis colifichets accumulés au cours du quinquennat et quelque.
 Le soir elle accueillait le petit Emmanuel dans son giron et le travaillait au corps afin qu'il accepte enfin la dure, l'injuste, la terrifiante réalité. 
"Dis-toi bien que nous avons de quoi assurer nos arrières off-shore et que la Floride est un très joli département" 
"C'est vrai" répondait-il. 
"Dis-toi bien qu'il y a encore peu de temps, tu aurais été décapité tout de même !" 
"C'est vrai" répondait-il. 
"Dis-toi bien que rien de tes exactions, de tes compromissions, de tes corruptions, de tes mensonges, de tes lâchetés, de tes décisions fumeuses, de tes innombrables ratés diplomatiques ne sera jamais sanctionné d'aucune façon !" 
"C'est vrai"  répondait-il 
"Dis-toi bien que d'ici quelques heures, plus personne ne se souviendra de ton nom, ni des raisons pour lesquelles tu es déchu, ni de rien !" 
"C'est vrai " répondait-il 
"Dis-toi bien qu'ils ont déjà trouvé quelqu'un d'autre à lyncher et que c'est la seule vraie vérité : l'amnésie totale, l'amnésie partielle, la passion de l'ignorance et celle d'être du côté des justes sans jamais devoir dire ce qu'est la justice."
"C'est vrai " répondait-il 
"Dis-toi bien que déjà, plus personne parmi tous ces déliquescents ne pense cinq secondes à ceux qui les ont fait entrer dans l'arène, tu sais, ceux avec lesquels tu as tant joué tout ce temps !"
"C'est vrai" répondait-il 
"Dis-toi que tu n'existes déjà plus pendant qu'ils se déchirent pour savoir qui est du côté de l'histoire, comme si l'histoire avait un côté et que personne, tu m'entends, personne n'a aucunement le souci d'avoir été élu et de représenter qui que ce soit à part lui-même, enfermé dans le petit corset de ses affirmations démagogiques, de ses dogmes idéologiques vaseux et de ses appartenances radicales momentanées !"  "C'est vrai" répondait-il 
"Dis-toi bien que tout ça c'est de la soif, de la soif de pouvoir, et crois-moi,  je sais ce dont je te parle. De la soif de règne, de la soif de fiction et de couverture médiatique dirigées du ciel global du Palatinat où les top jobs se rassemblent pour te regarder te noyer."
"C'est vrai" répondait-il. 
Le petit Emmanuel sortait de ces cours de catéchisme en pleurs. 
Il aurait tant voulu devenir chef de la Grande Armée de la paix, comme sa tatie le lui avait promis. Il sassait et ressassait sans fin, se regardant des heures entières dans les innombrables miroirs du Palais, se trouvant pourtant, disons-le , très avenant. "J'ai pourtant bien vieilli."  soupirait-il. 
Il tentait régulièrement d'appeler ses partisans, ses alliés, ses ministres, ses serviteurs, ses collègues, ses supérieurs afin de trouver un peu de réconfort dans leurs paroles de soutien. 
Niet, nada, queudal, rien, personne ne répondait et toutes les sonneries restaient plantées dans l'espace satellitaire faisant résonner à ses oreilles le bip bip de l'abandon. 
"Suis-je donc si seul ?" 
Évidemment.
 "Moi qui avais pour ce pays un projet de destruction totale que vantait  Bloomberg et dont même Larry approuvait la délicatesse ! Que s'est-il passé ?"
Il continuait de maugréer, partait soudain dans des envolées sophistes magistrales, certain que même son plus terrible ennemi côté rhétorique et harangue fanatisée serait laissé sur le plancher puis, tout aussi brutalement, s'effondrait dans un coin lambrissé d'un salon. 
"Au moins,  je ne porte pas des vestes  à col créoleo-trotskistes et je n'ai pas les yeux qui sortent de leurs orbites quand je discours" 
Bien-sûr il entendait les bruits de la rue, ça semblait chauffer dehors mais il était soulagé par le fait que personne ne le désignait plus comme la bête à abattre. 
Après-tout, face à ce nouvel échiquier dont il avait lui-même dessiné les cases, il allait peut-être s'en sortir sans trop d'encombre, tout le monde ou presque continuait de lui accorder une capacité de magouillage  et d'anticipation hors-pair et une force intellectuelle hors du commun. Il savait, au fond de lui, que c'était très surfait et que la seule chose qu'il maitrisait était l'enchaînement de clichés verbeux qui exerçaient leur pouvoir soporifique sur la masse de ceux qui n'étaient pas grand chose. 
"Si j'accepte de rester à mon poste encore un peu, ce ne sera pas plus compliqué de commander et de détruire tout le bazar qu'avec les bras cassés et les matières grises décolorées qui m'entouraient jusqu'alors. Je pourrais encore appuyer sur le bouton, après tout, c'est ça qui compte, je m'étais juré de pouvoir jouer au Général, au Guide suprême, au Duce, au Führer, au Caudillo, etc." 
Il hésitait, ayant le projet depuis longtemps de se réserver du temps pour écrire lui aussi un roman érotique autobiographique et pratiquer le jet ski d'une façon plus régulière. 
Partir, revenir, repartir, d'autres que lui ayant tant de mal à quitter les feux de la rampe et leur chambre d'écho sur l'infini l'avaient bien fait et n'en étaient pas morts. 
Le petit Emmanuel n'avait pas la moindre notion  de ce que pouvaient être le ridicule, ni le déshonneur, ni la fatuité. 
Comme tous ceux qui faisaient tourner la grande roue des partis et cracher les animaux domestiques dans le bassinet de leur mission politique, il n'avait pas non plus idée de ce qu'étaient les gens. Donc, au fond, tout allait bien dans le monde parallèle des centralisations inébranlables, de l'engagement idéologico-sectaire rémunéré, des hoquets globalistes et des obsessions d'ascension consanguines.
 
