8.30.2025
La chasse aux vieux N°6 ( Une suite sans fin)
8.24.2025
Le politique et la Creuse
8.12.2025
Ce qui ne nous tue pas ... N°2
8.11.2025
Ce qui ne nous tue pas...N°1
Il en va, pour chacun, d'une sorte d'effort permanent pour ne pas être englouti, absorbé, écrasé par le renouvellement constant des "causes".
Et, cause entre les causes...Qu'en devient-il donc, humain, de ton corps ?
Comme une question sans voix, uniquement posée à travers les distorsions omniprésentes que ce corps subit.
Objet dissocié, victime, source de tant de souffrance, surface muette de tous les fantasmes de modifications, d’amélioration, de réduction, d'augmentation, subis et si cher payés, toujours, au bout du compte.
Car c'est bien ce corps qui, au fond, ayant fait toujours ce qu'il peut au mieux pour survivre à ses dépositaires mal intentionnés, aura le dernier mot.
Il semble, comme nous l'avions déjà senti dans l'air il y a quelques temps, que s'imposent progressivement la normalisation et l'historicisation morale de l'obésité morbide comme banale, évidente comme fait de société et, qui sait, à travers la multiplication des exhibitions médiatiques, des émissions télévisées d'information, de déformation des préjugés et de construction d'une cohabitation "tolérante", car, faute de réel enjeu de recherche des causes de la pandémie, considérée comme inéluctable, on fait face assez rapidement à un phénomène devenant nouvelle norme désirable dans le corps de chacun.
Cette pénétration sur les réseaux, de la "visibilité" de ces hommes et ces femmes pesant tous plus de 25O kilos et montrant, en signe d'acceptation d'eux-mêmes, toutes les parties de leur corps, s'effectue, comme tous les mouvements des mentalités et les évolutions de représentations, sur la binarité passionnelle du spectateur tolérant ou jugeant, ainsi que sur les projections de toutes les personnes partageant plus ou moins la même situation, sachant que là encore, le plus est à considérer comme un mieux et que de la monstruosité difficile à montrer, nous sommes passés à une surenchère dans l'exhibition de ce qu'il est possible d'accumuler de graisse tout en restant quelque peu vivant.
L'extrême manifestation de la démocratisation-totale est sa capacité à tout prendre, à ne pas pouvoir trier au sein du flux constant des profils, portraits, publications, témoignage, memes, slogans, chacun mis sur la scène globale afin de représenter quelqu'un, un parmi les milliards d'autres, urgemment cherchant à se montrer, à se prévaloir, à se décrire en attendant de cette mise à nu un retour en masse des validations, négatives, agressives ou laudatrices, peu importe, le champs des commentaires étant un champ de bataille, là pour ça et par ça, que tout ce qui s'y énonce se doit d'être ouvert aux extrémités de la tolérance totale, de l'empathie perfusable, ou aux affres condamnables de la réaction.
Ce flux permet de rendre palpables les tendances à l'acceptation de tout par tous qui hisse au rang de martyr les excroissances du néolibéralisme et leur atteinte radicale aux corps.
Il ne s'agit pas évidemment de nier la souffrance totale que représente l'obésité morbide pour celui qui la supporte, mais de questionner ce que cette obésité engendre progressivement de capacité de visibilité médiatique, de possibilité de mise en scène et de qualification de soi sur la place globale et, mis à part les bénéfices secondaires obtenus par toute forme de célébrité, quelle qu'en soit la raison, de revenir sur ce que cet appel à la dualité voyeurisme/ exhibitionnisme en jeu dans les posts occulte des causes initiales de ce phénomène planétaire et des responsabilités des manipulateurs d'opinion qui, ici comme dans tous les "troubles" biopsychiatriques utilisés comme couverture identitaire, s'impose à tous comme une forme d'évidence anthropologique collective à placer sous les augures de l'acceptation.
Les tendances, également, d'un écrasement de toute valeur, morale, esthétique commune au profit de la seule exhibition d'un "soi" en l'état, réduit aux souffrances infligées par ce corps qui déborde de partout et des "avis" sur cette exhibition.
Ce qui est attendu à travers la monstration de ces centaines de corps ayant dépassés toute mesure humaine par leur poids, ces corps de plusieurs centaines de kilos, incapables de se déplacer, de s'asseoir, de pourvoir à aucune des tâches habituelles et totalement dépourvus de toute espèce d'autonomie, c'est le lent mouvement, déjà entamé depuis plusieurs décennies, d'un glissement des normes touchant la beauté, mais aussi et surtout la santé, l'autonomie, le statut d'indépendance lié à l'âge adulte qui, à s'afficher comme source de bienveillance du public élargi des médias sociaux, tend à imposer ses propres normes en récusant tout avertissement sur les origines de cette crise des obésités morbides qui excède tout ce que l'humain a jamais pu atteindre comme signe de ses excès, toutes civilisations confondues.
On touche dans la multiplication de ces "cas" aux confins de l'humain envisagé par le Forum de Davos : n'étant plus qu'un objet inactif, assouvissant de sa propre jouissance.
A travers cette mise en scène de l'horreur de sujets comme absentés de leur corps et réduits au rapport externe entre leur tube digestif et leur matière organique, réduits à la seule fonctionnalité digestive au dépend de toutes les autres, corps totalement invalides, passifs, nourris sans jamais participer à la quête de cette nourriture, se mettant en scène sur le grand écran global avec la seule motivation d'un "pourquoi pas moi" s'étayant sur leur monstruosité, exhibition qui, une nouvelle fois ne demande aucune qualité humaine, aucune réalisation, aucun trait de caractère ou aucun savoir particuliers mais la seul garantie d'"être", pour devenir légitimable, on assiste au même glissement que ceux qui favorisèrent l'usage hystérique de la chirurgie esthétique, des infiltrations de botox, ou l'identification de soi ou de ses enfants en tant que trans, ou en tant que "Furry", autrement dit une manifestation collective du terme d'un processus qui élimine tout le contexte de son apparition et des origines de ce qui s’exhibe dorénavant, en bout de tranchée, comme un fait.
Acceptable ou non, soumis à la législation concernant les "propos haineux" dès que quelques avis un peu dubitatifs questionnent simplement la voie prise pour en arriver là ou les origines de cette apocalypse nutritionnelle et vitale.
Si ces corps, sans même devoir évoquer la kyrielle de maladies dont ils sont évidemment porteurs, deviennent "juste" visibles et pris dans le grand mouvement d'acceptation de tout par tous, les questions sur la genèse de cet état morbide sont évidemment évacuées au profit d'un retournement des responsabilités en nécessaire travail d'acceptation des "masses" à leur égard.
La banalisation évoquée plus haut a déjà, dans d'autres secteurs, montré sa rapidité d'action sur les mentalités et sa force de conviction et de contrainte, qui amène l'Esprit de mode à éliminer toute dynamique critique réactive au profit de valeurs sans cesse modulables par l'empathie, la solidarité, la bonté, le soutien, toutes ces données morales inoculées quotidiennement au public global, supposées faire partie du kit démocratique de l'ultra-libéralisme, pour qui tout, n'importe quand, n'importe où, est possible et acceptable à la seule condition que cela convienne au désir de l'individu, et de faire ingurgiter cette évidence comme fleuron du progressisme.
A la condition aussi, qui a induit, par son absence, un effondrement des maniements les plus sommaires du raisonnement logique de tout l'Occident, de ne jamais poser de questions sur les origines, sur les fins et les processus d'advenir de ces tendances qui s'imposent comme partie d'un supposé "cours de l'histoire" alors qu'elle ne sont que des retours devenus visibles, quantifiables, des manipulations antérieures effectuées dans le silence des laboratoires du capitalisme scientiste dégénéré.