02/07/2024
 
"Est-ce qu'on m'a bien vu ? " demanda le petit Emmanuel à sa tutrice, à peine assis dans les sièges confortables de l'avion spécialement affrété pour le survol de l'océan Atlantique qui les ramenait au bercail.
Elle se contenta de lui sourire d'un air compatissant.
Sa prestation en effet l'avait en partie déçue, la vedette lui ayant très clairement été volée par son grand-oncle du Palatinat qui avait attiré à lui tous les regards par sa performance rhétorique exaltée.
Elle soupira, se demandant en silence si elle n'avait pas choisi le mauvais cheval, trop impulsif, trop nerveux, et si elle n'aurait pas été plus à sa place comme Première dame de la nation la plus exceptionnelle du monde. Le terme si poétique de "Première dame" lui-même lui arracha un léger geignement mais elle baissa la tête, remis en place du bout des doigts sa perruque et offrit un Kinder bueno au petit Emmanuel qui jouait à sa Nitando en poussant de petits cris d'excitation.
"Je hais la politique intérieure, lui dit-il la bouche pleine, je hais les constitutions, je hais les ministères, les assemblées, je hais la présidence de ce pays, je vais demander à en changer, je veux devenir Prince du Lichtenstein."
Les derniers temps, ce pays, dont il avait souvent du mal à se rappeler le nom, avait en effet été une source de grande amertume et il s'était résigné, avec l'appui de sa tutrice, à mettre sa main au feu.
"Je vais tous les faire sauter !" s' était-il écrié un matin en sortant de son lit.
"Je les hais, je les hais, je les hais !!!"
"Je vais les dissoudre, un par un, tous ensemble, je vais rebâtir un nouveau palais ailleurs, dans une contrée plus belle, plus riche, plus civilisée et qui parle anglais."
Tout le monde, animaux domestiques compris, s'était écrié à l'imposture face à cette décision prise si rapidement, si brutalement et dans laquelle personne ne voyait la moindre once de logique politique. Il les avait tous rassurés en leur disant qu'ils avaient tout leur temps mais qu'il y avait urgence.
En plongeant son regard bleu-nuit dans l'épaisseur des nuages, il pensait à tous ceux qu'il allait devoir retrouver une fois son palais regagné, il pensait aux interminables couloirs, aux heures d'inactivité qui le plongeaient dans un ennui profond dont il ne pouvait s'extraire qu'en usant de son tonifiant favori. Il pensait à la foule de ses ministres, à tous ceux qui tapaient aux portes avec leurs petits poings afin de prendre leurs places.
Il avait appris chaque détail des trahisons multiples qui touchaient les rangs déjà fragiles de sa coterie. Il avait trouvé tout ça extraordinaire d'intelligence tacticienne. "Je n'aurais pas fait mieux !"
" Bon débarras, je les garde donc tous !"
Il comparait cette meute à l'ordre digne et si impressionnant de ses vingt-neuf compères du Palatinat, avec leurs costumes si bien taillés, avec leur impassibilité, leur cynisme et leur détermination à en finir une fois pour toute avec le monde vivant. "Voilà, voilà, tutrice, ce sont des hommes, des vrais, se révoltait-il, as-tu vu comme le directeur du Palatinat est grand, élégant, comme il est compétent ? Je vais lui demander de me rejoindre au gouvernement et je le nommerai Ministre des anciens combattants"
Sa tutrice, le sentant à cran, n'osa pas le contredire en lui apprenant que ce ministère avait, comme tous les autres, été renommé, et elle se dit que, de toute façon, dans le contexte actuel, il serait de bon aloi de le renommer de nouveau.
"Comment hésiter, comment souhaiter revenir dans ce pays où tout a été détruit et où je n'ai plus rien à me mettre sous la dent question carrière, inaptitudes en tous genres et démagogie ?"
 