A la condition aussi de postuler dans cette imposition d'un diktat moral collectif de tolérance à la "vulnérabilité" comme norme, autre chose qu'une autre forme de manipulation à même de pouvoir percuter comme déplacé n'importe quel sentiment de réserve face à l'absurde et au suicide latent de tout ce qui est supposé qualifier "l'humain" comme devant, pour sa propre survie s'imposer des limites et des règles.
A suivre
7.20.2025
Sur le pont d'Avignon ...petit commentaire pour la bonne cause.
Sur le Pont d'Avignon
Malgré les sensations de brusques éruptions, l'impression que chaque montée de fureur collective est l'émergence d'une conscience politique de masse, éveillée nuit et jour pour des causes légitimes sur lesquelles aucun doute n'est permis, et qui "font lien" dans le registre de la passion salvatrice, il est envisageable que ces mêmes exaltations, si soudaines, si légitimes, si partagées, quasiment d'un bout à l'autre du globe et de sa modélisation idéologique, n'aient comme fonction que de garantir la tension permanente du système qui est ce qui le tient à la fois rassemblé et, imaginairement, en mouvement constant.
Il faut tout de même se dire que tout évènement, aussi tragique soit-il, aussi révélateur de monstruosité, n'a comme destin que d'être ingurgité, métabolisé comme alimentaire à l'usage du Grand spectacle et que chacun, en élevant sa voix, en parlant fort, en commentant tous azimuts, en militant gaillardement, ou en se positionnant corps et âme comme défenseur de telle ou telle cause qui désignera d'une façon irrévocable et définitive les coupables et les victimes, ne sera, définitivement également, qu'une partie de l'assistance, du public que l'espèce humaine est devenue pour elle-même en se cloisonnant sur une réalité fictionnelle qui lui est déversée quotidiennement en pâture avec le mode d'emploi pour la penser déjà bouclé sur les conclusions nécessaires.
On pouvait, il y a quelques temps encore, croire, par rapport à cette quête insatiable de justice, et de liberté, et d'égalité, qu'elle était incarnée par ce qu'on continue de nommer "la culture" à qui on a confié ce rôle contestataire comme un droit et un pouvoir dont nul n'aurait à contester la légitimité, donc, au sein de cette "culture" on confie, ou plutôt les protagonistes se confient à eux-mêmes la lourde tâche de dire à voix haute où se trouve la bonne cause, qui la défend, donnant ainsi du bon grain à moudre à leur inspiration et les apparences d'une posture hautement engagée à leurs costumes de scène.
On est ainsi, "on" étant ici ce public global auquel chaque être humain, comme seul au sein de la masse, est plus ou moins volontairement réduit de participer, tenu, et réduit à "donner son avis" par touches sur la façon dont les Habitants de la "culture" lui recrachent la soupe de leurs litanies messianiques et de leurs hauts faits médiatico-artistiques sous les divers atours des modalités de l'expression artistique en cours.
Ce qui ordonne, en quelque sorte, cette présentation, sera cet apriori la rendant "messagère" d'une cause qui est supposée "s'opposer", s'opposer à tout : le conservatisme, la réaction, le pouvoir en place, l'extrême-droite, l'oppression, les diverses formes de totalitarismes sauf quelques-unes, etc dans le contexte d'une démonstration qui est elle-même largement alimentée financièrement par ce à quoi elle est sensée s'opposer.
Cette aliénation évidemment a de lourdes conséquences sur ce qu'on avait coutume de nommer la "liberté de penser" sachant que c'est dans le cadre, au fond extrêmement exigu, de la doxa en cours que se choisissent les thèmes de "rébellion" et qu'en s'octroyant une sorte de sauf conduit sur toutes les causes légitimes et leurs défenses en s'instituant légataires officiels de cette nécessaire rébellion, elle génère sans fin une sensation d'auto-satisfaction militante qui ne peut en aucune mesure remplir les cahiers des charges de sa fonction de résistance, ou de contradiction, ou de lutte, ou de contestation, toutes ces fonctions étant par essence nécessairement externes aux postures légitimées qui ne font plus que marquer le consensus au ventre mou du bon droit.
D'une certaine façon, un des meilleurs exemples de la vanité, vacuité de cette institutionalisation médiatique de la révolte et de la condamnation pour son bien du peuple à n'être qu'un public qui applaudira en rythme aux scansions des artistes en ayant le sentiment qu'à travers leur voix, tout est dit, est l'organisation par un des premiers chantres de la révolte d'état, Jack Lang, d'une fête populaire imposée annuellement avec la fête de la musique.
Sans évoquer ce qu'elle est devenue avec le temps, comme la preuve évidente que, si on évoque le "populaire" il est préférable que le "peuple" y soit impliqué, on a là la main-mise, fruit d'une longue histoire de la castration des esprits de la populace, et évidemment de sa culture, sur ce qui a caractérisé les regroupements humains pendant des siècles : l'usage de la fête et sa minutieuse codification comme outil de parole collective, moment de libération et de réorganisation des rôles, des tabous, mais moment qui n'a de sens qu'à s'extraire lui-même des acteurs impliqués, qui deviennent alors à la fois public et participants de ces évènements festifs collectifs.
Un autre exemple est la fusion-confusion du Rock'n roll de la fin du XXième siècle avec une sorte de message de révolte commun postulé, d'évacuation des scories du vieux monde dans l'illusion qu'on pouvait faire la révolution non pas en musique mais avec la musique, d'engagement groupal ou personnel dans une fraîcheur binaire du changement où le public en sentant son pouls battre au rythme des percussions, avait la sensation, d'"en être" alors qu'il était, là aussi, réduit à une fonction de récipient, enthousiaste mais inévitablement passif, et condamné à toutes les manifestations du déplacement hystérique de la passion dans cette officialisation du statut de "fan"atique".
L'offre culturelle contemporaine, c'est à dire du moins sa fonction implicite, est de cadrer, limiter les sujets "dignes" de devenir objets de métabolisation artistique et seuls recevables à ce titre, tout en ayant, implicitement également, la prétention que ces mêmes causes sont baignées dans les magmas identitaires qui n'attendent que ces prestations pour "prendre la parole".
Il n'est qu'à lister les qualificatifs décrivant ces productions quand on les veut flatteurs : décapant, décalé, bousculant les stéréotypes, etc. pour sonder l'énorme appétit pour l'extraction, pour l'alternative, pour quelque chose qui ne ferait pas à longueur d'engagement qu'enfoncer des portes ouvertes où chacun des choix posturaux est fait depuis toujours à l'intérieur d'une champ idéologique extrêmement étroit et surtout conduisant inévitablement à une impasse.
Ce qu'on nommera le syndrome de la "Pure-victime" qu'on retrouve avec cet hommage à Mazan et cet engagement corps et âme des artistes dans la grande chaufferie de la cause palestinienne, offre dans les deux cas, et dans, en fait, tous les cas de passion occidentalisée récents, la nécessité de contourner absolument, dans la mise en place d'une sorte de déni, tout ce qui pourrait introduire un caillou dans la chaussure de la marche en avant vers le "plus jamais ça".
Ces deux "causes", supposées être des miroirs et les divers artistes s'en emparant des chantres de la conscience moralo-politique, mettent en scène un profil qui avait déserté quelque peu notre imaginaire collectif : le profil du martyr.
Le martyr n'a pas de compte à rendre sur sa bonne foi, ni sur son passé, ni sur ses motivations, ni, donc, sur la réalité de sa personne et de son rapport à son environnement, fussent-ils les plus corrompus, violents, pervers.
Ce qui est transformé dans sa nomination au statut de Pure-victime c'est la composante nécessairement ambigüe de toute structure psychique humaine et son lien confus mais permanent avec le pouvoir et la notoriété, même au prix d'un sacrifice ultime. Saint Siméon le stylite nous dit-il, au fond, autre chose ?