 
 
12/07/2024
 
 

"Est-ce qu'on m'a bien vu ? " demanda le petit Emmanuel à sa tutrice, à peine assis dans les sièges confortables de l'avion spécialement affrété pour le survol de l'océan Atlantique qui les ramenait au bercail.
Elle se contenta de lui sourire d'un air compatissant.
Sa prestation en effet l'avait en partie déçue, la vedette lui ayant très clairement été volée par son grand-oncle du Palatinat qui avait attiré à lui tous les regards par sa performance rhétorique exaltée.
Elle soupira, se demandant en silence si elle n'avait pas choisi le mauvais cheval, trop impulsif, trop nerveux, et si elle n'aurait pas été plus à sa place comme Première dame de la nation la plus exceptionnelle du monde. Le terme si poétique de "Première dame" lui-même lui arracha un léger geignement mais elle baissa la tête, remis en place du bout des doigts sa perruque et offrit un Kinder bueno au petit Emmanuel qui jouait à sa Nitando en poussant de petits cris d'excitation.
"Je hais la politique intérieure, lui dit-il la bouche pleine, je hais les constitutions, je hais les ministères, les assemblées, je hais la présidence de ce pays, je vais demander à en changer, je veux devenir Prince du Lichtenstein."
Les derniers temps, ce pays, dont il avait souvent du mal à se rappeler le nom, avait en effet été une source de grande amertume et il s'était résigné, avec l'appui de sa tutrice, à mettre sa main au feu.
"Je vais tous les faire sauter !" s' était-il écrié un matin en sortant de son lit.
"Je les hais, je les hais, je les hais !!!"
"Je vais les dissoudre, un par un, tous ensemble, je vais rebâtir un nouveau palais ailleurs, dans une contrée plus belle, plus riche, plus civilisée et qui parle anglais."
Tout le monde, animaux domestiques compris, s'était écrié à l'imposture face à cette décision prise si rapidement, si brutalement et dans laquelle personne ne voyait la moindre once de logique politique. Il les avait tous rassurés en leur disant qu'ils avaient tout leur temps mais qu'il y avait urgence.
En plongeant son regard bleu-nuit dans l'épaisseur des nuages, il pensait à tous ceux qu'il allait devoir retrouver une fois son palais regagné, il pensait aux interminables couloirs, aux heures d'inactivité qui le plongeaient dans un ennui profond dont il ne pouvait s'extraire qu'en usant de son tonifiant favori. Il pensait à la foule de ses ministres, à tous ceux qui tapaient aux portes avec leurs petits poings afin de prendre leurs places.
Il avait appris chaque détail des trahisons multiples qui touchaient les rangs déjà fragiles de sa coterie. Il avait trouvé tout ça extraordinaire d'intelligence tacticienne : "Je n'aurais pas fait mieux !"
" Bon débarras, je les garde donc tous !"
Il comparait cette meute à l'ordre digne et si impressionnant de ses vingt-neuf compères du Palatinat, avec leurs costumes si bien taillés, avec leur impassibilité, leur cynisme et leur détermination à en finir une fois pour toute avec le monde vivant. "Voilà, voilà, tutrice, ce sont des hommes, des vrais, se révoltait-il, as-tu vu comme le directeur du Palatinat est grand, élégant, comme il est compétent ? Je vais lui demander de me rejoindre au gouvernement et je le nommerai Ministre des anciens combattants"
Sa tutrice, le sentant à cran, n'osa pas le contredire en lui apprenant que ce ministère avait, comme tous les autres, été renommé, et elle se dit que, de toute façon, dans le contexte actuel, il serait de bon aloi de le renommer de nouveau.
"Comment hésiter, comment souhaiter revenir dans ce pays où tout a été détruit et où je n'ai plus rien à me mettre sous la dent question carrière, inaptitudes en tous genres et démagogie ?"
 