Le martyr est hissé, seul, par la masse qui l'offre à Dieu ou au Changement, seul, témoin de ce que l'espèce lui doit et lui rend en lui offrant sa "cause". Seul avec des nuées de cris, de hoquets, de hurlements accompagnant son périple vers la parfaite stérilisation morale.
C'est en cette absence de tache, de souillure, cette purification par le "courage", que réside l'attachement des foules à son objet comme la matérialisation, l'incarnation de toutes ces "luttes" qu'elle se doit de mener pour se sauver elle-même en combattant "l'oppresseur".
La désignation de ces causes et de ces personnes comme martyrs jouent le rôle d'une sorte de rituel conjuratoire, d'expiation et de relégation de toutes les vilainies qui habitent chacun, avec plus ou moins de conscience, en plaçant absolument, radicalement, sans discussion possible le Mal à l'extérieur et en faisant payer ce déplacement par l'identification à l"épreuve" vécue par la cause en question.
Identification peu nuancée évidemment puisqu'elle repose sur une méconnaissance de ce que "cache" de noirceurs cette même cause.
La martyrisation présente une capacité à lier ce qui s'effrite, ce qui sépare, ce qui oppose, ce qui peine à se regarder dans la glace.
L'élévation au statut de Pure-victime permet de confiner l'Equivoque dans les soutes du refoulement et de ce qu'il peut générer de réaction.
Un des intitulés des hommages aux Pures-victimes du Festival est : "aux confins de l'humanité", et c'est exactement de ceci dont il s'agit : sortir par une sorte d'absolution collective la cause choisie des méandres de la réalité "mauvaise" de l'espèce humaine, de ce Mal dont elle ne sait que faire et qui prend le pas régulièrement sur tous ces efforts de redressement puritain.
L'ampleur de l'unanimité autour de ces causes peut, comme on dit, "faire chaud au coeur" du Petit civil engoncé dans la mondialisation si on considère ces levées globales de "soutien" comme des indices de conscience collective en voie de perfectionnement.
Mais on peut aussi ne voir dans ses brutaux moments d'exaltation par milliards pour des "faits", en fait à peine connus dans leur genèse, à peine analysés, mais soutenus avec force, même si leur destin est de retomber dans la fosse aux passions funestes dès qu'un autre objet d'offuscation mondialisé sera hissé sur scène, la force manipulatrice des opinions, leur capacité à s'orienter elles-mêmes par un phénomène de syncrétisme et la fragilité de l'autonomie intellectuelle des "spectateurs" que nous sommes tous devenus.
Bien sûr, on peut s'interroger sur la qualité des martyrs de telle ou telle époque, la nôtre semble plus que de raison leur faire jouer le rôle d'une forme de désengagement de la responsabilité comme mode d'être, comme évidence. Les deux causes évoquées, mais on pourrait en citer d'autres, se caractérisent par le repli total hors des conséquences de leurs propres actes et hors de leur dimension historique.
Le statut de Pure-victime impliquant cette passivation absolue, cette amnésie sur la compromission quelle que soit sa forme, ce qui nous ramène au goût contemporain pour l'"enfance" comme "martyr modèle", aisément promouvable dans toutes les causes même si cette promotion collective imaginaire se paye d'une négligence parfois immonde de l'enfant dans sa réalité et en fait un outil de marketing moral manipulable à merci.
A suivre
7.19.2025
Ça brûle !
Ça brûle !
Evidemment, comme après les quasi quotidiennes agressions des divers "représentants de l'ordre", c'est à dire de toutes ces professions ou ces bénévolats qui sauvent, soignent, éduquent, maintiennent "la paix", c'est à dire empêchent le tissu social de s'enflammer et de s'effriter jusqu'aux cendres, les commentaires sont les traducteurs d'une sorte d'état de choc permanent, d'une incompréhension face à des passages à l'acte qui demeuraient encore, il y a quelques décennies, totalement exceptionnels et pouvaient s'inscrire dans les cases des "faits divers" car ils ne témoignaient pas d'une forme de nouvelle réalité des rapports sociaux.