 
 
20/07/2024 


C'était trop.
C'était insupportable !
C'était injuste, injuste, injuste !
"Je devais être le chef en chef du monde ! Ils me l'avaient promis si je démantelais tout proprement ! Je l'ai fait, je l'ai fait ! J'ai tout détruit, liquidé, j'ai ôté jusqu'à la dernière bouffée de conscience morale de leurs esprits vénaux et regarde le résultat ? On me demande de quitter la scène, de me faire oublier !"
Le Petit Emmanuel, caché dans le grenier de sa résidence d'été du Port de Briançon observait les diverses magouilles qui s'effectuaient en pleine lumière, magouilles dont jusqu'alors il était persuadé avoir l'exclusivité, une sorte de spécialité, de talent, de don inné pourrait-on dire !
Eh bien non, il voyait douloureusement la réalité de ce qui continuait de s'effectuer sans lui, en mieux en fait, comme si tout son labeur, toutes ses heures consacrées à maintenir le niveau de puanteur à un seuil stable de nuisance, un travail quotidien, exigeant une maîtrise de la duplicité parfaite n'avaient servi à rien.
Comme si il avait été le simple jouet d'une machine fonctionnant en autonomie et nourrissant les velléités de pouvoir et les prérogatives de tous les pourris, les véreux, les corrompus, les serviles sans même avoir besoin d'aucune figure de marque pour la guider dans la bonne direction.
Il en pleurait de désappointement !
"Regarde ma tutrice ! Regarde comme ils ne comprennent rien au système de la représentativité ! Regarde comme ils ne la prennent plus que comme une affaire de personnes, regarde comme ils ont installé un immonde esprit sectaire dans tous les couloirs de nos belles institutions, regarde ma tutrice comme ils ont vite appris à évacuer toute forme d'honneur et de dignité, toute intelligence du monde politique ! Je n'aurais pas fait mieux, tu le sais ! Je suis dépassé par cette pègre sans gratitude !"
Et il pleurait, et il pleurait.
Chaque nouvelle de sa capitale était pour son orgueil un nouveau choc à encaisser.
"Ils ont réélu cette affreuse qui me répond comme directrice des débats !"
Et c'était vrai, tous en chœur ils avaient reconduits ce qu'ils s'étaient fait un devoir d'éliminer à chacune de leur prise de parole sur la platitude des écrans mais ça n'avait plus d'importance.
Le coup le plus insupportable pour lui avait été la nomination pour l'éternité de sa tatie teutonne, nomination sur un programme sans surprise de destruction absolue et d'asservissement de tout ce qui dépassait.
On connait le goût pour l'ordre de ces gens d'Outre-Rhin !
Sa tutrice ne put s'empêcher de lui rafraîchir la mémoire : "Mais mon chéri ( Lorsqu'elle l'appelait "mon chéri", une sérieuse mise au point suivait généralement.) Mon chéri, tu sais pourtant comment ça marche, là-bas chez les Belgae, il suffit de leur offrir quelques places gratuites à Euro-Disney pour qu'ils vous mangent dans la main ! Tu sais aussi comme ta tatie teutonne excelle dans la distribution de pot-de-vin, tout ça ne devrait pas te surprendre !"
Le petit Emmanuel sentait bien que l'affaire européenne lui échappait, à lui qui avait tant misé et œuvré et prié pour en faire un immense pays unique et grandiose avec ses merveilleuses six-cent-vingt-quatre régions toutes diverses et incluses dirigées de main de maître par une équipe de technocrates augmentés.
Il enrageait, ayant tant espéré pouvoir créer cette armée genre napoléonienne mais en plus postmoderne !
Et surtout, surtout, en devenir le Chef, le Chef des armées de l'anéantissement !
Le regard perdu au loin sur l'horizon, il soupirait encore et encore, sa tutrice évidemment était un peu inquiète et avait pris la peine de contacter son homologue transatlantique pour obtenir quelques conseils : "Hello ! What's up?"
"Comment faites-vous pour le persuader de rester dans la course ?" lui demanda-t-elle.
"Mais la situation est totally different !" lui avait répondu, assez sèchement, son homologue transatlantique. "He is complètement sénile, il fait ce qu'on lui dit même si il ne sait pas ce qu'il fait !"
La tutrice raccrocha, dépitée par le manque d'empathie et par le niveau d'indifférence à la misère humaine du monde politique en général mais elle ne se découragea pas et approchant du petit Emmanuel encore perdu dans ses rêveries désabusées lui dit : "Écoute, reprends-toi, ce n'est pas ta première dépression isn't it? N'oublie-pas que tu as encore deux bonnes années pour faire n'importe quoi et tous les emmerder ! Allez mets ton joli blouson et ta casquette, sortons nous faire reluire, je t'offre une glace !"
 