Nouvelle réalité qui non seulement s'est développée dans la fréquence mais aussi dans l'espace, sortant des lieux confinés des banlieues pour devenir une sorte de mode d'action sur tout le territoire.
On ne peut que s'indigner.
L'indignation, la colère permanente face à cet effondrement si palpable des ossatures réelles et symboliques de ce pays sont des états d'âmes partagés, là, assez démocratiquement, par tous ceux et celles qui voient se réveiller en eux, comme quelque chose de vague mais de réel à défendre, le sentiment d'une appartenance nationale, la certitude d'être de quelque part et liés à ce quelque part par toutes leurs fibres, qu'ils en aient conscience ou non, qu'ils s'en réjouissent ou non au vu de la progressive relégation de cette même nation au statut et aux moeurs d'une sorte de vieux royaume déchu et barbare.
Et ces attaques de médecins, d'ambulanciers, de pompiers, dont on ne peut pas dire qu'ils traduisent un rejet de l'ordre comme les attaques contre les policiers qui se légitiment par une sorte de haine atavique et la douce mélopée victimaire qui la nourrit, ces attaques sont aussi incompréhensibles qu'elles sont monstrueuses.
Cependant, on peut les entrevoir comme des portes ouvertes sur une forme de mal se répandant dans la psyché collective et touchant dans un premier temps les plus "vulnérables", comme ils sont qualifiés dorénavant afin de leur ôter toute velléité d'avoir un peu de prise sur leurs existences et les assigner, même si leur faits et gestes sont les signes d'une violence réelle et peu régulée, à une forme d'impuissance congénitale.
Ce mal, évidemment il est difficile à circonscrire puisque nous en sommes tous les victimes même si quelques-uns seulement tombent.
Comme une forme d'épidémie, cette incapacité à pouvoir sélectionner les intervenants dans l'existence sensés vous vouloir du bien et à les traiter avec le même rejet et la même violence que si ils vous voulaient du mal est peut-être une sorte de forme du doute absolu, du doute profond, du doute à la fois sain et destructeur, qui s'est emparé de cette nation et plus largement de toute la politique euro-globale à l'égard de ce qu'on continue de nommer, si fort, si haut, et si souvent que ça devient louche, ses "citoyens".
Comment en effet faire un tri, au regard des institutions qui nous étayent, entre la volonté de vous achever et celle de vous aider à vivre quand tous les corps professionels et les corps politiques responsables ont montré leurs compromissions, leur aliénation et leur incapacité à vous protéger , tout en déclarant vous vouloir le plus grand bien, à divers moments de votre vie, impliquant vos enfants, votre statut, votre vie intime, vos revenus, vos droits, votre santé bref, tout de votre existence, devenu soudain une proie ?
Comment trier ce qui vous sauve et ce qui vous tue quand les manoeuvres diverses de ceux qui vous représentent montrent, même aux esprits les plus naïfs et confiants, que ces politiciens, décidant de votre sort sont ou incompétents, ou vendus, ou les deux, et que les choix qu'ils peuvent faire ne sont fait qu'avec des directives qui vous échappent complètement comme elles leur échappent aussi d'ailleurs et s'orientent vers des buts si obscurs que le moindre de vos pas en avant devient une sorte de risque à courir ?
Comment ne pas envisager que ce pompier, que cet ambulancier, eux-aussi, puissent avoir soudain glissé dans le champ de la persécution, comme tant de membres du corps médical avant eux ?
Pas nécessairement dans une claire conscience que c'est ce même rapport du bien et du mal, comme des zones nécessairement séparées, qui tient les rapports sociaux et peut leur faire prétendre à l'application d'une justice, même si cette dernière n'est que le faible reflet des contradictions ou des injonctions d'une époque mais comme dans une sorte de crise psychotique, au sens ou toute crise crie sa propre vérité, où chaque intervenant est d'emblée quelqu'un dont il faut à tout prix se protéger et se défendre, dans un monde ou la méfiance, l'indifférence, la violence verbale, les insultes, la délation sont les moteurs essentiels des fils reliant les uns aux autres.