 
 
30/07/2024 
 
"De quoi ?"
Le petit Emmanuel en était devenu tout vibrant d'exaspération.
"De quoi ?"
Ses conseillers lui avaient distillé les nouvelles une à une à voix basse et sincèrement, il n'en croyait rien.
"De quoi ?"
Pourtant si, pourtant si, ça n'avait pas vraiment plu à la surface du globe.
Et de lui fournir quantité de brochures, d'extraits de podcasts en Birman, en Cornique, en Basque, des quantités de gros titres, venus de divers angles du monde, Asie, Afrique et tout le tremblement qui montraient, puisque c'était nécessaire, que l'ensemble de la planète était plutôt refroidi par ce qu'il avait anticipé comme le spectacle le plus incontestablement parisien, le plus foutrement innovant de tous les spectacles depuis le début des temps.
Il en connaissait toutes les étapes par cœur, ayant lui même planché sur chacun des thèmes, chacune des interventions et non, vraiment il ne voyait pas ce qui pouvait les défriser là-dedans.
C'était novateur, novateur et novateur.
C'était complètement inclusif.
De toute façon, qu'ils se la mettent tous où ils voulaient, c'était ces gabegies de travestissement qui l'excitaient et il avait bien précisé au petit factotum que rien de la norme si ennuyeuse et de l'histoire si hétéronormée de ce pays dont il ne se souvenait plus du nom qui avaient été en vigueur depuis beaucoup trop longtemps ne devait être perceptible.
Le petit Emmanuel en faisait une affaire personnelle, comme tout ce qu'il décidait jour après jour, et il avait décidé de transformer cette cérémonie, un peu coûteuse, il en convenait, mais on a rien sans rien, en hommage à sa tutrice bien-aimée.
Le petit Emmanuel ne voyait jamais au-delà de la sphère révolutionnaire du changement, sphère somme toute assez restreinte, de ceux qu'il avait choisi et dans les banquets et les festivités quasi quotidiennes qu'il organisait avec sa tutrice au Palais, il ne s'enquérait jamais des avis des invités.
Quelle fût donc sa surprise lorsqu'il appris que ça n'allait pas fort partout ailleurs et que les prouesses de ses artistes anémiés payés les yeux de la tête et plus n'étaient certes pas du goût de tout le monde.
"De quoi ?"
Cette sorte de retour de manivelle n'avait pas du tout été anticipé et il avait beau savoir que ses lampistes lui arrangeraient une bonne pirouette pour le sortir de là, c'était rageant, rageant et rageant de voir à quel point il était une fois de plus méconnu, mal compris, dénigré par toute cette population conservatrice qui le huait et se rebiffait contre la délicatesse pourtant évidente de son bon goût et de ses choix esthétiques et prosélytiques.
"Je sais comment traiter les majorités, qu'ils ne l'oublient jamais, j'ai fait mes preuves et ma tatie teutonne prépare pour la rentrée un bel outil d'enfermement des récalcitrants qui sera pour l'ordre et la tolérance une avancée fulgurante"
Il enrageait, il bavait légèrement d'amertume, il allait encore falloir s'excuser, il allait encore falloir s'adresser à son peuple pour éduquer, et encore éduquer à ce tournant anthropologique majeur qui mettrait uniquement des eunuques et des invertis bien montés à la tête de tous les projets culturels pour le reste du millénaire.
"Je vais réécrire la constitution, tu vas voir ma tutrice !"
Sa tutrice, lorsqu'il lui déploya un à un les changements radicaux qui se préparaient, se sentit toute chose et lui demanda si il avait prévu d'y adjoindre les figures de la répression pour les lents et les insubordonnés de tous bords.
"Ils ne sont pas de tous bords, Tutrice, ils sont tous d'extrême-droite et je suis depuis quelques heures centre-gauche."
"Oui, bien sûr mais as-tu pensé à rafraîchir la mémoire de la réaction et à lui suggérer ce qui lui pend au nez en conviant ce bel outil qui permit dans nos heures les plus performantes, de mettre toutes les têtes dans le même panier ?"
Et il fût ravi de cette généreuse idée, de ce rappel subtil des grandes heures de l'effroi, et il lui jura qu'il ne manquerait pas d'insister auprès du groupe de scouts progressistes en charge afin qu'ils intègrent l’esthétique et la perspective bienfaisante de la terreur dans leur prestation fédératrice atemporelle.




 


Pure-Victime