Ou du moins sont les moteurs décrits comme tels, ce qui est largement une autre paire de manche et oriente la responsabilité de ces éclats mortifères vers notre scène commune, notre vie sous procuration, notre main de maître dessinant nos pensées, nos envies, nos croyances, nos avis et prenant la place de ce qui fait notre réalité quotidienne, nous enjoint de pleurer tel ou tel animateur, de haïr telle ou telle commentatrice, autrement dit de transférer partout et tout le temps cette turgescence émotionnelle qui baigne chacune de nos paroles, contamine chacun de nos propos en ayant transformé tous les rapports sociaux en cette culture de la polémique * qui a progressivement envahi tout l'espace collectif et étale ses effets secondaires sur une nécessaire vision neutralisée et un peu plus objective, de ce qui nous entoure. EG
* Taguieff.
7.18.2025
Dermatose nodulaire contagieuse
6.01.2025
Décapités nous sommes.
Qu'on le veuille ou non, qu'on en soit ou non conscient, il est déposé entre les mains du pouvoir une part de notre besoin de sécurité. Celle qui peut nous permettre de continuer à vaquer à nos occupations quotidiennes en n'ayant pas la nécessité d'être sur un pied de guerre permanent et en pouvant au moins nous appuyer sur une stabilité des institutions et de quelques-unes des valeurs pérennes, et de ce pour quoi elles ont structuré le pays et son histoire.
La représentation, c'est un peu ça que ça implique, vous remettez les clefs, symboliquement, à une instance, incarnée par un personnage pour un certain laps de temps afin qu'il agisse et décide au nom du bien collectif, c'est à dire aussi au nom de votre bien individuel.
Ça marche, plus ou mois bien, normalement, puisque c'est évidemment une fiction mais c'est la fiction de la démocratie représentative et on a longtemps cru que c'était la plus respectueuse de l'écologie sociale et du respect apriori de chacun des membres d'une entité abstraite : la nation, le pays, le peuple, etc.
Que la forme constitutionnelle française, créée dans un contexte historique spécifique et légitimant cette posture représentative, ses droits et ses devoirs, puisse vieillir et se craqueler au contact des évènements endo et exogènes, c'est une évidence. Son schéma s'est usé au contact des personnes, des individus qui l'ont palpé et interprété, et jugulé et détourné en prenant le pouvoir, sachant qu'elle est supposée avant tout être un rempart contre ce même pouvoir qui n'est au fond que la manifestation de ses abus lorsqu'il n'est pas contré, contrôlé "en toute honnêteté".
Il va de soi que c'est bien avec un substrat de valeurs morales que ce pacte s'exerce. L'honnêteté, la probité, la capacité à "en savoir " assez pour prendre des décisions éclairées et tournées vers le long terme, autrement dit cette représentation est dans l'obligation pour prendre corps d'exercer la justice en étant présumée juste, d'exercer l'éducation en se fixant comme horizon le devenir des futurs "citoyens" qui lui sont confiés dans la perspective d'une collectivité et non d'une sorte de devenir personnel sans bords ni cadre imaginaire commun, de prendre soin de la santé de tous sans qu'on en vienne à la soupçonner de vouloir nous anéantir etc.
Les divers représentants élus en tant que "chefs de l'état" lors des dernières décennies, ont navigué dans le système constitutionnel et la logique partisane tant bien que mal, étant plus ou moins contrés, attaqués mais ils n'ont encore jamais miné leur fonction comme lieu d'autorité a priori et comme entité symbolique de représentation du peuple qui les avait élus.
Ce que le dernier en date a attaqué lui, pour diverses raisons, c'est la teneur de ce lien de confiance supposé premier qui ne peut pas se concevoir si s'éveille le fantasme que ce qui l'habite est tout sauf une représentation du peuple qui l'a élu et que l'idée même du bien commun qu'il serait en devoir de défendre, entretenir, peut aisément, en se frottant aux faits, se transformer en fantasme de destruction de ce et ceux qu'il est sensé représenter, à la fois sur la scène intérieure et extérieure.
Les si nombreuses, quotidiennes presque, manifestations de ce qui se nomme "barbarie", et leur niveau de violence gratuite incompréhensible, peuvent se lire à cet éclairage que sa fonction ayant été minée et ne laissant en sa place que des décombres et une forme bien repérable de délire, le peuple en question est sans tête, au sens propre du terme, c'est à dire sans garant, sans garantie, sans bornes, livré aux spasmes des pulsions, des passages à l'acte qui n'ont pas, plus besoin même de se justifier par un gain, un bénéfice autre que leur effectuation.
Un pays sans tête, ou avec, ce qui est pareil et peut-être pire, une tête folle.
L'appareil symbolique qui tient ensemble le pays est devenu une sorte de marécage, de sables mouvants, où chacun, privé de la possibilité d'un recours face à la folie pourtant perceptible, d'une loi qui puisse s'exercer et à qui il puisse faire confiance apriori, d'un lieu du soin qui puisse effectivement le soigner et non chercher à le faire disparaître, d'un lieu de l'apprentissage où l'apprentissage soit la colonne vertébrale et non l'obsession catégorisante, erre, uniquement nanti de sa propre résistance et de ses capacités d'entendement, et seul, avant tout seul même si il cherche à s'imaginer faire partie des métastases idéologiques que l'état décapité a laissé proliférer.
Une des régles, un des fondements de ce qu'on continue de rêver comme une démocratie, c'est bien, au regard d'autres systèmes sociopolitiques, cette sorte d'intime conviction que ceux qui sont élus le sont pour votre bien, pour votre protection, en dépit de vos origines, de votre niveau économique. C'est un leurre, une fantaisie qui évidemment ne résiste pas à l'épreuve des faits mais c'est bel et bien le mythe sur lequel l'Occident s'appuie depuis plusieurs siècles afin de pouvoir idéaliser son modèle comme seul modèle possible et acceptable. C'est un conte, une afabulation mais c'est elle qui permet à une partie du monde de brandir la muleta du progrès en lui donnant une forme humaine.
Ce qui a décomposé ce mythe jusqu'à égarer tant de compatriotes ; immigration, Europe, mondialisation, progressisme à part, c'est à dire comme effets et non comme cause, c'est le fait que celui qui l'incarne depuis tant d'années n'a pas de "corps" au sens institutionnel mais seulement un corps d'enfant, au sens où il ne fait que s'autodéléguer, qu'il ne représente que lui-même et qu'il ne le sait pas parce qu'il est fou.
Il faut du temps pour que ceux qui l'observent de leur profondeur puissent s'apercevoir qu'ils n'existent pas alors qu'ils pensaient être représentés.
Ça les rend fou aussi, différemment mais fous aussi.
On peut même imaginer, en dehors de ses incohérences flagrantes et de sa mégalomanie un peu idiote, que le spectacle incestueux que cet individu a mis sous les yeux de son peuple, spectacle, qui comme toutes ses paroles est produit avec le présupposé que ce même peuple ne "s'apercevra de rien", a contribué à complètement enflammer une partie mâle, adolescente ou jeune adulte de la nation, ceux qu'il nomme "ses frères" et qu'il aime tant à tripoter, population sans mental, sans but, sans idéal, mue par des codes de meute et qui erre sans tête, elle aussi, en ayant grandi dans un enfer où ce qui fait autorité s'est ou bien absenté, pris de culpabilité, ou assimilé à un simple exercice de la force et de la répression, où la parole n'est qu'un artifice médiatique, où l'impuissance et le mensonge sont érigés en mode de gouvernance et où l'exercice du pouvoir se limite à tenter d'exercer une séduction sur tous tout le temps et à avoir besoin régulièrement de se faire humilier par tous, tout le temps.EG